"J'ai saisi le Conseil supérieur des programmes afin qu'il élabore un programme d'éducation à la sexualité, comme il en existe pour toutes les matières", a publié sur Twitter Pap Ndiaye le 28 juin dernier. La veille, le ministre annonçait dans un communiqué vouloir déployer durant l'année scolaire 2023-2024 un plan de formation ambitieux à ce sujet, "organisé en trois niveaux : sensibilisation de tous les personnels, approfondissement pour les personnels prenant en charge les séances, formation des conseillers pédagogiques".
D'après le code de l'Éducation, les élèves des écoles, collèges et lycées doivent bénéficier d'au moins trois séances annuelles d'éducation à la sexualité, du CP à la terminale. Début mars, trois associations – SOS Homophobie, Sidaction et le Planning familial – ont dénoncé le fait que cette mesure était loin d’être appliquée dans les établissements scolaires. "Afin de faciliter et d’accélérer sa mise en œuvre", le ministre a saisi le 23 juin 2023 le Conseil supérieur des programmes, désormais tenu d’élaborer, "pour chaque niveau d’enseignement, une proposition de programme précisant les thèmes et les notions qui devront être abordés".
"Structuré par cycles, ce programme sera adapté à chaque niveau afin de couvrir les trois champs de l’éducation à la sexualité : biologique, psycho-émotionnel et juridique et social", précise le ministère. Les propositions, attendues d’ici à novembre 2023, "devront accorder une place particulière à l’égalité filles-garçons, à la lutte contre toutes les formes de discriminations liées à l’identité de genre ou l’orientation sexuelle réelle ou supposée, ainsi qu’à la notion de consentement".
L’éducation sexuelle au programme : une porte ouverte à l’idéologie
Pour Pascale Morinière, présidente de la Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques (CNAFC), "l’éducation sexuelle ne peut être une matière à part entière car elle tient à l’intimité de la personne". En outre, "il n’y a pas de vision partagée sur ce qui doit être enseigné, donc cela touche à la liberté de conscience des familles", précise-t-elle à Aleteia.
Jusqu’à présent, les établissements faisaient intervenir des associations spécialisées dans l’éducation affective et sexuelle. "Un système qui convient très bien car il laisse un minimum de liberté aux établissements", souligne Pascale Morinière. "En revanche, inclure un discours homogène sur l’égalité hommes-femmes ou l’identité de genre dans les programmes scolaires, ce n’est pas de l’éducation sexuelle, c’est de l’idéologie !"
Si l’éducation sexuelle est incluse dans le programme, alors elle s’impose à tous les établissements sous contrat !
À partir du moment où l’enseignement fait partie du programme de l’Éducation nationale, toutes les écoles, publiques comme privées, sous contrat avec l’État, sont concernées. "Si l’éducation sexuelle est incluse dans le programme, alors elle s’impose à tous les établissements sous contrat !", déplore Pascale Morinière, avant de souligner la complexité, d’une part, de former des enseignants pas toujours disposés à "enseigner" cette "matière", et d’autre part, d’aborder le sujet dans des classes mixtes.
Dans une longue lettre ouverte, l’association SOS Éducation interpelle quant à elle le président du Conseil supérieur des programmes, Mark Sherringham : "L’éducation sexuelle sera-t-elle bientôt une matière académique au même titre que les mathématiques et le français ?" Dénonçant le fait de faire de l’éducation à la sexualité une matière à part entière, elle l'exhorte à se rappeler "ce qui relève de l’instruction et ce qui est du registre de l’éducation", et à "distinguer un enseignement académique d’un discours idéologique". S’appuyant sur un comité d’experts, SOS Éducation dénonce notamment "l’immersion de l'enfant dans la sexualité adulte par effraction de son intimité psychique". Selon l'association, "certaines de ces séances constituent une effraction. Un cambriolage du "moi" intérieur. Un viol psychique" dans la mesure où, dans le cadre de ces séances, un enfant est "soumis à des contenus à caractère sexuel par une autorité, sans pouvoir s’y soustraire".
Un enjeu de taille
Quel est l’enjeu d’une telle décision ? En réalité il est de taille. Car bien plus que les mathématiques ou le français, l’éducation à la sexualité concerne l’intimité de la personne, ses relations à venir, sa future vie conjugale… L’éducation à l’amour est la première pierre de la préparation au mariage. Le pape Jean Paul II soulignait, dans son exhortation apostolique Familiaris consortio (1981), combien la préparation "éloignée" au mariage était importante : "La préparation au mariage est à considérer et à réaliser comme un processus graduel et continu. Elle comporte en effet trois principales étapes : préparation éloignée, prochaine et immédiate".
La vie adulte, la vie conjugale, se préparent dès la petite enfance : "La préparation éloignée commence dès l'enfance, selon la sage pédagogie familiale qui vise à conduire les enfants à se découvrir eux-mêmes comme doués d'une psychologie à la fois riche et complexe, et d'une personnalité particulière, avec ses propres forces et aussi ses faiblesses. C'est la période durant laquelle on inculque peu à peu l'estime pour toute valeur humaine authentique, dans les rapports interpersonnels comme dans les rapports sociaux, avec ce que cela comprend pour la formation du caractère, pour la maîtrise de soi et l'usage correct de ses propres inclinations, pour la manière de considérer et de rencontrer les personnes de l'autre sexe."
En ce sens, il est essentiel d’aider les enfants à poser des bases solides pour leur foyer futur et de donner des clés éducatives aux parents pour qu’ils puissent eux-mêmes assumer l’éducation affective et sexuelle de leur enfant. "En tant que parents ou éducateurs chrétiens, conclut Pascale Morinière, nous sommes appelés à transmettre à nos enfants une bonne nouvelle sur l’amour, la vie, le corps, la famille… Sinon qui d’autre le fera ?"