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Une nuit que j’avais programmée.
Je devais arriver en début de soirée, je m’étais inscrite dans le document Excel, je prenais le relais avec une cousine, nous devions être deux à veiller.
Une nuit que j’avais espérée.
Il y a dans le secret de la nuit une atmosphère d’intimité. La présence, même en silence, se ressent avec davantage d’intensité. Je voulais en partager une avec elle, pour retrouver cette proximité particulière qu’elle avait eu comme mère avec son nouveau-né. Je savais néanmoins qu’elle ne se lèverait plus si je devais pleurer.
Une nuit pour l’accompagner.
Car c’était à mon tour de m’approcher, de m’ajuster, de m’adapter. C’était à mon tour d’écouter sa respiration fluette et saccadée, de vérifier qu’elle ne manquait de rien depuis ce lit qu’elle n’a plus quitté. Soif, douleur, inconfort : il fallait tout observer. Et puis être là, en toute simplicité.
Une nuit pour se remémorer.
Aurais-je réussi à dormir ? Je ne le souhaitais pas en vérité. Je voulais vivre ce temps comme une invitation à faire mémoire de tant de souvenirs, heureux, douloureux, lointains ou proches à explorer. Sûrement que le sommeil m’aurait rattrapé. Sûrement qu’elle me l’aurait pardonné.
Une nuit pour être avec elle.
Parce que j’avais encore tant besoin d’elle, et de sa maternité. Même dans le silence et l’immobilité, je n’ai jamais douté qu’elle continuait à s’exprimer.
Une nuit au Jardin des Oliviers.
J’envisageais cette nuit de veille comme au Jardin des Oliviers, alors que Jésus appelle les siens à témoigner de leur proximité, physique et spirituelle dans le combat qu’il s’apprête à affronter.
Une nuit qui m’est passée sous le nez.
Mais je suis arrivée après. Après la dernière nuit, après le dernier souffle, après le dernier bruit. Nous la savions sur le départ, mais malgré tout, elle nous a surpris.
Je devais être avec elle cette nuit. J’ose espérer qu’elle l’avait compris. Dans tous les cas, nous voilà toutes les deux réunies, bien que son âme soit déjà partie.
Une autre nuit m’est alors proposée.
Les soignantes nous autorisent, avec une de mes sœurs, à rester dans la chambre de l'unité de soins palliatifs jusqu’au petit matin. Elles habillent le corps une dernière fois, rivalisant d’attentions et de soins.
Une autre veille m’est proposée. Ce n’est plus celle de l’attente et de la prière fervente du Jardin des Oliviers. C’est celle de la Piéta, de la Vierge Mère qui recueille son fils mort dans ses bras.
Marie n’est pas ravagée par la peine : elle n’a plus de larme tant elle en a versé. Sa douleur immense commence à se partager avec l’Espérance : c’est peut-être ce que l’on appelle la confiance.
Traversés par un glaive de douleur, Ses entrailles accueillent une dernière fois Son Fils dans une immense douceur.
L’ambivalence des sentiments m’agite moi aussi : douleur, colère, douceur, prière… Et cette dernière, peu à peu, m’unifie. Une lecture de Benoît XVI sur la mort et l’Au-Delà m’encourage à accompagner spirituellement ma mère dans son passage. J’y lis qu’être au Ciel, c’est être avec Jésus. Et être avec Jésus permet d’être avec tous. J’ignore si elle est avec Lui encore. Mais je le lui souhaite très fort.
Les aides-soignantes nous rejoignent tout doucement le lendemain matin. C’est l’heure de la dernière toilette, puis des derniers soins. Intérieurement, je me dis "c’est bien".
C’était une nuit non choisie, non maîtrisée, mais accueillie. Comme la fin de vie de ma mère, et comme la mort aussi.