Du Prado à la Canebière en passant par Notre-Dame de la Garde et le stade Vélodrome, Marseille est en ébullition. Ecrans géants installés, rues barrées, terrasses bondées... Tous les regards vont converger vers la cité phocéenne pour la simple et bonne raison que la ville accueille, les 22 et 23 septembre un invité de marque : le pape François. Sur les réseaux sociaux, de jeunes rappeurs catholiques ce sont même amusés à réaliser une reprise de "Bande organisée" du rappeur JuL pour saluer la venue papale.
L'événement est effectivement de taille. Marseille n’a en effet jamais reçu aucune visite papale à l’époque contemporaine. Si plusieurs papes des XIXe et XXe siècles l’ont visitée avant leur élection, le dernier pape en exercice à s’y rendre fut Clément VII en 1533, il y a donc 490 ans, à l’occasion du mariage de sa nièce Catherine de Médicis avec le futur roi de France Henri II.
Que va faire le pape François à Marseille ? Ce voyage s’inscrit dans la série des nombreux voyages du pape François dans des villes du Bassin méditerranéen depuis 2013 (Lampedusa, Naples, Palerme, Gênes, Tirana, Sarajevo, Jérusalem, Istanbul, Athènes, Rabat, Le Caire…). Un "pèlerinage méditerranéen" qui montre l’attention du premier pape latino-américain pour cet espace maritime qui fut le berceau de la diffusion du christianisme, et qui se trouve aujourd’hui confronté à de graves enjeux géopolitiques, à commencer par les migrations.
Mgr Aveline à la manœuvre
Il s’inscrit plus spécifiquement dans le cadre des Rencontres méditerranéennes. Il s’agit de la deuxième participation du pape François à ce sommet épiscopal méditerranéen, après sa venue à Bari, au sud de l’Italie, le 23 février 2020. Cette première édition avait été organisée par l’épiscopat italien. Le pontife argentin avait en revanche annulé sa venue à Florence pour la deuxième édition de ces rencontres, le 27 février 2022, en raison, officiellement, de ses douleurs au genou. Le cardinal Jean-Marc Aveline a repris le flambeau des rencontres d’évêques de Méditerranée en acceptant de les accueillir dans sa ville en 2023. Avec, à la clé, la venue du Pape !
Si lFrançois a fini par accepter de poser le pied en France, c’est en grande partie grâce au travail et à la personnalité de ce prélat à la bonhomie reconnue de tous. Les deux hommes, qui se sont rencontrés pour la première fois au Maroc en 2019, partagent une même vision de la Méditerranée, ce Bassin dans lequel se concentrent tous les grands défis de l’humanité. Ils ont tous deux esquissé les bases d’une "théologie de la Méditerranée" pour rendre ses habitants capables d’oser l’accueil, l’écoute et la miséricorde plutôt que la fermeture.
Après avoir atterri à 16h15 ce vendredi 22 septembre à l’aéroport de Marignane, où il sera accueilli par Élisabeth Borne, François va rejoindre directement la basilique Notre-Dame de la Garde à 17h15 pour un temps de prière marial aux côtés du cardinal Aveline, archevêque de Marseille, et du recteur de la basilique, le père Olivier Spinosa. À 18h, il se rendra au Mémorial dédié aux héros et victimes de la mer, dans les jardins du Palais du Pharo, pour un temps de recueillement plusieurs chefs religieux. Il s'agit d'ne petite stèle humble, surmontée d’une grande croix de Camargue qui semble montrer le ciel tout en embrassant la mer du regard. Elle porte les noms de ceux qui ne sont jamais revenus de leur voyage méditerranéen, et dont on n’a jamais pu repêcher les corps.
57.000 fidèles au stade Vélodrome
Le lendemain, samedi 23 septembre, deux rendez-vous sont particulièrement attendus. Il y a d'abord la session conclusive des Rencontres méditerranéennes au Palais de Pharo à 10h, où il sera accueilli par Emmanuel Macron. Un échange est ensuite prévu entre le président de la République et le Pape, donnant aussi à ce voyage une dimension politique incontestable. Le pape François est attendu sur la question des migrants, fil rouge de son pontificat depuis son voyage sur l’île de Lampedusa en 2013. La question migratoire est un défi "essentiel pour le futur de tous, qui sera prospère seulement si construit sur la fraternité", a-t-il averti. Une autre actualité pourrait faire surface durant ce voyage : celle de l’euthanasie, alors que le projet de loi autorisant "l’aide active à mourir" devait être présenté à la fin de l’été mais a été reporté après la visite du Pape.
Les point d'orgue de ce déplacement sera sans nul doute la grande messe célébrée devant quelque 57.000 fidèles au stade Vélodrome. Un véritable défi logistique ! Pour permettre à tous ceux qui le veulent et qui le peuvent de communier au corps du Christ, ce sont 70.000 hosties qui ont été commandées auprès de 19 monastères français producteurs d’hosties. Six mois ont été nécessaires pour les produire "On va être des milliers de Français à se réunir autour du Pape pour prier avec lui", se réjouit auprès d'Aleteia Anaïs, 20 ans, qui assistera à la messe. "Alors que l’on entend aux infos que la France est un pays de moins en moins catholique, c’est une fierté de montrer par cet événement que nous sommes bien là."
Mais avant d'arriver au stade vélodrome, le pape François déambulera dans les rues de la cité phocéenne, permettant ainsi à celles et ceux qui n’ont pas pu avoir leur place pour la messe d’apercevoir le chef de l’Église. Ils pourront également suivre la messe en direct.
La visite du pape François à Marseille fera de la France le pays le plus visité par des papes à l’époque contemporaine, ex-æquo avec la Pologne, avec onze passages au total. Cependant, ni cette visite du Pape à Marseille ni son court déplacement de novembre 2014 auprès du Parlement européen et du Conseil de l’Europe à Strasbourg ne sont formellement comptabilisés comme des visites d’État en France. Pourtant, comme un symbole, le ‘pape des périphéries’ a néanmoins bien voulu revenir en France, à Marseille, ville ouverte sur le Bassin méditerranéen. Un coup de projecteur sur le sud vient éclairer l’évolution des rapports d’influence au sein de l’Église en France. Ce voyage à Marseille s’inscrit pour la France dans le sillage du discours que l’alors cardinal Jorge Mario Bergoglio avait prononcé durant le conclave de 2013 à ses frères cardinaux :
Au sujet du prochain pape, il faut un homme qui, à partir de la contemplation et de l’adoration de Jésus Christ, aide l’Église à sortir d’elle-même pour aller vers la périphérie existentielle de l’humanité.