La famille à la première place
Bonne nouvelle. Parmi les dix-sept réponses proposées, à classer selon son ordre de préférence, une source de sens est prédominante : la famille. Dans quatorze des dix-sept pays, la famille est citée en priorité dans ce qui donne le plus de sens à la vie, plus que toute autre donnée. Les personnes interrogées mentionnent leurs relations avec leurs parents, frères et sœurs, enfants, petits-enfants, le temps de qualité passé avec eux, la fierté éprouvée devant les réalisations de leurs proches et même le désir de vivre une vie qui laisse un monde meilleur à leurs enfants. En Australie, en Nouvelle-Zélande, en Grèce et aux États-Unis, c’est plus d’une personne sur deux qui place la famille à la première place. En France aussi, elle est en tête, mais seulement pour 32% des Français.
Finalement, ce qui manque cruellement à ce genre d’enquêtes, pas inutiles au demeurant, ce sont les réponses qui évoquent d’autres besoins de l’homme que sont les besoins de l’âme.
Ensuite, dans l’ordre, nos concitoyens interrogés plébiscitent leur activité professionnelle (25%). En cette période de pandémie qui n’en finit pas, la santé est considérée pour un Français sur six comme source de sens à la vie (17%). Suit derrière le bien-être matériel (14%), qui passe avant les amis (12%) et les hobbys (10%). La liberté finalement ne récolte qu’un petit 8%, la nature à égalité avec la société sont à 7%, la retraite décroche 4%, le conjoint — sûrement déjà inclus aussi dans la famille — un petit 3%, à égalité avec les voyages, mais un peu au-dessus de l’éducation (2%). Tout en bas de la liste, la foi est placée au même rang que les animaux de compagnie et l’engagement associatif, pour décrocher un humble petit pour cent.
Les besoins de l’âme
Je ne suis pas surprise par ce magnifique plébiscite en faveur de la famille, ni par celui du travail qui offre à beaucoup les moyens de se réaliser, de se sentir utile. En revanche la place des amis, de la liberté, de l’engagement et plus encore celle de la foi m’ont laissé coite. Finalement, ce qui manque cruellement à ce genre d’enquêtes, pas inutiles au demeurant, ce sont les réponses qui évoquent d’autres besoins de l’homme que sont les besoins de l’âme. L’art, la beauté, la vérité, la responsabilité, l’espérance… moins faciles à « quantifier » et pourtant si essentielles au quotidien.
Le bien-être matériel avant les amis ? Tout en ayant du mal à le croire, me revient à l’esprit cette pichenette du pape François aux jeunes, les invitant à quitter leur confort, à éviter la paralysie de confondre le bonheur avec un canapé… Le Saint Père qui, en la solennité de l'épiphanie du Seigneur, nous disait depuis Rome ce 6 janvier que « la crise de la foi, dans notre vie et dans nos sociétés, […] est liée au sommeil de l’Esprit, à l’habitude de se contenter de vivre au quotidien, sans s’interroger sur ce que Dieu veut de nous. Nous nous sommes trop repliés sur les cartes de la terre et nous avons oublié de lever le regard vers le Ciel ; nous sommes rassasiés de beaucoup de choses, mais dépourvus de la nostalgie de ce qui nous manque. La nostalgie de Dieu. Nous nous sommes fixés sur nos besoins, sur ce que nous mangerons et de quoi nous nous vêtirons, laissant s’évaporer le désir de ce qui va au-delà ». Est-ce que le 1% recueilli par la foi viendrait de là ?
Et la liberté ?
Quant à ce 8% pour la liberté… Ces derniers jours, le président Emmanuel Macron a rappelé, dans un entretien controversé, cette étriquée définition « à la française » de la liberté : ma liberté s’arrête là où commence celle des autres… Comment alors ne pas penser à la mise en garde de Bernanos, dans l’une de ses conférences : « La pire menace pour la liberté n’est pas qu’on se la laisse prendre, — car qui se l’est laissé prendre peut toujours la reconquérir. C’est qu’on désapprenne de l’aimer, ou qu’on ne la comprenne plus. » Où trouver un sens à la vie ? Aucune enquête ou algorithme ne nous donnera jamais cette réponse, sans prix. Et si c’était la vie, le sens ? Cette vie qui, sans cesse, nous appelle et nous invite à prêter l’oreille pour faire de nos errances, notre chemin.