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Bénir, c’est confirmer que l’on est aimé de Dieu

La bénédiction de Dieu ne s’arrête pas là où commence notre péché. ©Pascal Deloche / Godong

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Benoist de Sinety - publié le 15/01/24
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Le débat sur le sens des bénédictions accordées par l’Église risque de nous éloigner de l’essentiel, argumente le père Benoist de Sinety, curé-doyen de Lille. La bénédiction de Dieu ne s’arrête pas là où commence notre péché.

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« Ai-je encore des raisons de rester ? » Il est là, assis sur une chaise de paille et de bois dans le secrétariat paroissial. Cela fait des semaines maintenant qu’il entend passer au-dessus de sa tête invectives et insultes, qu’il mesure combien la langue de buis est parfois une réalité désolante. Après tout il n’a rien demandé. Il est un homme, un baptisé. Il se trouve qu’il est aussi homosexuel. Car c’est bien dans cet ordre que les choses se passent. Il est d’abord né, il a été baptisé. Et puis il est tombé amoureux. Et cet amour s’adressait à un autre homme.

Digne d’être béni

Il n’a rien vu venir. Cette histoire de bénédiction, de document romain, ces réactions en chaînes, comme une panique hystérique... tous ces commentaires épiscopaux qui pleuvent d’un coup : jamais on n’avait entendu autant de recommandations adressées au clergé depuis longtemps. Que faire ? comment le faire ? quelles limites ? Et lui, il est au milieu de tout ça. Effaré, puis sans doute un peu en colère et au final inquiet. « Ai-je encore des raisons de rester ? » Son compagnon n’est pas chrétien mais depuis leur rencontre, se pose beaucoup de questions. Leurs enfants sont baptisés. « Et mes enfants, s’ils viennent avec moi à la messe, est-ce qu’ils me verront être rejeté ? »

Lui, il veut suivre le Christ. Il goûte la manière dont les évangiles le bousculent chaque dimanche, combien l’appel à suivre Jésus est un bouleversement dans sa vie, au plus intime. Il ne se voit pas comme un être bizarre, ne se pose pas la question de savoir s’il est un humain comme les autres, et donc un baptisé comme les autres. Mais il s’entend dire par certains de ceux qui ont mission de l’accompagner et de le guider vers le Royaume, qu’on ne sait pas très bien s’il est ou non digne d’être béni. Et qu’il ne peut l’être qu’à condition qu’il se tienne à bonne distance de la personne qui partage sa vie. Comme si la bénédiction pouvait être mise en boîte, donnée sous condition et devenir en fait une sorte de récompense à ceux qui ont bien travaillé.

Commencer par aimer

Dieu bénit. Il ne s’arrête jamais de bénir. Il est bénédiction. Que cela nous plaise ou non. Il est le « bénissant ». Sa bénédiction s’arrêterait-elle là où commence notre péché ? C’est proclamer alors que le Christ n’est pas ressuscité. Il nous arrive souvent d’invoquer notre incapacité à autoriser un nouveau mariage au motif que nous « ne sommes pas maîtres des sacrements ». Serions-nous maîtres de la bénédiction ?

La crise de nerfs collective en est le signe : il y a vraiment un travail à opérer dans l’Église pour réfléchir la question que pose l’anthropologie classique, le fait de l’homosexualité. Naît-on ainsi ? Le devient-on ? Quoi qu’il en soit, il ne suffit pas d’écrire « personne » avant « homosexuelle » pour parler des gens avec charité. Il faut commencer par les aimer. Les aimer comme personnes plutôt que de s’enquérir d’une manière plus ou moins névrotique de leurs vies intimes.

La condition de la paix

Probablement serait-il d’ailleurs pertinent que nous nous interrogions nous d’abord, clercs, sur les raisons pour lesquelles cette donnée humaine nous fait réagir avec tant de violence et de brutalité parfois. Une maman qui bénit son enfant au coucher bénit-elle tout ce qu’il a fait durant la journée écoulée ? Ses bêtises et ses mensonges éventuels ? Certainement pas : elle ne fait que lui confirmer avant qu’il ne ferme les yeux, qu’il est aimé de Dieu, quoi qu’il ait pu vivre et quoi qu’il ait pu faire. Et qu’elle-même, en bénissant, se raccroche à cette certitude pour essayer d’aimer cet enfant encore plus, quoi qu’il puisse se passer. Cette double promesse est la condition de la paix pour le petit qui sait bien que sa vie n’est pas toujours parfaite et qui sait aussi qu’il peut parfois pousser l’amour maternel à bout de patience.On aurait aimé que les mêmes qui réagissent avec abondance de littératures et de commentaires le fassent lorsque des préfets refusent de régulariser ou de renouveler des autorisations de séjour à des gens qui sont parfois chez nous depuis des années et y ont construit leur vie, lorsque des femmes et des enfants sont laissés la nuit dehors dans le silence et la honte. On aimerait enfin que plutôt que de se demander si l’on peut ou non bénir des personnes remariées ou homosexuelles, on commence par interpeller les Églises des pays ou l’homosexualité est un crime, en leur demandant d’être chez elles des éveilleuses de conscience.

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