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Magda Hollander-Lafon savait combien sa vie était précieuse. Il lui a fallu du temps pour accueillir sa fragilité et pour se réveiller de la longue nuit qu’elle a traversée depuis son enfance hongroise, victime de la déportation, jusqu’à sa lente reconstruction. Jusqu'à sa mort, le 26 novembre 2023, elle n'a cessé de transmettre le feu qui faisait battre son cœur : "Quand c’est par amour, l’impossible se réalise".
Née en 1927 à Záhony en Hongrie, Magda Hollander faisait partie des 437.403 juifs hongrois déportés au printemps 1944. Elle avait 16 ans lorsqu’à l’arrivée au camp, une voix lui glisse dans l’oreille : "Tu as 18 ans". Elle échappe ainsi à la chambre à gaz mais ne reverra plus jamais sa mère et sa sœur. Magda a vécu la faim, les mauvais traitements, le travail forcé, "l’indifférence dans toute son horreur".
Il m’a été donné de ne plus avoir peur
"J’ai accepté l’idée que j’allais mourir", témoigne Magda. Une force de vie et une imagination débordante lui ont alors permis d’inventer la vie. Magda veut "revenir de cet ailleurs. Rester debout". Pendant l’hiver 1945, elle doit parcourir des dizaines de kilomètres à pied dans les montagnes glacées pour rejoindre d’autres travaux forcés, participer encore et encore à l’effort de guerre allemand. En avril 1945, avec quatre autres détenues, Magda parvient à sortir du rang lors d’un convoi et se cache dans un bois. Des soldats américains les confient à des fermiers. Ce sera un lent retour au réel, peuplé de visages et de regards bienveillants.
Magda Hollander-Lafon entreprend des études d’éducatrice pour enfants, apprend le français et fonde sa famille, "source de création et de re-création jamais finie".
Passeuse d’amour
Magda vivait à Rennes et a rencontré pendant plusieurs années des milliers de jeunes, à qui avec une délicatesse extrême elle a toujours dit la même phrase : "Posez-moi des questions". Elle souhaitait rejoindre les jeunes générations dans ce qu’elles vivent, sans les accabler, mais en les élevant à la confiance et à la responsabilité :
"Nous sommes acteurs de nos propres vies, responsables de notre demain".
Elle invitait chacun à puiser en lui la force de la vie et portait un regard très attentif et plein de compassion sur ceux qui ont eu la chance de la côtoyer. Très émue par la pandémie qui a secoué le monde en 2022, elle a renouvellé à l'époque son appel à une contagion d’amour et de solidarité : "Un regard et un sourire peuvent suffire à rendre la vie".
La joie de vivre, c’est le ciel sur la terre
Un jour dans un camp, une femme épuisée et décharnée lui a tendu quatre petits bouts de pain moisis et lui a dit ces quelques mots qui ont renversé sa vie : "Tu es jeune, tu dois vivre". Magda a écrit un livre empli d’une joie profonde publié en 2012, qui raconte des fragments de son histoire, son chemin d'une fille brisée et l’espérance qui la fait vivre.
Voici une belle prière de louange qu'elle récitait tous les jours :
"Merci pour tous les êtres de lumière que Tu as mis sur mon chemin pour m’aider à être ce que je suis aujourd’hui. Je Te rends grâce pour la moisson de mes traversées. Tu m’aides à pétrir mon pain chaque jour. Pour chaque miette, mon cœur Te loue".