Alors que le procès de l’attentat de Saint-Étienne-du-Rouvray s’ouvre ce lundi 14 février, Maître Catherine Fabre, qui représente le diocèse de Rouen et son archevêque, Mgr Dominique Lebrun, revient sur les enjeux et la difficulté d’un tel procès.
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Près de six ans après l’assassinat du père Jacques Hamel, l’ouverture du procès de l’attentat de Saint-Étienne-du-Rouvray ce lundi 14 février est particulièrement attendu. Si les deux auteurs du meurtre, Adel Kermiche et Abdel-Malik Petitjean, ont été tués le 26 juillet 2016. Quatre autres personnes sont renvoyées aux assises : trois pour association de malfaiteurs terroriste en vue de préparer des crimes d’atteinte aux personnes et un autre, absent car présumé mort, pour des faits de complicité d’assassinat et de tentative d’assassinat terroristes. "La difficulté d’un tel procès c’est que les auteurs principaux ne seront pas là", explique à Aleteia Maître Catherine Fabre, l’avocate qui représente le diocèse de Rouen. "Aucune des personnes poursuivies n’était dans l’église. Ils vont donc chercher à mettre en évidence la distance qu’ils avaient par rapport aux faits." Entretien.
Aleteia : Les auteurs de l’attentat, Adel Kermiche et Abdel Malik Nabil-Petitjean sont morts et aucune des personnes poursuivies n’était dans l’église le 26 juillet 2016. Que peut-il ressortir de ce procès ? Maître Catherine Fabre : Ce procès est attendu pour de nombreuses raisons. Dans le box de la cour d'assises spéciale de Paris, les trois personnes citées à comparaître, Jean-Philippe Jean Louis, Farid Khelil et Yassine Sebaihia, vont devoir répondre à un certain nombre d’éléments mis au jour par le juge d’instruction. Des éléments qui caractérisent un certain nombre d’implications et une adhésion à des thèses djihadistes. À la cour d’assise de décider s’ils sont coupables ou non d’association de malfaiteur terroriste. Les personnes accusées vont plutôt chercher à se dégager de l’accusation et vont se défendre en disant ne pas avoir été au courant de ce projet, ou en tout cas pas suffisamment pour être considérées comme impliquées dans le projet d’assassinat.
Le procès va également dire quelque chose de ce que la communauté catholique a vécu et vit aujourd’hui en ayant perdu un prêtre dans ces conditions là.
À côté de cela, des éléments vont être amenés par les parties civiles afin de faire connaître la personnalité du père Hamel, dire qui il était avec le plus de justesse, expliquer ce que cela signifie qu’il ait été tué, sur son combat contre le mal comme en témoignent ses dernières paroles "Va-t’en, Satan". Le procès va également dire quelque chose de ce que la communauté catholique a vécu et vit aujourd’hui en ayant perdu un prêtre dans ces conditions là. Il y a une dimension tellement forte du fait de sa vulnérabilité, de son engagement, que cet événement tragique a bouleversé les catholiques mais pas seulement. Le père Jacques Hamel était un homme et un prêtre tellement donné aux autres que l’émoi a été unanimement partagé par les croyants et les non-croyants.
Pourquoi Mgr Lebrun s’est-il constitué partie civile ? Cela n’allait pas de soi et a été le fruit d’un long processus de décision. La demande a été faite en 2017 et elle a été reçue en 2018. Il ne s’est pas précipité en disant qu’il était archevêque de Rouen et que le père Jacques Hamel était un prêtre de son diocèse. Pour sa part c’est une démarche mûrie, qui correspond à un engagement profond et qui se place dans un certain cheminement. La démarche des trois sœurs présentes lors de l’assassinat et qui ont décidé de ne pas se constituer partie civile dit quelque chose de son propre questionnement. Il est là pour exercer ses droits devant la justice française, en tant que responsable de la communauté catholique. En droit français, il est le président de l’association diocésaine. L’Église n’est pas une structure juridique en France. La République ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte mais cela ne veut pas dire qu’elle n’en tient pas compte. En se constituant partie civile, il a également pu avoir accès à des éléments importants pour nourrir le dossier de béatification du père Jacques Hamel, notamment la question du martyr c’est-à-dire une mort violente, en haine de la foi, la réponse formulée par le père Hamel… Enfin, à titre personnel, il était évêque quand le père Hamel s’est fait tuer et c’est donc vers lui que tout le monde s’est tourné pour avoir une parole.
Les deux djihadistes n’avaient rien de personnel contre le père Hamel [...] c’est parce qu’il était prêtre et qu’il célébrait la messe.
Pour demander quoi ? À être entendu. À savoir qui était le père Hamel et pourquoi on souffre de l’avoir perdu. Pour cela il faut être partie civile. Comme je vous le disais précédemment, un certain nombre d’informations importantes pour le dossier de béatification n’était accessible qu’à condition d’être partie civile. Mgr Dominique Lebrun s’est constitué partie civile pour dire quelque chose, pour faire entendre ce qui a été vécu mais surtout pour rechercher la vérité, la justice et la paix. Il cherche un chemin de vie, par le haut et il se trouve sur une crête.
Dans quelle mesure la dimension religieuse de cet attentat sera prise en compte par vous et par la cour ? Elle est nécessairement prise en compte car fait partie de l’incrimination, c’est le texte de la loi qui définit et sanctionne les faits de la poursuite. Le père Hamel a été tué en raison de sa religion, c’est la définition du crime aux yeux de la loi. Les deux djihadistes n’avaient rien de personnel contre le père Hamel, le seul motif c’est la religion, c’est parce qu’il était prêtre et qu’il célébrait la messe. En conséquence, les membres de la même communauté religieuse peuvent faire valoir leurs droits en tant que communauté. Le crime a raison de la religion ouvre le champ de la constitution de partie civile aux représentants de la communauté religieuse.