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Étape fondamentale au cours de la vie, la retraite professionnelle est un bouleversement. Une période souvent attendue avec impatience, parfois appréhendée avec inquiétude. Avec quelques bons conseils, Marie-Paule Dessaint, docteur en sciences de l'éducation, spécialiste de la retraite et des récits de vie, auteur de Quoi faire à la retraite ? 8 secteurs d’activités (éditions Broquet), donne des pistes pour passer ce cap au mieux et profiter de sa retraite paisiblement.
Aleteia : Quels sont les bons réflexes avant de partir à la retraite ?
Marie-Paule Dessaint : Il est important de s’assurer de partir avec le sentiment du devoir accompli. Et faire le bilan de ce que l’on a laissé de bon et de bien derrière soi. Par exemple, notre contribution au monde du travail, à l’évolution des façons de faire, ce que l’on a transmis, nos liens de qualité avec les autres, etc. Il vaut mieux éviter de partir avec amertume pour ce qui n’a pas bien fonctionné : travail, relations, mise à pied ou au chômage anticipé, relations conflictuelles, etc. Dans cette optique, je conseille de bien boucler tous ses dossiers et ne rien laisser inachevé derrière soi. Tout cela permettra de partir sans boulet à ses pieds et alors l’adaptation à la retraite se fera plus facilement et naturellement.
La personne doit se souvenir que le travail comblait des besoins fondamentaux : la survie (l’argent gagné et la sécurité matérielle), le sentiment d’appartenance à un groupe, l’estime de soi (en lien avec notre fonction ; nos réalisations). L’estime que les autres nous portent (collègues, clients, employeurs) et, bien sûr, la réalisation de notre potentiel : mise à contribution de nos talents et de nos compétences. L’une des pistes à envisager est d’apprendre encore, de transmettre nos connaissances et compétences, de résoudre des problèmes et aider les autres à résoudre les leurs, par exemple. Il est aussi nécessaire d’éviter de s’engager à l’avance dans de nouveaux projets et activités. Se donner le temps de se poser en douceur dans la retraite, de se délester du stress du travail et de faire le deuil sont des étapes clés.
Je suggère toutefois d’avoir en chantier une activité de transition (comme un emploi passerelle) pour ne pas se retrouver du jour au lendemain avec rien à faire du tout, notamment pour les personnes qui n’avaient pas déjà d’activité en parallèle de leur travail. Avant de partir à la retraite, on consolide aussi les liens affectifs et sociaux auxquels on tient.
Quelles sont les bonnes questions à se poser ?
Qu’est-ce que j’aimais de mon travail et autour de mon travail et qui va me manquer ? Comment pourrais-je retrouver tout cela dans mes activités de retraite ? Qu’est-ce que je détestais au plus haut point et que je ne veux plus revivre, même dans le bénévolat (les déplacements pour se rendre au travail ou encore les réunions interminables ou pire encore, l’esprit de compétition, le stress — mentionné comme le pire ennemi des travailleurs) ? Qui suis-je vraiment sous mes masques sociaux et professionnels ? Qu’est-ce qui donne le plus de sens à ma vie en dehors de mon travail ? Comment continuer à trouver un sens à ma vie afin d’accepter les difficultés du vieillissement ? Que vais-je ralentir, abandonner, réactualiser avant de partir à la retraite, mais une fois à la retraite ?
J’invite les participants à mes formations à écrire tout cela et à conserver leurs réponses qu’ils pourront consulter dans les moments de doute et de désenchantement, surtout au moment de se lancer dans des activités et des projets. En permanence, il est toujours utile de se demander quelle est la belle proposition que la vie me fait maintenant ? Par exemple, la liberté d’organiser ma vie à ma façon, en fonction de mes désirs, besoins et préférences, en tenant compte, peut-être de certaines limites physiques et matérielles. L’occasion de mettre à contribution mes talents et compétences que j’ai acquises au travail, mais surtout celles que j’ai mises de côté pour assumer mon rôle de travailleur, de parent, etc. Quelle place je veux occuper maintenant comme personne mais aussi comme citoyen ? La vie a du sens lorsque notre être et nos actions sont étroitement liées à notre nature profonde : besoins, valeurs et convictions.
Les retraités sont de plus en plus actifs. Une façon de marquer une transition ?
