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Quand cesse-t-on d’être un enfant ? Question éternelle s’il en est… En cette journée du 20 novembre à l’occasion de laquelle nous est rappelée la Convention relative aux droits de l’enfant, votée par les Nations-unies en ce même jour de 1989, elle mérite cependant qu’on s’y attarde un peu. D’une manière un peu incarnée !
Michael a 17 ans. En tout cas, il l’affirme haut et fort à tous ceux qui enquêtent sur son dossier. Il n’a aucun document précis et officiel attestant de son âge. Seule sa parole l’affirme. Pour l’administration, il a plus de 20 ans. On prétexte sa maturité pour statuer ainsi : il est vrai qu’après deux ans de voyage où il a tant de fois fréquenté la violence, la mort, la torture et la faim, il n’a pas tout à fait la même psychologie que son contemporain français élevé plus heureusement.
Le test du cartilage
En France, à l’heure du triomphe de la Science, le seul test dont on dispose et sur lequel on s’appuie remonte à un procédé mis en place en 1931… Il s’agit de radiographier la main gauche du jeune et d’observer la calcification du cartilage qui indique ou non s’il a franchi le cap de la majorité. Inutile de faire remarquer que les carences alimentaires, et la diversité des origines rend peu fiable cet examen mis en cause par tout le monde sauf par le ministère de l’Intérieur. De toute façon, Michael n’a pas à s’en faire : personne ne traitera sa demande avant plusieurs mois. Comme il a lui-même donné sa date de naissance, on prendra bien soin de laisser passer la date de son anniversaire afin de lui expliquer alors qu’il est désormais majeur et qu’il n’a plus rien à attendre de ce pays.
Personne ne les stoppera, c’est bien plus simple de ne pas regarder et de laisser couler des anonymes dont on ne parlera jamais : autant de dossiers en moins à traiter !
Sur les plages de la mer du Nord, ils sont nombreux les enfants et les bébés qui montent à bord de ces petits canots : la mer est grosse, le ciel est noir, il faudra traverser les rails marins où se suivent, tels des trains, les tankers du monde entier. Personne ne les stoppera, c’est bien plus simple de ne pas regarder et de laisser couler des anonymes dont on ne parlera jamais : autant de dossiers en moins à traiter ! Anglais et Français se renverront la balle dans un cynisme merveilleux en oubliant pourtant qu’ils promirent un 20 novembre 1989 de tout faire pour protéger les plus petits en affirmant solennellement leur droit de vivre et de survivre. Et pour se donner bonne conscience, ils s’indigneront d’un mur en construction sur la frontière polonaise : toute honte bue, ils accuseront le gouvernement de Varsovie d’user d’une arme dont ils n’ont pas à s’encombrer. Chez nous, la mer est encore plus efficace : ceux qui sont refusés ou repoussés disparaissent dans ses flots et n’y reviennent pas.
Désormais, elle n’existe plus
Jeanne a 21 ans, elle est née dans le centre de la France. Ses parents, toxicomanes, sont morts tous les deux quelques années après qu’elle vint au monde. Placée, elle a été plus ou moins bien traitée. Au jour de ses 18 ans, les services d’aide à l’enfance lui ont expliqué qu’elle devait quitter la structure où elle était alors hébergée. C’est la loi : « À 18 ans, tu dois être autonome. » Bien sûr, elle en avait été informée quelques mois plus tôt par une assistante sociale qui la suit, parmi des dizaines d’autres jeunes. Une chose est de savoir qu’une telle échéance arrive, une autre est de la vivre.
Que vaudrait un parent qui au jour des 18 ans mettrait dehors son enfant sans se soucier de son avenir ?
La voilà qui sort, sans rien, son sac de sport à la main. Elle n’a ni famille, ni ami dehors. Avec un niveau scolaire assez faible, que peut-elle devenir ? Deux jours plus tôt, lorsqu’elle avait encore 17 ans, beaucoup s’en souciait. Désormais, elle n’existe plus. Certains se demandent s’il ne serait pas juste de permettre à ces jeunes-là, abandonnés de tous et dont l’enfance et l’adolescence sont des chemins de croix, d’être reconnus comme « enfants de France ». Qu’ils puissent être accompagnés comme tels, y compris au-delà de leur majorité comme des pupilles en quelque sorte. Que vaudrait un parent qui au jour des 18 ans mettrait dehors son enfant sans se soucier de son avenir ? Que vaut un pays qui fait montre pour les plus fragiles des siens d’une telle désinvolture ?
Oui, quand cesse-t-on d’être un enfant ? Et aussi : quand le devient-on ? Le rapport récent de la Ciase sur l’état des lieux dans l’Église, qui continue de nous couvrir d’une profonde tristesse, doit nous inciter à ne rien lâcher en rappelant à temps et à contre temps que rien ne dure qui ne se bâtisse sur l’Amour, condition de toute vraie justice.