C’est par des connexions profondes que la petite Thérèse a été mise en relation avec sainte Marguerite-Marie Alacoque (à son époque, la bienheureuse Marguerite-Marie, sa canonisation ayant eu lieu en 1920). La tante de Thérèse était visitandine, comme Marguerite-Marie. Léonie entra dans cet ordre fondé par saint François de Sales. La famille Martin avait une grande dévotion au Sacré-Cœur, dévotion répandue grâce aux révélations de Paray-le-Monial. À Céline qui faisait un pèlerinage là-bas, Thérèse écrivait :
« Tu sais, moi, je ne vois pas le Sacré-Cœur comme tout le monde. Je pense que le Cœur de mon époux est à moi seule, comme le mien est à lui seul et je lui parle alors dans la solitude de ce délicieux cœur à cœur, en attendant de le contempler un jour face à face… » (Lettres de Thérèse, LT 122.)
Les paroles de Jésus
Mais le plus éclairant, pour comprendre le lien qui unit Thérèse et Marguerite-Marie, c’est de constater que Thérèse ne fait mémoire d’elle que pour rappeler les paroles que Jésus lui a adressées. Thérèse et Marguerite-Marie ont le même interlocuteur qui les fascine : Jésus. Que lui dit-il ? Qu’est-ce que Thérèse a retenu des paroles qu’il adresse à Marguerite-Marie ? Dans une lettre écrite à Céline, le 8 juillet 1891, elle rappelle cette parole de Jésus à Marguerite-Marie : « Une âme juste a tant de pouvoir sur mon cœur, qu'elle peut en obtenir le pardon pour mille criminels. » Comme Thérèse aime à la répéter, il est possible de « prendre Jésus par le cœur » ou plutôt, selon la Révélation de son Amour miséricordieux, Jésus se plaît à accorder infiniment plus que nous n’osons lui demander. Les torrents d’infinie tendresse qui sont comprimés en son cœur attendent qu’une « petite âme » se tourne vers lui avec confiance pour les laisser se déverser. Pour cela, dit Thérèse, Jésus n’attend qu’un soupir, qu’un cri du cœur, lancé dans l’espérance et la confiance. Il y a là un véritable « pouvoir » que Jésus a remis entre les mains de ses amis.
La science d’amour
« Voici le maître que je te donne, il t'apprendra tout ce que tu dois faire. Je veux te faire lire dans le livre de vie, où est contenue la science d'Amour. » Cette autre parole de Jésus à Marguerite-Marie se trouve au tout début du Manuscrit B (Ms B). L’expression « science d’Amour » sera reprise par Jean-Paul II dans sa lettre apostolique Divini amoris scientia qui proclamera Thérèse docteur de l’Église. Voilà la découverte de Thérèse ! L’amour est une véritable science à l’aune de laquelle l’ensemble de la réalité peut être considérée.
Laisser le Cœur de Jésus vivre et battre en elle. Le laisser aimer en elle. C’est par lui, et par ses richesses infinies, que ses actes d’amour acquièrent du prix.
La substance même de l’univers baigne dans le Feu de cet Amour qui est comme le cœur brûlant de l’Église. Thérèse comprend alors, et il s’agit d’une véritable illumination, qu’en devenant elle-même Amour au cœur de l’Église, elle s’appuie sur le seul levier qui est capable de soulever le monde et de l’embraser. Les petits actes d’amour, posés dans l’obscurité du Carmel de Lisieux, sont d’un prix infiniment plus grand aux yeux de Dieu et de l’Église que les œuvres éclatantes réalisées sans amour. Pour gagner cette science de grand prix, il faut vendre toutes les autres lumières de pacotille. Cette « Science d’amour » est une véritable science expérimentale que seul l’Esprit Saint peut imprimer.
« Les richesses infinies de mon Cœur suppléeront à tout et égaleront tout. » Cette autre parole de Jésus à Marguerite-Marie fait vibrer Thérèse. Elle la rappelle à l’abbé Bellière pour qui elle avait reçu la mission de prier. Cette parole ne fait que redire ce que Thérèse a toujours cherché à vivre : laisser le Cœur de Jésus vivre et battre en elle. Le laisser aimer en elle. C’est par lui, et par ses richesses infinies, que ses actes d’amour acquièrent du prix. C’est en lui que la véritable charité fraternelle peut être fondée.
En résumé : grandir dans les vertus théologales
Ces trois paroles que Jésus adresse à sainte Marguerite-Marie et que la petite Thérèse retient pourraient nous aider à grandir dans les trois vertus théologales. La foi : en comprenant, par cette « science d’amour », que la charité est à la substance même de la vie de l’Église. Seule la charité peut le faire grandir et avancer… et surtout cette charité manifestée dans les tout petits actes d’amour. L’espérance : en usant de ce « pouvoir » d’une âme juste sur le cœur de Jésus. Un seul cri, seul soupir qui lui est adressé est suffisant pour qu’il répande ses grâces avec surabondance sur le monde et sur les grands pécheurs. La charité : en laissant le cœur de Jésus battre dans le nôtre pour qu’il perfectionne nos pauvres actes humains et pour qu’il leur donne un prix infini.