Joyau historique et architectural, plus grand monastère encore habité du continent européen, classé au patrimoine mondial de l'humanité depuis 1992, le monastère royal de Santa Maria de Poblet, à Tarragone en Espagne, a été fondé en 1151 au pied des montagnes de Prades. Dans un souci de retour à sa tradition, depuis les années 2000, les moines ont travaillé à le rendre autosuffisant, devenant ainsi précurseurs de l'encyclique Laudato si du pape François, publiée en mai 2015, dans laquelle le Pape invitait les chrétiens à prendre soin de "notre maison commune".
Physicien, philosophe et théologien de formation, le frère Lluc Torcal, 40 ans, vit dans le monastère depuis plusieurs années. En 2006, il partage son inquiétude à ses frères moines: leur communauté s'éloigne progressivement de ses principes monastiques, notamment dans la recherche de l'harmonie avec la nature. "Est-ce aimer Dieu que de détruire son œuvre ?", se demande alors le jeune cistercien. Il se met à réfléchir et le voilà déterminé à promouvoir un projet durable pour son monastère, qu’il présente aux moines. Ceux-ci, enthousiastes, se laissent guider et entament leur conversion écologique, guidés non seulement par les sciences de l'environnement, mais aussi et surtout par la tradition cistercienne. Cette longue tradition d’autosuffisance et de respect de la nature remonte d’ailleurs à Saint Benoît de Nursie, fondateur des Bénédictins, en passant par les Cisterciens et Saint Bernard de Clairvaux. Si les moines de Poblet lancent le mouvement, en 2009, les quatre congrégations cisterciennes de la Couronne d'Aragon, (auxquelles appartient Poblet), signent un manifeste dans lequel elles s'engagent à agir pour respecter ce principe religieux et écologique.
Le grain de sable des moines
A Poblet, les moines commencent par intégrer des énergies renouvelables dans leur bâtiment médiéval, le tout dans le plus grand respect de l'architecture monastique. Puis ils s’occupent de la gestion des ressources et notamment celle de l’eau en installant des régulateurs de pression sur les robinets, des urinoirs fonctionnant sans eau, et en optimisant le système d'irrigation des 22.000 mètres carrés de jardins et de vergers. Les moines consomment à présent 10% d'eau en moins qu'auparavant. "Certes, ce qui a été réalisé est un grain de sable mais il est nécessaire pour contribuer à changer les choses. Nous voulons contribuer à la diffusion de nos valeurs, notamment grâce aux nombreux touristes qui nous rendent visite et avec qui nous partageons notre système, qui pourrait avoir du succès dans les petites villes", explique Frère Lluc Torcal.
Pour l’eau chaude, les moines ont installé des panneaux solaires avec le défi d'éviter l'impact inévitable sur l'architecture. C'est pourquoi les capteurs photovoltaïques ont été placés dans les vignobles et les bandes photovoltaïques ont été placées sur le toit du monastère, une manière très discrète de préserver l'ensemble architectural, et qui a conduit à une baisse de 60% de la consommation de la chaudière au mazout. Quant à la rénovation qui est peut-être la plus spectaculaire au monastère de Poblet, elle se situe dans le cloître où les architectes environnementaux ont réimplanté les plantes médiévales qui étaient là à sa fondation, le tout sans pesticides et sans engrais bien sûr, et dont les couleurs véhiculent la symbolique de l'âme du moine.
La conversion écologique du monastère de Poblet permet de mieux comprendre peut-être cette belle prière avec laquelle le pape François a conclu son encyclique Laudato Si, "Dieu tout-puissant, présent dans tout l'univers et dans la plus petite de tes créatures, toi qui entoures de ta tendresse tout ce qui existe, répands en nous la force de ton amour pour que nous prenions soin de la vie et de la beauté".