Récemment, au cours d’une visite dans une classe d’école primaire, un enfant d’une dizaine d’années m’a objecté que Jésus avait péché au moins une fois dans sa vie : n’a-t-il pas désobéi à ses parents lorsqu’il est resté à leur insu au Temple de Jérusalem alors qu’il était supposé repartir avec eux vers Nazareth ? Les questions des enfants sont toujours sérieuses et parfois embarrassantes. En effet, comment comprendre que Jésus, âgé de douze ans, ait ainsi sciemment échappé à la vigilance de ses parents ? Comment a-t-il pu leur infliger une telle inquiétude ? Il ne les avait pas habitués à cela !
Un geste qui a valeur de signe
Jésus a partagé notre condition humaine en toute chose, à l’exception du péché. Il n’a jamais péché : c’est un article de foi. Donc, il n’a pas commis de péché lorsqu’il fut perdu puis retrouvé au Temple. Comment le comprendre ? Tout péché est un refus volontaire et délibéré de faire le bien que Dieu nous commande par le jugement de notre conscience éclairé par la Loi (ou de nous abstenir du mal qu’il nous interdit). Or, dans le cas présent, si Jésus reste au Temple à interroger les docteurs de la Loi et à répondre à leurs questions, c’est, dit-il, « qu’il me faut être chez mon Père ».
On peut aussi traduire : « Je dois être aux affaires de mon Père ». Jésus signifie ainsi qu’il a des devoirs envers son Père du Ciel qui ont la priorité sur ses devoirs envers ses parents terrestres. Ces trois jours passés à scruter la Loi et les prophètes avec les spécialistes ont valeur de signe. Ils annoncent que Jésus accomplira les Écritures par sa mort sur la Croix et sa résurrection, le troisième jour. Alors, il sera perdu et retrouvé. Les siens connaîtront l’angoisse puis la joie — une joie dont la source ne tarira plus dans la suite de l’histoire. En donnant ce signe à ses parents, Jésus ne s’oppose pas à la volonté de Dieu, au contraire il l’accomplit.
Tous enfants de la paternité divine
À cette occasion, Marie désigne explicitement Joseph comme étant le père de Jésus : « Vois comme ton père et moi, nous avons souffert en te cherchant. » Certes, Joseph n’est pas le « père biologique », comme nous disons aujourd’hui. Il n’en est pas moins véritablement père : par lui, Jésus est inscrit dans une lignée, celle de David ; avec Marie, il assure son éducation, il le nourrit, le soigne, le protège. Joseph assume pleinement sa responsabilité de père. On ne l’imagine pas comme un homme effacé ou absent. Marie n’occupe pas, seule, toute la place auprès de Jésus. C’est ensemble, mère et père, que Marie et Joseph, ont assumé la mission que le Père du Ciel leur a confiée auprès de son Fils qui est aussi le leur.
Chacun d’entre nous est personnellement connu et voulu par le Créateur.
Cet épisode de Jésus perdu et retrouvé au Temple comporte un enseignement valable pour tous : la paternité et la maternité humaines trouvent leur origine dans la paternité divine. Les parents ont donné naissance à leur enfant. Il est le fruit de leur amour, l’expression concrète de leur union. Mais ils n’en sont pas les créateurs. L’enfant vient de plus loin qu’eux. Selon la foi chrétienne, tout être humain est individuellement créé par Dieu. Chacun d’entre nous est personnellement connu et voulu par le Créateur. Certes, les processus biologiques de la conception et de la formation progressive de l’embryon qui devient fœtus puis enfant sont aujourd’hui bien connus. Mais nous ne sommes pas seulement des organismes biologiques sophistiqués. Nous avons une profondeur spirituelle qui fait de nous des personnes libres et revêtues d’une dignité intrinsèque.
Les parents sont les collaborateurs du projet divin
L’esprit n’émerge pas de la matière. Il ne résulte pas de la culture (il en est la condition de possibilité). Il est créé par Dieu. C’est le sens de la doctrine catholique de la création immédiate de l’âme spirituelle par Dieu. Dieu n’a pas créé l’humanité dans son ensemble comme une foule indistincte. Non, chacun de nous est le fruit d’un acte personnel de l’Amour créateur. C’est pourquoi, il est juste de voir dans l’enfant qui naît la réalisation d’un « projet divin » qui nous transcende, et pas seulement celle d’un « projet parental » que nous maîtrisons entièrement.
Les parents sont les collaborateurs de ce projet divin. Dieu n’utilise pas les parents comme des instruments passifs. Il passe par leur liberté, leur désir et leur choix responsable. Par leur mariage, ils ont reçu la belle mission et la difficile charge du service de la vie. Ce qui ne veut pas dire qu’ils sont au service de tous les désirs de leur enfant, mais qu’ils servent la vie en lui donnant une éducation jusqu’à ce qu’il atteigne l’autonomie de l’âge adulte. La paternité et la maternité humaines sont ensemble le reflet de la paternité divine. Le contexte le plus favorable pour un enfant est de grandir dans le rayonnement de l’amour mutuel de son père et de sa mère, image de l’Amour trinitaire.
Prions pour toutes les familles et pour tous les enfants, spécialement pour les familles en difficulté, pour les parents fatigués qui éprouvent de la peine à élever leurs enfants, pour les familles divisées. Que l’exemple de la Sainte Famille les éclaire. Que la grâce de Dieu, grâce d’amour et de communion, les soutienne. Qu’ils reçoivent en abondance de l’Esprit, les dons de conseil et de force.