La philosophe Chantal Delsol évoque une "agonie" du christianisme, un mot que l’on ne trouve nulle part dans votre livre. Vous paraît-il juste ?
En parlant de "péril", je m’éloigne résolument de toute sémantique de la ruine ou de l’anéantissement. Nombre d’ouvrages commis dans les années 1970 demandant si "le christianisme allait mourir" comportaient un versant rhétorique, complice de l’effet médiatique. Là-contre, la racine "per" du vocable "péril" que l’on retrouve par exemple dans "ex-pér-ience" signifie une traversée, donc un risque. Un saut périlleux est un saut risqué, non pas d’emblée mortel. Ainsi, le catholicisme connaît aujourd’hui une traversée de l’Histoire à haut risque dont le caractère inédit exclut toute superposition consolatrice avec les problématiques qu’il a connues au cours des siècles précédents. Les réductions, simultanément éthique, politique, métaphorique et métaphysique dont il est désormais gravement l’objet, ce après des décennies de cécité plus ou moins candide, expriment un déficit majeur qui est celui de la foi. Thomas d’Aquin au XIIIe siècle disait que "la qualité nécessaire à chaque chrétien, c’est la foi". Saint Jean l’avait précédé. Mais la foi n’est pas un providentialisme paresseux ; elle implique une décision, un acte, l’"acte de foi" disait le bon vieux catéchisme. On comprend ainsi pourquoi Jésus adressait à ceux qu’il guérissait non pas un "je t’ai sauvé", mais : "Va, ta foi t’a sauvé". En cela, il accomplissait la logique de l’alliance divino-humaine, engagée dès avant le moment abrahamique. Cette logique stupéfiante dont les origines nous relient à nos frères juifs, a été honorée dès la première génération des apôtres, ainsi que l’atteste ce verset magnifique des Actes des apôtres : "L’Esprit-Saint et nous-mêmes, nous avons décidé… !" Voilà une leçon décapante sur la teneur de la responsabilité ecclésiale, en mesure de combattre les collapsologies ambiantes.