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Élections en Inde : les chrétiens sous pression du nationalisme hindou

Narendra Modi.

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Jean-Baptiste Noé - publié le 30/05/24
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Les élections législatives indiennes devraient assurer une nouvelle victoire du premier ministre Narendra Modi. Face à un programme politique axé sur la défense de la culture indienne et de la religion hindouiste, analyse le géopoliticien Jean-Baptiste Noé, les chrétiens sont confrontés à une montée des pressions qui réduisent leur liberté religieuse.

Quelque 968 millions d’électeurs indiens sont appelés à voter pour des élections qui se tiennent du 19 avril au 1er juin, avec des résultats attendus le 4 juin. Sauf grande surprise, elles devraient se solder par un troisième mandat de Narendra Modi et de son parti, le Parti du peuple indien (Bharatiya Janata Party, BJP). L’actuel premier ministre s’est bâti une image paternaliste et religieuse, se présentant comme le protecteur de la nation qui lutte contre les "puissances de l’étranger" à savoir les musulmans, les chrétiens mais aussi les associations occidentales. Un discours nationaliste et religieux qui exclut les non hindous, donc les chrétiens. 

Les succès économiques de l’Inde sont indéniables. Entre 1990 et 2023, le PIB est passé de 327 milliards de dollars à 3.732 milliards de dollars, l’extrême pauvreté a reculé, passant de 45,3% de la population en 1993 à 7% en 2021. Entre 2006 et 2017, ce sont 271 millions de personnes qui sont sorties de la pauvreté. Nombreuses sont aujourd'hui les entreprises indiennes à rivaliser avec leurs concurrentes étrangères, notamment dans le domaine industriel. Si le chômage des jeunes persiste, si la pauvreté demeure un fait social, les Indiens sont toutefois attachés à Narendra Modi pour les progrès économiques et sociaux obtenus au cours des dernières années. 

Sous les auspices de Ram Mandir

À ce volet économique, qui assure une grande popularité à Narendra Modi, s’ajoute le volet religieux, dans lequel le premier ministre est tout aussi présent. Le lancement de sa campagne électorale s’est ainsi effectué en janvier dernier par l’inauguration en grande pompe du temple de Ram Mandir à Ayodhya. Le lieu et le symbole sont puissants. À la place du temple hindouiste, dont la construction débutée en 2020 devrait s’achever en 2027, s’élevait autrefois une mosquée du XVIe siècle, détruite en 1992 par une foule d’hindous en colère. Il est vrai que cette mosquée avait elle-même été édifiée dans ce lieu sacré de l’hindouisme, où s’érigeait alors un temple de Ram, sur le lieu supposé de sa naissance. L’inauguration de ce temple rompt le statu quo établi en 1992 et témoigne de la volonté du gouvernement d’afficher l’hindouisme comme seule religion valable en Inde. 

La présence de Narendra Modi à Ram Mandir l’instaure donc comme l’anti-Gandhi, celui qui va redonner à l’Inde sa grandeur et sa puissance, fondée sur l’hindouisme.

Narendra Modi n’est pas qu’un simple homme politique. Il s’est formé dans les rangs du Rashtriya Swayamsevak Sangh (Corps des volontaires nationaux, RSS), dont le BJP est le bras politique, une association fondée dans les années 1920 qui s’est fixée pour objectif la promotion du nationalisme culturel hindou et l’instauration d’un État hindou, en contestation de la pensée sécularisée de Gandhi. C’est d’ailleurs un militant du RSS qui a assassiné Gandhi en 1948. 

La présence de Narendra Modi à Ram Mandir l’instaure donc comme l’anti-Gandhi, celui qui va redonner à l’Inde sa grandeur et sa puissance, fondée sur l’hindouisme. Pour le RSS, les ennemis de l’Inde sont tous ceux qui sont étrangers à la culture indienne. Pour eux, seule la culture hindoue peut structurer l’Inde et faire d’elle une nation. Autrement dit, les non-hindous ne peuvent pas être membres de la nation indienne. Les tensions interreligieuses, dont certaines sont exacerbées par les militants du RSS, sont la preuve, pour les partisans du premier ministre, que la survie identitaire du peuple hindoue est menacée et qu’il faut donc lutter pour la survie religieuse et culturelle de l’Inde. 

Tout un mythe a été fabriqué autour de la figure de Narendra Modi, dont le portrait est souvent représenté sur les sacs de riz distribués aux plus pauvres, celui du père des peuples, d’un homme sage, proche des pauvres, donc diamétralement opposé au diptyque Gandhi/Nehru et à leurs descendants, perçus eux comme des aristocrates éloignés des plus fragiles.    

Indianiser l’Inde

L’objectif affiché de Narendra Modi est de parvenir à obtenir plus de 400 sièges à la Chambre basse, soit 75% des sièges, afin de pouvoir modifier la Constitution de l’Inde pour en retirer le caractère laïque introduit par Nehru en 1950. Il a également fait modifier des constitutions locales pour rendre non éligibles des musulmans venus du Pakistan et d’Afghanistan. Si les musulmans représentent 200 millions de personnes en Inde, les catholiques sont à peine 2%. Mais leur pouvoir culturel est plus important que leur poids démographique car ils possèdent de nombreuses écoles et universités, qui forment bien au-delà du cercle catholique. Le BJP s’en prend régulièrement aux universités catholiques, en multipliant les tracas administratifs afin de les empêcher de fonctionner. Le parti s’en prend également aux conversions, qui menacent la structure sociale de l’Inde puisque ce sont souvent les basses classes qui optent pour le christianisme afin d’échapper au système des castes. Le fait que des prêtres catholiques, souvent occidentaux, aient diffusé des idées inspirées de la théologie de la libération n’a pas non plus aidé à la bonne entente entre les communautés. 

Compte-tenu de sa popularité, rien ne semble pouvoir empêcher Narendra Modi d’effectuer un troisième mandat et donc de poursuivre sa politique d’hindouisation de l’Inde. Au détriment de ceux qui ne sont pas hindous. 

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