Face aux conflits en Ukraine, en Arménie, en Terre sainte, on se sent bien inutiles, tout à fait désarmés. Sans vouloir donner son opinion, ou encore proposer une quelconque solution, il nous faut simplement et absolument refuser l’indifférence face à ces drames. Il est si facile de s’offusquer le temps de lire ou de regarder les images et les informations que la presse nous sert chaque jour mais passé le sursaut, passée l’indignation, le quotidien aura tôt fait de reprendre le dessus et les actualités nous noieront sous un nouveau flot d'événements d’importance discutable.
Que faire ?
Comment, en tant que chrétien, je peux et je dois réagir face au mal dont les trépidations ne cessent jamais de secouer le monde ? Parce qu’on a beau prendre la situation dans tous les sens, nous nous sentons impuissants, révoltés, dépassés, abasourdis même par la multiplication de ces conflits et la retransmission quasiment en direct des horreurs perpétrées. S’il y a bien quelque chose de marquant dans ces guerres, c’est que les civils sont loin d’être épargnés. Et que ces guerres sont à nos portes. Est-ce pour cela qu’elles nous horrifient encore plus ? Sûrement pas, mais c’est un fait. Ces conflits et la violence qu’ils génèrent, nous font ressentir le besoin de faire quelque chose. Ce sentiment est juste, parce que c’est aussi une façon de ne jamais laisser l’indifférence s’installer.
La prière doit être notre premier lieu d’action parce que c’est là, auprès du Père, que peuvent s’exprimer toute notre révolte, notre incompréhension et nos supplications. Rappelons-nous sans cesse que la prière n’est jamais vaine. Même si cela semble en complet décalage avec la pensée du monde. La prière est une arme puissante dont on doit abuser particulièrement en période de troubles. La prière personnelle, la prière communautaire, les chaînes de prières sur les applications… Tout est à encourager. L’évangile nous le rappelle cette semaine (Lc 11, 5-13) :
Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira. En effet, quiconque demande reçoit ; qui cherche trouve ; à qui frappe, on ouvrira.
La seule réponse au mal
Il est évidemment possible et important d’apporter de l’aide financière et matérielle, quand on le peut, en offrant des dons par l’intermédiaire des associations qui œuvrent sur place. Il est aussi essentiel de s’interroger fondamentalement sur la réponse que nous devons et que nous pouvons apporter au mal en tant que chrétiens. Là encore, la lecture de la Parole nous aiguille et nombreux sont les exemples dans les Évangiles. En voici un bien connu (Mt 5, 39) :
Eh bien ! moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant ; mais si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre.
La seule réponse possible au mal c’est le bien. N’allons surtout pas penser que c’est la réponse de la facilité, au contraire. La réponse du chrétien est celle de la difficulté. Il est bien plus facile, et instinctif, de répondre par le même mal que l’on reçoit — ici une bonne claque. Être chrétien, c’est être courageux. Avoir la bravoure de ne pas se résigner à la violence et à l’injustice. Refuser la facilité de se laisser aller à la fatalité de la condition de pécheur propre à l’homme, repousser le "à quoi bon", ne pas céder à l’indifférence. Assumer notre fardeau et décider de lutter. Suivre le Christ dans le refus du mal.
La voix de l’innocence
Pour changer le monde à grande échelle, nous devons commencer par changer le monde à notre échelle. La paix commence ici chez nous en famille, là au bureau, et là aussi dans le RER que nous empruntons tous les matins ou bien dans notre salle de classe… Dans Une vie bouleversée, journal intime d’une jeune femme juive pendant la Seconde Guerre mondiale, Etty Hillesum est confrontée à la montée écrasante du nazisme. Elle en est une victime de plus en plus consciente de ce qui attend son peuple : l’extermination volontaire et massive. Et pourtant ! c’est elle, la victime, qui nous console et nous rappelle de chérir la vie. C’est elle qui nous apprend qu’on ne répond au mal que par le bien si on veut le faire disparaître ; en commençant par effacer toute trace de mal de nos cœurs avant de réclamer qu’autrui le fasse. C’est elle qui nous invite à aimer le monde, notre prochain et la vie quelle que soit la cruauté et la méchanceté dont on est entourés. C’est bien la victime innocente de la cruauté absolue qui nous donne l’exemple.
Chaque refus du mal, chaque pardon donné est un arrachement à notre tendance à nous résigner.
C’est aussi une des grandes leçons de la vie et des écrits de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. C’est dans les petites choses que l’on peut changer le monde. Voyons l’incroyable rayonnement de cette Sainte, à la vie si courte et qui ne se sera que très peu éloignée de sa région natale et du carmel. Son influence est mondiale et intemporelle. Elle est l’instrument de paix que nous devons tendre à être. Par quoi a-t-elle commencé ? Par sa propre conversion. Par batailler chaque jour pour installer le bien au lieu du mal partout, tout le temps, dans chaque détail de son existence.
Le seul champ de bataille
Si l’on s’y attelle, c’est une petite armée du Bien que l’on constitue alors. Et chaque refus du mal, chaque pardon donné est un arrachement à notre tendance à nous résigner. C’est aussi une victoire du Bien. C’est ce qui transforme le monde. Par tout petits morceaux. Voilà peut-être où se trouve le champ de bataille sur lequel nous sommes attendus. Que chacun prenne les armes et chasse le mal qu’il a en soi. Redoublons d’effort en ces périodes où tant de nos frères souffrent. Offrons au Seigneur pour eux tout le bien que nous sommes capables de faire. Avec l’aide du Christ, malgré notre grande faiblesse et notre sentiment d’impuissance, nous tenterons pour eux de rendre le monde chaque jour un peu meilleur.