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Avoir un enfant handicapé : comment vivre cette épreuve en famille ?

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Edifa - publié le 20/03/21
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Donner naissance à un enfant handicapé, une épreuve qui transforme la vie d’une famille. Sera-t-elle moins heureuse pour autant ?

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Un homme et une femme s’unissent et décident de fonder une famille. Puis un jour… ils ont un enfant différent. La nouvelle tombe alors comme une bombe et bouleverse le schéma idéal que les conjoints avaient dessiné.

Les parents de Corentin ont appris la trisomie 21 de leur fils à sa naissance. Pour Florence, victime d’un AVC (accident vasculaire cérébral) à 17 ans, rien ne sera plus jamais comme avant. Madeleine est devenue polyhandicapée à 5 ans. Chaque fois, les parents qualifient cette épreuve de « douloureuse », « terrifiante », voire « insurmontable ». Ils se sentent responsables, ou en veulent à leur conjoint. Une culpabilité qui, faute d’être transformée par la prière ou un chemin de sanctification, peut mener jusqu’à l’abandon de l’investissement dans le mariage, voire à la séparation. Certains pensent que Dieu leur a infligé cette épreuve. Il ne faut pas cesser de leur répondre que Dieu les aime. Et les aider à accepter son amour qui passe par les dons de leur enfant handicapé. « Pourquoi moi ? », criera Anne en découvrant que Madeleine ne pourra plus jamais lui parler. Mais, dans son parcours de foi, ce « pourquoi » s’est transformé en « pour quoi ? ». Un cheminement qui l’a conduite de l’ombre à la lumière. 

Après l’annonce brutale, il faut aussi faire le deuil de l’enfant idéal ou de celui qu’on a connu. Bien souvent, les sentiments d’impuissance, d’injustice, de culpabilité se succèdent et les accablent. Leur vie quotidienne est également très fatigante. Il faut sans cesse se battre contre ou avec les institutions. Certains vont jusqu’à parcourir le monde pour trouver la méthode révolutionnaire qui fera progresser leur enfant. Il faut aussi affronter le regard des autres, parfois accusateur, moqueur ou apitoyé. La peur d’échouer si son enfant ne progresse plus, s’il se rend compte de son handicap. Mais aussi la honte, parfois, de n’avoir pas été capable de « faire un enfant normal », constate Priscilla Werba, orthophoniste spécialisée dans le handicap, rappelant que « dans la majorité des cas, le handicap est génétique ».

Chaque parent se trouve ainsi confronté à ses limites. Beaucoup en sortiront grandis. Les parents qui ont traversé cette épreuve ont une maturité hors du commun. Certains trouvent une force qui les dépasse : le don d’accepter, de s’en remettre à Dieu, de Lui faire confiance. Ce don peut être reçu au début, ou se trouver au gré des épreuves, quand les forces humaines ne suffisent plus. C’est le cas pour Anne qui, au départ, voulait que Dieu reprenne son enfant. Lors d’un pèlerinage, sa souffrance a cessé. Elle a déposé Madeleine au pied de la Croix comme on y dépose un fardeau : « Tout d’un coup, l’Esprit saint m’a enveloppée de sa paix. Arrivée avec un problème, je suis repartie avec une enfant. Dieu a frappé fort : le handicap de Madeleine a transfiguré nos vies. Notre fille n’est plus “handicapée”, elle est Madeleine. Elle a son rôle sur Terre comme chacun de nous. Je n’ai plus besoin de lui parler, nous sommes en éternelle communion ». Le « deuil » prend fin, quand la famille accepte les limites de son enfant différent, l’aime tel qu’il est, et commence à se réjouir devant les dons et les merveilles qu’il lui apporte.

La fratrie doit aussi s’adapter

Les parents ne sont pas seuls en jeu. Dans la fratrie, la honte, la jalousie sont des sentiments fréquents, communs à toutes les familles… On n’a pas choisi d’avoir un frère handicapé. La différence peut ébranler la maisonnée, surtout quand la personne handicapée présente des troubles du comportement. L’enfant avec handicap demande plus de temps, d’écoute et d’attention des parents. Les autres enfants doivent être plus responsables, plus autonomes. Pour les petits, il n’est pas évident de grandir quand leur frère est handicapé, et contraint par ses limites. Cependant, pour Priscilla Werba, « plus la fratrie est grande, plus le chemin du deuil est facile ». Celle-ci apporte douceur, amour et bienveillance. Les enfants vont s’entre-solliciter et prendre le relais. Sybille raconte : « L’un des frères de Florence est en empathie avec elle, comme s’il ressentait sa tristesse, ses frustrations ».

Au contact du handicap, la fratrie s’éloigne de son égocentrisme naturel. Il est très enrichissant humainement d’être confronté à la différence. C’est ce qui tourmente Marie, qui n’a jamais vécu avec son frère Jacques-Henri, confié très jeune à une institution : « Avec du recul, c’est un réel manque, peut-être que sa présence quotidienne nous aurait élevés ».

L’accompagnement est essentiel

Les familles ont besoin d’être aidées aussi dans leurs démarches pour pouvoir souffler. En théorie, les enfants handicapés peuvent être intégrés dans le système scolaire. Mais, sur le terrain, c’est beaucoup plus compliqué. Tous les enfants ne sont pas aptes à être scolarisés, certains seront placés en IME (Institut médico-éducatif). La majorité des enfants avec handicap sont scolarisés à temps partiel.

L’accompagnement spirituel peut apporter un réel soutien aux familles. L’investissement de l’entourage par la prière et sa présence affectueuse ont été essentiels pour la famille de Florence, quand elle était plongée dans le coma après son AVC. Aujourd’hui, une centaine de personnes se retrouvent tous les deux ans lors d’un pèlerinage pour rendre grâce pour sa « vie ». De nombreuses organismes chrétiens proposent des rencontres, des sessions… Une occasion de se poser, de partager un quotidien souvent lourd avec des personnes dans la même situation, de trouver du soutien auprès d’experts.

Quand Anne se demandait si cela valait vraiment la peine d’emmener sa fille à des rassemblements chrétiens, un prêtre lui a répondu : « Les personnes avec handicap ont un rôle essentiel dans l’Église. Il est indispensable qu’elles prennent part au corps du Christ ». Quand elle s’est posé la question de la communion pour Madeleine, un autre prêtre lui a affirmé : « Elle est beaucoup plus mûre que vos autres enfants. C’est sa seule nourriture, vous ne pouvez pas la lui refuser ». Madeleine reçoit également le sacrement de réconciliation, confie Anne : « Elle n’est pas un ange, c’est un être humain, elle a sa part de péché originel ».

Accepter que l’enfant ait une autre forme de vie adulte

Mais la plus grande difficulté, c’est quand l’enfant grandit ou que le père meurt. Il arrive que la mère devienne dépendante de l’enfant handicapé, dont elle n’arrive plus à se séparer. Or, son enfant, même handicapé, doit quitter le nid. Réciproquement, il faut être honnête avec les personnes handicapées, leur dire que leur mère, comme elles-mêmes, va mourir un jour.

Certaines associations prennent le relais et propose à la personne « accueillie » un nouveau lieu de vie, où elle pourra développer ses dons et les offrir aux autres. Les parents doivent accepter que leur enfant ait une autre forme de vie adulte, ce qui demande un véritable lâcher-prise.  Un chemin souvent douloureux, mais semé de joies, de victoires et surtout de belles rencontres. C’est d’abord le regard qui doit changer. Les personnes différentes ont de véritables dons qui peuvent transformer les vies de ceux qui les entourent.

Marie-Allys Ducellier

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