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Maintes fois décalé, le projet de programme d’éducation à la sexualité a finalement été publié le 5 mars sur le site du Conseil supérieur des programmes. L'instance indépendante avait été saisie en juin 2023 par Pap Ndiaye pour élaborer un programme d’éducation à la sexualité, "comme il en existe pour toutes les matières", avait souligné sur X l’ancien ministre de l'Éducation nationale.
Le défi était de taille, et le résultat très attendu, aussi bien par les associations de protection de l’enfance et de la famille que celles qui militent pour la défense des droits LGBT. Il en ressort quelques points positifs : l’accent est largement mis sur l'apprentissage de l’intimité, de la pudeur, et sur le respect mutuel. Une place importante est donnée à la découverte du corps et aux émotions. Soulignons aussi la volonté de lutter contre l’exposition des enfants et des jeunes à la pornographie, ainsi que le souci d’accompagner l’usage des réseaux sociaux.
Une éducation à la sexualité dès le CM1
D'autres aspects du programme laissent néanmoins perplexe. Derrière la volonté affichée de respecter l’âge des enfants et de ne pas faire d’idéologie, le document soulève de nombreuses questions. À commencer par le rythme des apprentissages sur les questions de sexualité. Un des maîtres-mots du programme, et on peut, à première vue, s’en féliciter, est la "progressivité" de l’enseignement selon la maturité et l’âge des élèves. "La sexualité requiert un degré de maturité et de responsabilité auquel il s’agit de préparer les élèves, très progressivement et en respectant leur rythme de développement", souligne le projet. Une approche bienvenue, au regard de certaines dérives choquantes observées dans plusieurs établissements scolaires.
De la maternelle au CE2, il est donc uniquement question d’éducation à "la vie affective et relationnelle". L’éducation à la sexualité n’est mentionnée qu’à partir du CM1, lorsque les programmes scolaires commencent à aborder la reproduction humaine. S’il est louable de mettre en place une approche progressive de ces enseignements, il n’en demeure pas moins que le rythme est imposé et ne convient pas nécessairement à tous. "Ajouter l’éducation à la sexualité à partir du CM1, c’est bien trop tôt !", affirme Ludovine de La Rochère, présidente du Syndicat de la Famille, à Famille Chrétienne, s’appuyant notamment sur les résultats d’une enquête commandée par son association qui révèle que 70% des sondés considèrent que la sexualité ne devrait pas être abordée avant 13 ans à l’école.
Pas d’idéologie ? À voir
L’éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité relève de la responsabilité "principale" des professeurs, qui en organisent "collégialement" la mise en œuvre sous le pilotage pédagogique des chefs d’établissement. Ils peuvent faire intervenir des associations agréées ou des institutions partenaires, de manière "anticipée et coordonnée", en prenant soin d’adresser "une information" aux familles, "afin de dissiper les inquiétudes et les représentations erronées". Il est également précisé que ces interventions doivent s’effectuer "toujours en présence" d’un ou de plusieurs enseignants, et "sans jamais instrumentaliser [cette éducation] au profit d’une cause militante ou d’une idéologie".
Encore faudrait-il que ce programme d’éducation ne soit pas déjà porteur d’une idéologie… Car en dépit d’une volonté de "se garder de toute intervention autoritaire ou dogmatique dans la construction de la vie affective et relationnelle" de l'élève, le projet fait tout de même la part belle à la lutte contre les stéréotypes de genre et à "toutes les discriminations de sexe, de genre, d'orientation sexuelle". Ainsi, dès la maternelle, il est demandé de "vivre l’égalité entre les filles et les garçons et la liberté d’être soi-même". En CP, une activité recommandée consiste à "repérer les stéréotypes dans les catalogues de jouets, le choix des couleurs dans les emballages de jeux et de jouets, etc." En classe de 5ème, le programme prévoit, comme "objet d’étude", de "développer librement sa personnalité", c’est-à-dire de "savoir s’affirmer sans se sentir obligé ou contraint". Pour cela, les élèves de 5ème seront amenés à savoir "différencier sexe, genre, préférence et orientation sexuelles".
Pour les Associations Familiales Catholiques (AFC), qui entend réagir "fortement" après la lecture du projet, ce dernier "cherche à transmettre une pensée et un comportement uniques, en lien étroit avec la culture dominante, sans respect pour la liberté de conscience des familles". Elles dénoncent notamment "le primat envahissant de l’émotion pour encourager les choix et le discernement des enfants et des jeunes et la lutte contre les soi-disant "stéréotypes de genre" de la maternelle à la terminale".
Les parents hors-jeu ?
Les parents sont les grands absents de ce vaste programme. Le document préfère parler "d’adultes de confiance" et invite les plus jeunes (moyenne et grande section) à "identifier les adultes de confiance" avec lesquels ils peuvent "exprimer [leurs] joies et [leurs] peines, qui seraient capables de [les] aider en cas de difficulté". Et de citer comme exemples, dans cet ordre-là : "école, famille, environnement médical, sportif, etc". "Nous ne pouvons accepter l’absence de référence aux parents, remplacés par des "adultes de confiance", de même niveau que l’école, l’environnement médical ou sportif", dénoncent les AFC.
Quant à la famille dite "traditionnelle", elle semble être mise au placard. Les élèves de CE1 seront invités à "lire des albums présentant différents types de familles et comprendre qu’il en existe une grande variété (hétéroparentale, monoparentale, homoparentale, adoptive, recomposée, sans enfant, etc.)". Les AFC regrettent en ce sens "une banalisation des structures familiales" et s’insurgent contre le fait que les familles unies sont qualifiées de "familles hétéroparentales". "Dans cette indifférenciation, on oublie que les deux tiers des enfants mineurs vivent dans des familles avec leur père et leur mère et on semble ignorer les souffrances profondes engendrées par les ruptures familiales."
Ce projet de programme doit désormais faire l’objet d’une consultation, avant d’être publié par le ministère de l’Éducation, pour une entrée en application en septembre 2024.