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Comme la loi le stipule d’une manière très claire, la mise à l’abri des enfants ne souffre pas l’ombre d’une discussion. Cette loi s’impose à chacun, quelle que soit la fonction qu’il occupe dans la société ou au service de l’État. Elle ne dépend pas du bon vouloir des parents de l’enfant en question. Quand il court un danger et que ce danger est patent, il faut le protéger, c’est tout. Parmi les populations migrantes qui se rassemblent, de plus en plus nombreuses le long des côtes de la Mer du Nord, il y a de nombreux enfants. Des bébés même, qui dorment depuis des semaines ou des mois dehors, au vu et au su de tous. Ils endurent la pluie, le froid, la boue, la peur.
Un déni de réalité
On peut jusqu’à l’infini disserter sur l’accueil à réserver aux adultes qui migrent. On peut même, et c’est manifestement le cas dans notre beau pays, trouver normal de ne pas les regarder, de ne pas s’en préoccuper autrement qu’en essayant de les écœurer ou de les effrayer. Il est évidemment légitime que des frontières distinguent les territoires et que des règles s’appliquent selon le pacte social du dit territoire. Mais chacun sait aussi qu’une frontière qui s’érige en mur devient rapidement une frontière qui s’affaisse.
Même si l’on a du mal à imaginer quels chemins ouvrir pour ceux qui sont là et pour ceux qui les suivent, il apparaît hallucinant que nul au sommet de l’État ne s’en soucie vraiment et que l’on se cantonne à des bêlements hoquetant du type « y a qu’à les renvoyer » ou « y a qu’à les régulariser » qui sont sans avenir car sans intelligence. Cela ne serait pas très grave et rejoindrait la litanie des sentences qui rythme la marche funèbre de notre vie politique, et renvoie ses acteurs au rang de porte-paroles d’agences de communication. Oui cela ne serait pas très grave s’il ne s’agissait de la vie des hommes et de l’avenir des peuples. Il y a un déni de réalité devant les causes et les conséquences des flux migratoires qui est équivalent à celui qui nous pousse à refuser de voir les causes et les effets de la consomption de notre planète.
Ce qui fait le chef
Comment expliquer, pour ne parler que du présent et d’une actualité migratoire qui fragilise nombre de communes déjà frêles économiquement de notre côte du Nord, qu’on laisse s’y rassembler une foule de plus en plus nombreuse ? Comment se fait-il que nul ne songe à mettre en place en chemin des lieux où ceux qui remontent vers l’horizon anglais, puissent être cantonnés et protégés ? Comment peut-on prétendre ne pas voir passer ces groupes nombreux qui ne rampent ni ne volent ?
Comment des hommes et des femmes qui ont à décider, gouverner, juger, punir, maintenir l’ordre, peuvent-ils le soir border la chair de leur chair sans penser à ces petits qui pleureront dans le froid ?
Et puis, parmi ces êtres, comment laisse-t-on de jeunes mères et leurs nouveau-nés errer ainsi en contrevenant ainsi à cette protection de l’enfance dont nous nous gargarisons si facilement lorsque nous dénonçons ailleurs le travail forcé des enfants ou la violence dont ils peuvent être victimes au sein de leurs familles ? Comment des hommes et des femmes qui ont à décider, gouverner, juger, punir, maintenir l’ordre, peuvent-ils le soir border la chair de leur chair sans penser à ces petits qui pleureront dans le froid ? D’aucun argumenteront que la loi doit être appliquée, inflexible. Ignorent-ils alors que ce qui fait le chef n’est pas qu’il manie servilement le bâton d’une règle, mais qu’il se soucie d’abord de défendre le faible et de le protéger ?
Être écouté
À Grande Synthe, un maire appelle à l’aide, non devant l’invasion comme certains, avec gourmandise, en rêveraient, eux qui ne bâtissent leur succès que sur la peur de l’autre. Mais parce qu’il est laissé seul et que sa commune est le dernier lieu de vie possible avant la mer et ses dangers. À Calais, un prêtre, Philippe Demeestère, jésuite, 72 ans, vient de terminer une grève de la faim au bout de 25 jours. Deux autres, Anaïs Vogel et Ludovic Holbein décident de la poursuivre. Ils demandent une chose apparemment simple, c’est d’être écouté et que les associations qui se tiennent aux côtés de ceux qui souffrent puissent participer à une réflexion organisée par les pouvoirs publics, souvent bien pourvus en cerveaux brillants mais malheureusement moins en expérience du terrain.
Au maire, comme à ceux qui sont prêts à risquer leur vie pour que d’autres soient respectées, on ne répond manifestement rien d’autre que des paroles verbeuses et des soupirs agacés. On brandit le spectre d’une apocalypse à venir en oubliant que ce mot signifie « révélation » et qu’il y a fort à parier que celle-ci sera cruelle pour ceux qui continuent de refuser d’entendre les cris des bébés méprisés.