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Voilà pourquoi vous avez tout intérêt à jouer avec vos enfants (même adolescents)

GAME
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Edifa - publié le 20/12/20
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Même si vous êtes absorbé par vos occupations ou que vous n’aimez tout simplement pas jouer, il n’est jamais trop tard pour retrouver le goût de s’amuser avec vos enfants.

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Trop gâtés, certains enfants ne savent plus s’amuser simplement. De leur côté, les adultes ont perdu le goût de jouer. À l’approche de Noël, le psychiatre Patrice Huerre, auteur de l’ouvrage Place au jeu, nous invite à redécouvrir les vertus des jeux partagés en famille.

Comment avez-vous fait le rapprochement entre les adolescents en souffrance que vous recevez et le manque de jeu dans leur enfance ?
Le jeu a un rôle d’intermédiaire entre la réalité et nous. Les personnes qui ne jouent pas sont incapables de mettre une distance entre elles et le monde extérieur, entre elles et les autres. Elles ont du mal à s’accommoder de la réalité.

Prenons l’exemple d’un enfant frustré de ne pas avoir ce qu’il veut immédiatement car ses parents lui ont opposé un refus. Il va reproduire la scène avec sa poupée ou ses petites voitures et « régler leurs comptes » à ses parents « méchants » sans que cela porte à conséquence. Celui qui n’aura pas cette aptitude ne pensera plus qu’à cela, ruminera, incapable de dépasser cette contrariété. D’où, et c’est fréquent, des adolescents qui agressent leurs parents verbalement, voire physiquement, lorsqu’ils n’ont pas obtenu gain de cause. D’autres utiliseront la bagarre et la violence comme seules issues pour exprimer leur mécontentement.

Il en va de même dans l’apprentissage scolaire. Un enfant qui ne sait pas jouer se sentira blessé par une mauvaise note. À l’inverse, un autre, qui a appris à s’adapter, comprendra que celle-ci ne juge que ses résultats sans le remettre en cause personnellement. Il gardera l’envie d’apprendre.

Mom and dad playing game with young child

Pour beaucoup de parents, le plaisir, la souplesse, la fluidité n’ont aucune place. Voulant bien faire, ils stimulent leur enfant dès le plus jeune âge et le couvrent de jouets. Ils l’aideraient bien mieux en s’amusant avec lui et en prenant eux-mêmes du temps pour jouer. La vraie motivation pour apprendre est le plaisir. Mais je vois des enfants démotivés, refermés sur eux-mêmes, refusant tout nouvel apprentissage par overdose de stimulation parentale. Ils ont bien souvent un parcours satisfaisant en apparence pendant l’enfance. Mais au collège, tout se gâte. L’absence de jeu a stérilisé leur envie de penser.

Vous parlez de plaisir d’apprendre : les jeux éducatifs permettent-ils de le découvrir ?
Oui, mais ils ne remplaceront jamais un monde imaginé à deux ou trois avec des bouts de ficelle et de carton, des moments d’échange et de création sans objectif précis. Dans le jeu, chaque participant parle. Il apporte de lui-même à une création commune. Et en plus, ces moments de partage sont source de plaisir.

Quelles sont les vertus du jeu ?
Outre le fait de stimuler la créativité et la curiosité, le jeu a une fonction de socialisation. Il apprend la manière appropriée de vivre avec les autres, sans s’éviter, sans se taper dessus. Il permet aussi d’acquérir des compétences qui préparent à la vie d’adulte. L’enfant est alors comme l’oisillon qui apprend à faire son nid en regardant ses parents. Ainsi, le petit garçon ou la petite fille joue « à faire comme si ». Le jeu est aussi une certaine manière de faire connaissance. Observez comme le courant passe dès que des enfants ont joué ensemble. Deux minutes avant, ils se regardaient en chiens de faïence !

Par ailleurs, le jeu donne le droit à l’erreur en permettant de remodeler des situations à l’infini, d’inventer de nouvelles péripéties au gré de sa sensibilité, de son humeur ou de celle de l’autre. Rien n’est figé : la petite fille qui faisait la maîtresse hier sera élève le lendemain, le méchant ogre se transformera en roi et épousera la princesse. Mais si, au contraire, la répartition des rôles est toujours la même, si un enfant semble s’enfermer dans un schéma (celui de victime par exemple), les parents doivent intervenir, parler de cette situation avec lui et, s’il veut en sortir, lui en donner les moyens.

Le jeu est aussi une certaine manière de faire connaissance.

Enfin, à l’âge adulte, le jeu confère une capacité à mieux réguler ses élans agressifs, tout en évitant le repli sur soi. L’enfant qui s’amuse invente des espaces intermédiaires ; de même, l’adulte trouvera plaisir et réconfort dans des objets transitionnels comme la musique, la contemplation d’un tableau, d’une pièce de théâtre, etc. Les objets culturels sont un peu les « jouets » des adultes !

