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L’attentat de Saint-Étienne-du-Rouvray devant la justice

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Agnès Pinard Legry - publié le 13/02/22
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Le procès de l’attentat de Saint-Étienne-du-Rouvray s’ouvre ce lundi 14 février devant la cour d’assises spéciale de Paris, près de six ans après l’assassinat du père Jacques Hamel dans son église. Jusqu’au 11 mars vont défiler à la barre accusés, témoins et parties civiles afin de faire toute la lumière possible sur ce tragique événement.

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Au fil des ans et des commémorations, le choc et l’émotion ont laissé place au recueillement, la violence du geste à la force du pardon. Aujourd’hui, devant la cour d’assises spéciale de Paris, le temps de la justice est désormais venu. Le procès de l’attentat de Saint-Étienne-du-Rouvray s’ouvre ce lundi 14 février à 10h dans la salle Voltaire du palais de justice de Paris, sur l'Île de la Cité, et durera jusqu’au 11 mars. Un mois de procès pour un attentat qui a coûté la vie au père Jacques Hamel, il y a près de six ans.

Ce mardi 26 juillet 2016 au matin, la France est en vacances. Les mois et semaines précédentes ont été douloureusement éprouvants. Comme une longue litanie, les attentats rythment l’actualité : ceux du 13 novembre 2015 qui ont coûté la vie à plus de 130 personnes, le double meurtre de Magnanville le 13 juin 2016 et l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice, quelques jours auparavant, où près de 90 personnes ont perdu la vie. Des attentats de masse mais aussi des attaques ciblant spécifiquement une catégorie de personnes et dont l’ombre plane insidieusement dans le quotidien des Français. À Saint-Étienne-du-Rouvray, petite ville située dans la banlieue de Rouen, le père Jacques Hamel célèbre comme à son habitude la messe de semaine à 9h dans l’église Saint-Étienne devant une assemblée légèrement plus clairsemée que d’habitude : un couple de paroissiens, Janine et Guy Coponet, et trois religieuses, sœur Danièle, sœur Huguette et sœur Hélène. Mais peu après la communion, au moment de l’envoi dans la paix du Christ, deux djihadistes de 19 ans, Adel Kermiche et Abdel-Malik Petitjean, pénètrent dans l’église. Ils égorgent le père Hamel qui répétera par deux fois avant de rendre son dernier souffle : "Va-t’en, Satan !". Guy Coponet, contraint par les deux terroristes à filmer la scène, est ensuite à son tour attaqué au couteau mais il s’en sortira.

De curé de campagne à martyr

L’une des religieuses ayant réussi à s’échapper dès le début, la police est prévenue et neutralise les assaillants. Il est 10h30. Il aura à peine fallu plus d’une heure pour que l’histoire bascule à nouveau. La nouvelle de l’attaque remonte au plus haut niveau de l’État et le jour même François Hollande, président de la République, et Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, se rendent à Saint-Étienne-du-Rouvray. Ce 26 juillet 2016, un prêtre a été assassiné dans son église parce qu’il était homme de Dieu. Un prêtre humble, exemple d’une vie entièrement donnée au Christ et à sa communauté comme celle de nombreux curés de campagne et que rien ne prédestinait au martyr. Ce jour-là, la France s’est rappelée qu’elle avait des prêtres discrets mais œuvrant inlassablement au service de leur prochain. Ce jour-là, le cœur de la France battait dans une église.

Près de six ans après, alors que les deux assaillants ont été tués, quelle est la nature et l’enjeu du procès qui s’ouvre ? "Ce procès va dire quelque chose de ce que la communauté catholique a vécu et continue de vivre en ayant perdu un prêtre dans ces conditions-là", indique pour sa part Maître Catherine Fabre, qui représente l’archevêque de Rouen Mgr Dominique Lebrun. "C’est un événement tragique et qui a une dimension tellement forte du fait de sa vulnérabilité, de son engagement, qu’il a bouleversé les catholiques mais pas seulement, il a bouleversé toute la France."

