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"Une mère spirituelle de la Patrie" : c’est ainsi que Silvia Correale, postulatrice de la cause de canonisation de Mama Antula, a défini cette femme qui forma aux Exercices spirituels plus de 70.000 personnes, parmi lesquels les intellectuels argentins qui allaient conduire le pays vers l’indépendance quelques années plus tard.
Dimanche 11 février, le pape François a offert à son Argentine natale la première sainte de son histoire, qui a contribué à faire connaître les Exercices spirituels de saint Ignace à des milliers d’Argentins de toute classe sociale. Dans l’homélie de la messe de canonisation, célébrée devant des milliers de fidèles rassemblés dans la basilique Saint-Pierre, le pape François a expliqué que Mama Antula fut une « voyageuse de l’Esprit ». « Elle a parcouru des milliers de kilomètres à pieds, à travers des déserts et des routes périlleuses, pour apporter Dieu », devenant ainsi « un modèle de ferveur et d’audace apostolique », a expliqué le pape François, qui avait personnellement relancé l’examen de sa cause de béatification quand il était archevêque de Buenos Aires. « Quand les jésuites furent expulsés, l’Esprit a allumé en elle une flamme missionnaire basée sur la confiance dans la Providence et sur la persévérance », a ajouté François.
« Cela nous donne beaucoup de joie d’avoir notre première sainte argentine» témoigne Ernestina Maria Dalla Corte, une journaliste italo-argentine venue de Belluno, au nord-est de l’Italie, et débordante d’enthousiasme de se retrouver au Vatican, à quelques mètres de “son” pape. « Mama Antula était une femme d’une époque ancienne mais qui était moderne, elle a vécu de nombreuses luttes que nous vivons encore aujourd’hui », souligne-t-elle. Elle remarque que la nouvelle sainte fut « une femme très en avance sur son temps », et particulièrement attentive au sort des pauvres, des femmes et des enfants.
Une occasion de rapprocher l’Argentine et l’Italie
Le pape argentin a aussi rappelé que Mama Antula a popularisé la dévotion à saint Joseph et saint Gaétan de Thiène, dont l’image s’est diffusée « dans les maisons, dans les quartiers, les transports, les commerces, les usines, et dans les cœurs, pour offrir un vie digne à travers le travail, la justice, le pain quotidien sur la table des pauvres », a-t-il souligné. Cet aspect réjouit aussi Ernestina, née en Argentine dans une famille originaire d’Italie avant de revenir à son tour dans la Botte, et pour qui cette dévotion à saint Gaetan contribue au lien entre les deux pays.
Denise est pour sa part venue de la province de Jujuy, au nord-ouest de l’Argentine, avec un groupe de pèlerins qui brandissent fièrement le drapeau albicéleste. « C’est important pour nous de pouvoir vénérer une sainte d’Argentine, qui nous pousse à la proximité avec les autres dans le quotidien. C’est un exemple à suivre pour rendre Jésus présent dans nos vies, chaque jour », témoigne-t-elle, en espérant mieux faire connaître la nouvelle sainte à son retour en Argentine.
Carmen, venue du Mexique avec sa sœur, son mari et sa mère, a vécu à l’occasion de cette canonisation son deuxième séjour à Rome. « En tant que catholiques, vivre cette canonisation est la chose la plus belle que l’on puisse vivre, dans la basilique du pape! C’est comme un rêve que nous pouvons réaliser ! ». Elle reconnaît que Mama Antula est encore peu connue au Mexique mais elle espère que cette nouvelle sainte sera honorée dans toute l’Amérique latine.
Le pape taquine le président argentin
La messe de canonisation s’est tenue en présence du nouveau président argentin Javier Milei, qui avait remporté l’élection présidentielle de novembre dernier après une campagne agressive durant laquelle il avait multiplié les déclarations provocatrices à l’égard du pontife. Lors d’un échange téléphonique organisé au surlendemain de son élection, le pape avait surpris le nouveau président en l’invitant à faire preuve de plus de « sagesse ».
Ce dimanche matin au terme de la messe, leur première rencontre directe a pris une tournure presque filiale, selon le récit de la journaliste Elisabetta Piqué : « Tu t’es coupé les cheveux ? », a demandé le pape à ce chef d’Etat décoiffé et décoiffant. « Est-ce que je peux t’embrasser ? », lui a répondu le président, avant une chaleureuse accolade.
La tonalité détendue de ce premier contact serait-elle un premier miracle attribuable à la nouvelle sainte ? Leur entretien prévu lundi devrait en tout cas permettre d’en savoir plus sur leurs éventuelles convergences et sur la possibilité d’un voyage prochain du pape en Argentine, sa terre natale qu’il n’a toujours pas revue en près de 11 ans de pontificat.