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Il serait "hypocrite" de faire mémoire du débarquement en Normandie sans condamner le "désastre" que fut la Seconde Guerre mondiale, écrit le pape François dans une lettre rendue publique le 5 juin 2024 dans le cadre d’une célébration à Bayeux. 80 ans après la plus grande opération militaire de l’histoire, qui enclencha la défaite des troupes allemandes, le pape s’inquiète du spectre "inacceptable" d’un nouveau conflit mondial.
Le message du pape François a été lu par le nonce apostolique en France, Mgr Celestino Migliore, en la cathédrale de Bayeux, en amont d’une célébration œcuménique à laquelle participaient des membres de la famille royale britannique, ainsi que les ambassadeurs de Grande-Bretagne, d’Australie, de Nouvelle-Zélande et du Canada.
10.000 soldats tués
Dans cette lettre de deux pages, le pape François fait mémoire de cet effort militaire "colossal et impressionnant" qui vit débarquer plus de 130.000 soldats alliés sur les plages de Normandie, le 6 juin 1944. Il s’attriste de "ces cimetières immenses où s’alignent par milliers les tombes de soldats très jeunes pour la plupart […] qui ont héroïquement donné leur vie" afin de mettre fin à la Seconde Guerre mondiale.
François dénonce souvent les lourdes pertes humaines de cette opération aéronavale où 10.000 soldats alliés trouvèrent la mort. "C’est vrai, cela a été le début de la chute du nazisme, c’est vrai. Mais combien de jeunes sont là, restés sur les plages ?", s’écriait-il ainsi lors d’une conférence de presse dans l’avion qui le ramenait de Bahreïn à Rome, le 6 novembre 2022.
À nouveau dans sa lettre, François exprime son "effroi" pour les "innombrables victimes civiles innocentes", les villes de Normandie "complètement dévastées" et le "désastre qu’a représenté cet épouvantable conflit mondial". Et de tacler : "Il serait inutile et hypocrite d’en faire mémoire sans le condamner et le rejeter définitivement ; sans renouveler le cri de Paul VI à la tribune de l’ONU, le 4 octobre 1965 : plus jamais la guerre !".
"Vouloir la paix n’est pas une lâcheté"
"Les hommes ont la mémoire courte", s’attriste encore le Pape, qui déplore le manque de "ferme volonté de tout mettre en œuvre pour éviter qu’un nouveau conflit mondial ouvert se produise". Sans toutefois mentionner de front de bataille actuel, il s’inquiète "que l’hypothèse d’un conflit généralisé soit parfois de nouveau sérieusement prise en considération, que les peuples soient peu à peu familiarisés à cette éventualité inacceptable".
Le 266e pape invite à prier pour les victimes des guerres passées et présentes, mais aussi pour "les hommes qui veulent les guerres, ceux qui les déclenchent, les attisent de manière insensée, les entretiennent et les prolongent inutilement, ou en tirent cyniquement profit". Et d’avertir : "Ruiner [la paix des peuples] pour des ambitions idéologiques, nationalistes, économiques est une faute grave devant les hommes et devant l’histoire, un péché devant Dieu."
"Vouloir la paix n’est pas une lâcheté", affirme François, regrettant que le jugement des hommes soit "parfois sévère et injuste" envers les artisans de paix. La paix "demande au contraire le plus grand courage", assure-t-il.
Le futur Benoît XVI envoyé en Normandie en 2004
En juin 2004, dix mois avant son élection sous le nom de Benoît XVI, le cardinal Joseph Ratzinger avait été envoyé par Jean Paul II en Normandie pour le représenter lors du 60e anniversaire du débarquement. La présence du cardinal, qui avait directement vécu la fin de la Seconde Guerre mondiale au sein de la défense anti-aérienne pour laquelle Hitler avait enrôlé les jeunes Allemands, avait été particulièrement remarquée. En visite au cimetière allemand de La Cambe, il avait expliqué que le débarquement en Normandie avait aussi ouvert la voie à la libération du peuple allemand du joug du régime nazi.
Dans une conférence donnée le 5 juin 2004 à l’abbatiale Saint-Étienne de Caen sous le titre “À la recherche de la paix”, le cardinal Ratzinger avait dressé un tableau précis des conflits continuant à agiter le monde, mentionnant notamment les affrontements récents en ex-Yougoslavie, en Somalie ou encore au Liberia. Le futur pontife avait expliqué que "si nous ne faisons pas mémoire du Dieu de la Bible, du Dieu qui s’est fait proche en Jésus-Christ, nous ne trouverons pas le chemin de la paix".