Alors que la communauté et les instances internationales ne cessent de réclamer un cessez-le-feu, l'offensive menée par Israël dans la bande de Gaza poursuit son cours, sept mois après le début du conflit. Devant l'intensification des frappes, la Cour Internationale de Justice (CIJ) a ordonné le 24 mai à Israël d'arrêter "immédiatement" son offensive militaire à Rafah où se sont réfugiés des milliers de déplacés. Face à l'urgence humanitaire, associations et ONG catholiques se mobilisent pour fournir assistance et ressources vitales aux civils.
Mi-mai, l'Ordre souverain de Malte a pu accéder pour la première fois à la paroisse catholique de la Sainte-Famille en accompagnant le cardinal Pizzaballa, patriarche latin de Jérusalem, signant par cette visite "la première étape d'une mission humanitaire conjointe" entre l'Ordre souverain de Malte et le Patriarcat latin."Sur la route les menant à Gaza city, "nous avons assisté à un spectacle indescriptible", se souvient Fra’Alessandro de Franciscis, Grand Hospitalier de l’Ordre Souverain. "Tout, absolument tout est détruit, il n'y a plus rien, plus de maisons, de mosquées, d'hôpitaux. Quand nous sommes arrivés, une grande émotion nous a saisis. Les catholiques ont savouré la joie de retrouver leur pasteur. Nous avons aussitôt célébré la messe." Les locaux de la paroisse où s'entassent fidèles catholiques mais aussi orthodoxes et musulmans ont été transformés en dortoirs. Dans l'enclave, le manque d'accès aux soins constitue l'un des pires maux auxquels est confrontée la population civile. "L'hygiène est tout simplement catastrophique, il s'agit de l'un des défis majeurs auxquels il est urgent de répondre", rapporte Fra’ Alessandro de Franciscis. Maladies chroniques, épidémie d'hépatite A, opérations sans anesthésie... "Les gens nous ont presque immédiatement demandé de l'aide médicale". Pour répondre aux besoins d'urgence, l'Ordre souverain de Malte et le Patriarcat latin ont décidé d'utiliser un terrain à proximité de la paroisse pour favoriser la distribution d'une aide médicale et alimentaire à un point fixe. "Nous espérons pouvoir opérer le transport de cartons individuels avec des médicaments d'Israël vers Gaza dès la troisième semaine de juin."
Depuis son appel aux dons lancé en novembre, le Patriarcat a reçu entre 4 et 5 millions d’euros, principalement en provenance de diocèses américains et européens, selon Mgr William Shomali, évêque auxiliaire du Patriarcat latin de Jérusalem. Déjà un million a été attribué aux paroisses catholique et orthodoxe pour des besoins en nourriture, en eau potable, mais aussi pour des reconstructions futures : 55% des maisons de Gaza sont à ce jour écroulées, selon un rapport de l'UNOSAT, centre satellitaire de l'ONU.
Mais l'acheminement de l'aide à la population civile est soumise à de nombreuses contraintes et se heurte à des obstacles de taille. Le premier d'entre eux est l'insécurité permanente qui freine les associations et ONG dans leurs projets. Depuis le début du conflit, 1,7 million de personnes ont été déplacées vers le nord en raison des bombardements, selon l'ONU.
"La majorité du personnel étranger des associations humanitaires a été rapatriée", explique à Aleteia Claire Brault, chargée de projets internationaux Moyen Orient et Afrique du Nord pour le Secours Catholique. L'association œuvre sur place via ses partenaires gazaouis : Caritas Jérusalem dont l'un des bureaux était situé à Gaza, et Near East Council of Churches (NECC), un organisme œcuménique qui propose de nombreux services dans les domaines éducatifs, professionnels ou de santé. "Le personnel humanitaire gazaoui a lui-même été déplacé à de nombreuses reprises, les équipes ont été contraintes de quitter leurs maisons, ont changé de villes à plusieurs reprises... Leurs bureaux ne sont plus accessibles car ils ont été bombardés, ce qui empêche la mise en place de projets sur le moyen et le long terme. Il n'y a tout simplement pas d'endroit sûr pour les acteurs humanitaires en raison des bombardements incessants", poursuit Claire Brault. Dépourvus de locaux, privés régulièrement d'Internet et sans matériel, le personnel est surmené.
Eau, nourriture, médicaments...
"Le manque d'accès régulier et sécurisé à un couloir humanitaire empêche nos partenaires de planifier leurs actions. Nous sommes confrontés à un défi logistique permanent, avec des routes barrées, des points de passage parfois fermés...", relève Claire Brault. L'aide d'urgence entre par trois points de passage : Rafah et Kerem Shalom au sud, et Erez au nord. Si le sud de Gaza demeure plus accessible pour les camions via ces accès routiers, la partie nord de l'enclave demeure quant à elle presque impénétrable, selon Claire Brault qui évoque de "gros soucis d'acheminement de l'aide au nord de Gaza". "Avec NECC, nous essayons de mettre en place un plan d'urgence avec accès aux soins et des transferts monétaires à usages multiples.
Nous réfléchissons aussi à comment financer un projet d'antennes médicales mobiles", explique-t-elle. Autre problème majeur : celui de l'accès à l'eau. Puits non fonctionnels, stations de désalinisation détruites... "Avec une petite association locale, nous avons fait creuser un ou deux puits au sud de Gaza et nous envisageons de mettre en place une station d'épuration des eaux, du côté de Rafah." Les besoins sont immenses, avec une malnutrition qui sévit. Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), les opérations d'aide humanitaire sont "proches de l'effondrement" : "moins de 100 camions sont entrés dans le sud de la bande de Gaza depuis le 6 mai", affirme ainsi cet organisme des Nations Unies. "Si la situation ne change pas, plus d’un million de personnes, soit la moitié de la population de Gaza, est sous la menace d’une famine d’ici mi-juillet qui pourrait être mortelle", avertit quant à lui le Centre régional d'information des Nations unies pour l'Europe occidentale (UNRIC) dans un communiqué.
Malgré des conditions particulièrement défavorables, les associations ne désespèrent pas de parvenir à leurs fins. "Nous souhaitons servir tout le monde, sans distinction, comme nous le faisons ailleurs dans le monde. Là où une population souffre, là où l'on trouve des malades et des pauvres, nous sommes appelés à agir", affirme ainsi le Grand Hospitalier, avant d'ajouter : "Le Pape nous a appelés à être témoins d'espérance, particulièrement à l'horizon du jubilé 2025. J'ai vu cette espérance en arrivant à Gaza, même au milieu de la guerre, et c'est ce que prouvent aujourd'hui les fidèles à Gaza, le patriarcat latin de Jérusalem et l'Ordre Souverain de Malte."