Quatre personnes renvoyées aux assises

Quatre personnes sont renvoyées aux assises. Jean-Philippe Jean Louis, Farid Khelil et Yassine Sebaihia, trois personnes de l’"entourage familial, amical ou téléphonique" des deux assaillants, selon les mots de l'accusation, sont renvoyés pour "association de malfaiteurs terroriste". Ils sont soupçonnés d’avoir été au courant des projets des deux jeunes hommes, d’avoir partagé leur idéologie extrémiste ou d’avoir tenté de rejoindre les groupes terroristes en Syrie. L’instigateur présumé de l'attaque, le propagandiste Rachid Kassim, sera le grand absent du procès. Présumé mort dans un bombardement en Irak en février 2017, il est le seul à être mis en examen pour complicité de l’assassinat du prêtre et de la tentative d’assassinat sur un paroissien (Guy Coponet, ndlr), pour avoir "sciemment encouragé et facilité le passage à l'acte" d'Adel Kermiche et Abdel-Malik Petitjean.

La première semaine sera consacrée à l’examen des personnalités des accusés, à une présentation globale du dossier et aux auditions des parties civiles. La deuxième semaine devrait permettre de recevoir les témoignages des enquêteurs ; des proches des auteurs directs et des accusés. Les interrogatoires des accusés devraient avoir lieu la troisième semaine. Enfin, la dernière semaine devrait être consacrée aux plaidoiries et aux réquisitions. Une peine de trente ans de réclusion criminelle est encourue pour Jean-Philippe Jean Louis, Farid Khelil et Yassine Sebaihia.

Roseline Hamel, la sœur du père Hamel, a récemment confié dans un entretien à La Croix, que, même si elle appréhendait ce procès, elle souhaitait être présente. "Notre place sera de faire ressortir la personnalité de Jacques, ce qu’il a été tout au long de notre vie", a-t-elle confié. Guy Coponet, "veut comprendre, à travers le procès, comment des jeunes tout juste sortis de l’adolescence en sont arrivés à commettre de telles horreurs", a expliqué à l’AFP son avocat, Méhana Mouhou. Malgré ses 92 ans, il prévoit d’assister à une partie du procès, ce qu’il considère comme "une mission spirituelle" "pour la mémoire du père Hamel" et de son épouse, aujourd’hui décédée.

Le pardon nécessite de passer par les méandres de la justice.

Quand on lui demande ce qu’il attend de ce procès l’archevêque de Rouen Mgr Dominique Lebrun, qui s’est constitué partie civile, répond limpidement la justice. "La justice en ce qui concerne les accusés. Sont-ils coupables, de quoi seraient-ils coupable. Ils ont le droit de connaître la réponse de la société", a-t-il expliqué début février. À la question du pardon, il a rappelé que "le pardon est évidemment l’horizon de l’Église, de ma vie, et si j’ose dire, de la vie du père Hamel" mais qu’il nécessite "de passer par les méandres de la justice." "C’est cette justice qui permettra d’avancer sur le chemin de la vérité." "Puisse la vraie lumière éclairer les juges et les accusés, c’est la prière qui va m’accompagner tout au long de ces semaines de procès", reprend-t-il.

Un chemin de vérité que suit également le procès en béatification du père Hamel. Deux mois après son assassinat, le 29 septembre 2016, le pape François a autorisé exceptionnellement l’ouverture de la procédure en vue de sa béatification comme martyr, dispensant du délai habituel de cinq ans entre l’événement et l’ouverture du procès canonique. Son dossier, déposé en avril 2019, "est désormais entre les mains de la Congrégation pour la cause des saints", détaille le père Paul Vigouroux, vice-postulateur de la cause en béatification du père Jacques Hamel. Si aucune date n’a été annoncée, le pape François a d’ores et déjà qualifié à plusieurs reprises le père Hamel de "martyr" et de "bienheureux".

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