Faut-il nécessairement être plusieurs pour jouer ?
S’amuser seul nécessite d’avoir découvert les joies du divertissement à plusieurs. Dès le plus jeune âge, les parents ouvrent les portes du jeu. Ainsi la mère attrape les mains de son bébé, fait des bruitages, etc. L’enfant lui-même découvre sa bouche, ses mains, ses pieds. À partir de 6 mois, l’objet (hochet, ours en peluche, balle en tissu) devient une source de plaisir qui lui permet d’attendre d’autres satisfactions (nourriture, caresses, paroles). Cet objet lui sert peu ou prou de substitut. Plus tard, les jeux se poursuivent et se perfectionnent. Toutes les situations permettent de s’amuser : la préparation d’un plat à la cuisine, le moment du bain, des cartons traînant dans un couloir. Apparaissent aussi très vite l’utilisation des sons, des mots, des idées (l’humour). De plus, tout ce que le parent ou l’adulte transmet dans ce sens encourage l’enfant.

L’adolescent est-il encore capable de jouer ?
Préoccupé par les changements corporels qui se produisent, encombré parfois par une immaturité affective, l’adolescent n’est pas très disponible. Son manque de sécurité intérieure lui rend difficiles les jeux gratuits qui exigent un minimum de souplesse. Voyez combien les bagarres et les conflits éclatent facilement tant tout est pris au premier degré.

Les parents ne sont pas les mieux placés pour proposer des activités ludiques. Des adultes extérieurs ont souvent plus de succès. Mais ce n’est pas une raison pour les parents de renoncer. Au risque de se faire envoyer sur les roses, proposons des jeux, sinon l’adolescent se sentira abandonné. Idéalement, les parents devraient trouver des activités permettant l’échange et la communication, comme le sport ou les escapades culturelles.

Existe-t-il des enfants qui ne jouent pas ?
Oui, malheureusement, soit parce que personne ne leur a jamais proposé, soit parce qu’ils souffrent d’une pathologie. Chaque enfant a une potentialité à jouer. Elle demande à être développée. Les parents doivent aussi accepter que l’enfant rêve ou ne fasse rien. Ce n’est pas du temps perdu. Plongé dans son univers intérieur, il joue avec ses pensées, avec des scénarios élaborés.

Il est très actif. L’alternance de moments calmes et d’action est nécessaire et bénéfique : notre vie n’est pas en flux tendu comme dans l’industrie automobile ! Combien d’adultes ne supportent pas de rester seuls et remplissent le vide par toutes sortes d’activités et de bruits (télé, musique) ? L’inaction les angoisse, résurgence probable d’un manque de sécurité dans l’enfance.

Comment l’adulte peut-il retrouver le goût de jouer quand il est absorbé par ses occupations ou qu’il n’aime tout simplement pas jouer ?
Si, pour un parent très pris, stressé, jouer est une corvée, mieux vaut s’abstenir. L’enfant ressentirait alors ces éventuelles parties de jeu comme de l’ennui ! Mais il existe bien des occasions de jouer. Par exemple, amusez-vous à répondre ensemble à la question : « Pourquoi le ciel est-il bleu ? », ou encore organisez lors d’une balade en forêt une chasse au trésor. Commencez par identifier en vous ce qui vous fait plaisir. Vous appréciez la littérature ? Racontez des histoires, inventez-les ensemble ! Vous êtes gourmet ? Essayez des recettes à quatre mains.

Sans chercher la durée, c’est la qualité du rapprochement qu’il faut regarder. Ces moments-là apportent joie partagée et souvenirs nourrissants. Voyez, par exemple, comme le premier plat de cuisine fait avec notre mère ou notre grand-mère peut nous marquer au point de désirer le transmettre à un enfant !

Le jeu vidéo, qui offre à l’enfant un monde déjà constitué, peut-il freiner son imagination et sa capacité à jouer ?
Le problème posé par la télé, les jeux vidéo et n’importe quel autre jouet, est l’usage qui en est fait. Quelle relation l’enfant entretient-il avec eux ? Pour le savoir, j’encourage les parents à aller voir de quoi il retourne. Faites-vous initier à leurs jeux vidéo, à leurs programmes télé : vous serez mieux en mesure ensuite d’en réguler l’usage.

Certains parents laissent leur enfant lire cinq heures par jour. Même si la lecture est précieuse, c’est pourtant le signe d’une coupure de la réalité, voire d’une addiction. Mais dès que leur petit passe une demi-heure devant l’ordinateur, ils s’insurgent. S’il y passe de plus en plus de temps, s’il ne peut plus s’en passer sans colère marquée, s’il se replie sur lui-même, alors c’est inquiétant. Mais si l’usage reste modéré, pourquoi se priver de cette technologie ?

Y a-t-il de bons et de mauvais jeux ?
Hormis les jeux amoraux ou qui font explicitement l’éloge de la violence ou du sadisme, je ne vois pas de mauvais jeux. Je remarque au passage l’étonnante capacité des enfants à transformer n’importe quel objet en jouet, n’importe quel endroit en terrain de jeu. Quant aux jeux très sophistiqués, l’enfant les utilise souvent une fois, puis les abandonne dans un coin.

Donc pour Noël, vous êtes plutôt partisan du minimalisme ?
Les jouets sont utiles quand ils facilitent l’établissement de relations de jeu. Quelle frustration pour l’enfant de s’entendre répondre à une demande : « Je n’ai pas le temps ! ». La pression actuelle conduit les parents à chercher des recettes psychologiques, des solutions compliquées, alors qu’ils ont à portée de main un moyen très simple de gâter leurs enfants : leur présence et le temps qu’ils leur donnent.

Propos recueillis par Bénédicte de Saint-Germain

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