Bien des retraités deviennent très très très actifs, simplement par peur du vide dans cette période de transition entre le travail et la retraite. Plusieurs raisons à cela : pour ne pas avoir à réfléchir à propos de ce que sera leur vie maintenant, pour éviter de vivre le deuil du passage à la retraite (même si la retraite est acceptée, attendue et méritée, il y a toujours une phase un peu plus difficile : la zone neutre) ou tout simplement occulter ce qui se passe… Alors le risque est grand de se retrouver quelques années plus tard confronté à des difficultés : perte de sens, de repères, désillusion, désenchantement, etc.
Les nouveaux retraités arrivent avec un bagage de connaissances et d’expériences que leurs ainés n’avaient pas forcément. Autrefois, il n’y avait pas autant de publications ou de formations à propos des aspects psychologiques et sociaux de la retraite, il était surtout question de finances. La communication était moins importante sur les activités de retraite qui donnent un sens à la vie ou les risques du passage à la retraite pour le couple (qui engendre beaucoup de séparations et de divorces). Ils sont aussi plutôt en forme physique, pour la plupart. Ils ont aussi une vie en plus, comparativement à leurs parents à cause notamment de l’augmentation de l’espérance de vie. Il y a tant à faire dans ce que j’appelle le grand terrain de jeu et d’aventure de la retraite.
Comment réussir à préserver une certaine énergie ?
Comme je l’explique dans mon livre Quoi faire à la retraite ? dans lequel j’ai mis en avant huit grands secteurs d’activités qui permettent de rester en forme physique, mentale, intellectuelle. De rester autonome le plus longtemps possible et, surtout, de continuer à donner à sa vie tout le sens qu’elle mérite. Cela passe par créer, apprendre, rire (pour booster son intellect et faire des choix plus éclairés, vivre (marcher 40 minutes par jour améliore la capacité de s’adapter aux situations nouvelles et inattendues) ou travailler (rester actif intellectuellement). C’est en maintenant un bon équilibre entre les huit secteurs d’activités que l’on conservera le plus longtemps son énergie, sa capacité d’adaptation au changement. La base, bien sûr, c’est l’exercice physique quotidien, une alimentation équilibrée et un sommeil suffisant et de qualité. Mais aussi les exercices intellectuels, la curiosité intellectuelle, les liens tissés avec les autres, apprendre encore et toujours…
La vie a du sens lorsque notre être et nos actions sont étroitement liées à notre nature profonde : besoins, valeurs et convictions.
Comment construit-on ses projets à la retraite ?
Surtout pas en se lançant dans tout et un peu n’importe quoi ! Et surtout pas, en voulant correspondre à l’image des retraités actifs, heureux, riches, en voyage et en croisière ou au golf à longueur d’année qui est véhiculée par les médias et surtout les ténors du marketing. D’où l’importance que j’accorde au bilan de vie.
Je dis toujours, les premiers temps de la retraite : repos et exploration. Prendre le temps de découvrir afin de ne pas se lancer dans un peu tout et n’importe quoi. Un réflexe par peur du vide mais aussi parce que l’on ne sait pas tout ce que l’on peut faire, tout ce qui est disponible, tout ce qui est gratuit et moins cher, quand on a peu de moyens.
Comment parvient-on à se projeter dans une nouvelle vie ?
Il est important de prendre le temps nécessaire pour faire son bilan de vie, pour lire et expérimenter de nouvelles activités. En fait, il ne s’agit pas, pour moi, d’une nouvelle vie mais de la suite logique de notre vie, délesté de certains aspects liés au travail. Avec du temps pour penser enfin à soi, rattraper les occasions perdues, accorder plus de temps à ce que l’on aime et à ceux qu’on aime. Nous restons la même personne. Être retraité ne fera pas de nous, une personne de moindre valeur, loin de là. J’aimerais reproduire ici une recommandation face à la retraite qui se profile à l’horizon, reçue d’un ami. Je suggère aux futurs retraités de bien cultiver leur jardin secret car, après un certain temps, l’extérieur se réduit, devient laid, impuissant ou souffrant. Les proches disparaissent peu à peu. Alors, si l’intérieur, c’est du vide, vide de foi, vide de joie, vide d’amour, vide de tendresse, de mercis et de sourires, c’est la vieillesse aigrie qui poussera.
Pratique