Comment Philippe de Champaigne, peintre au service de la famille royale, a-t-il été appelé à décorer une modeste église de campagne ? Premier peintre de la reine Marie de Médicis, seul artiste autorisé à peindre le cardinal de Richelieu en tenue de cardinal, c’est un artiste majeur de la première partie du XVIIe siècle. Sa réputation est telle que Claude Bouthillier de Chavigny, surintendant des finances de Louis XIII lui confie la réalisation de peintures murales couvrant la totalité des murs de l’église de Pont-sur-Seine. Ce n’est pas un hasard. Fortune faite, le surintendant a fait construire un somptueux château dans cette petite ville de l’Aube. L’église paroissiale bénéficie de sa générosité.
Une œuvre majeure entièrement peinte
Le nom du peintre chargé des travaux n’est pas la seule raison de l’intérêt de ce décor. Le programme fixé à Champaigne est en effet ambitieux : la quasi-totalité des murs doit être peinte, ce qui en fait un ensemble exceptionnel. Philippe de Champaigne réalise tout le programme avec l’aide de son atelier. Certaines des peintures sont en totalité de la main même du maître, d’autres ont visiblement été confiées pour tout ou partie à ses élèves.
Des prophètes ornent la nef principale. Au-dessus du maître-autel, la Résurrection est mise à l’honneur. Des anges sur les voûtes, des tableaux de paysages et de natures mortes complètent des représentations de saints et font de l’intérieur de l’église un ensemble original et exceptionnel.
Napoléon Ier offre à sa mère le château de Pont-de-Seine en 1814. On raconte qu’elle aimait venir prier dans l’église, en particulier dans la chapelle de l’Assomption, appelée depuis cette époque la chapelle Letizia. Les peintures de la vie de la Vierge, qu’elle a pu contempler lorsqu’elle vivait au château, n’existent plus.
Un ensemble en danger
Certains panneaux apparaissent dans un état correct de conservation. Mais d’autres souffrent de l’humidité du bâtiment. Depuis plusieurs décennies, une partie des peintures se dégrade. Un dégât des eaux, déjà ancien, n’a pas arrangé la situation. Ce décor aurait pu être oublié si des habitants amoureux de leur patrimoine n’avaient pas pris la résolution de faire bouger les choses. Une restauration apparaît en effet bien nécessaire.
Avant de restaurer les peintures, il faudra d’abord régler les questions d’infiltration. Si la Direction des affaires culturelles (DRAC) a donné son accord en 2022 pour une campagne de travaux, les mécènes ne se précipitent pas pour financer la restauration des extérieurs et les sommes à engager s’annoncent considérables. Quelle tristesse d’imaginer qu’un tel trésor pourrait disparaître !