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"‘‘C’est parce que tu y penses trop…’’ C’est fou, cette phrase, quand on y pense… Cette phrase et son insidieuse culpabilisation ; si ça ne marche pas, c’est forcément à cause de toi, de ta façon d’être, de penser. Cette idée qu’un couple qui désirerait trop un enfant serait condamné à ne pas en avoir justement parce qu’il veut trop en avoir", constate Mathilde sur Instagram, dans un post qui a fait réagir des milliers d’internautes.
Au téléphone, Mathilde sourit, dans un échange empreint de gravité sans pour autant dénué de cet humour incisif qui lui est propre. Le sujet n’a pas été simple à aborder, explique-t-elle, déjà parce-qu’il appartient également à son mari : cette prise de parole, après trois ans de mariage et des remarques incessantes venues de proches et d’inconnus, a été le fruit d’un long cheminement. "Le fait d’en parler a rendu l’infertilité réelle dans notre vie. Mettre un mot sur un mal c’est aussi le faire exister".
Entre questions intrusives et remarques arbitraires
Qu’est-ce qu’il ne faut pas dire, alors, à un couple en espérance d’enfant, pour éviter l’indélicatesse ? "J’aimerais que les gens s’abstiennent de poser des questions, qui, sans être malveillantes, sont véritablement intrusives". Parmi elles, les traditionnelles "Alors, c’est pour quand ?" ou "Vous n’en voulez pas ?". Viennent ensuite les remarques arbitraires et maladroites, du type "Vous avez raison de prendre votre temps et de profiter".
"C’est surtout le temps qui nous prend, poursuit Mathilde. Alors on essaye d’habiter cette attente pour ne pas en faire un temps de deuil et de désolation : on peut rester chez soi à pleurer un enfant qui ne vient pas, ou décider de voyager à l’autre bout du monde, se faire des soirées au champagne et s’acheter des jolies robes. La plupart du temps, un couple qui ne veut pas d’enfant pour le moment ne s’en cache pas, donc il vaut mieux ne rien dire que dire quelque chose de maladroit".
Les gens ont tous un avis sur la fertilité des autres, ce qui ajoute de la souffrance à la souffrance de l’enfant qui ne vient pas.
Naturellement, en revanche, une personne qui a un désir d’enfant s’ouvrira suffisamment à celui à qui elle se sent prête à en parler, "du moins assez pour lui mettre la puce à l’oreille et ouvrir la possibilité d’une conversation. Si le moment et la relation s’y prêtent, il faut oser la franchise pour demander très simplement, quitte à risquer sans crainte un refus, si l’autre désir en parler. Mais de manière générale, il faut bien comprendre que si les gens n’en parlent pas d’eux-mêmes, ce n’est pas à nous d’aborder le sujet. En cas de doute, pas de doute : on se tait ! Le mieux à faire, c’est de prier en silence".
Trop nombreux sont encore ceux qui enferment les femmes dans une culpabilisation permanente, à coups de "si tu ne tombes pas enceinte, c’est parce que tu fais ça ou que tu ne fais pas ça". Pour Mathilde, "c’est justement la preuve que le sujet est méconnu parce que lorsqu’on connaît le champ de l’infertilité, on sait qu’on ne parle pas d’une infertilité de la femme mais d’une infertilité du couple. Les gens ont tous un avis sur la fertilité des autres, ce qui ajoute de la souffrance à la souffrance de l’enfant qui ne vient pas. La fertilité, rappelons-le, reste un mystère, et je doute que la cousine de l’oncle d’untel ait la solution alors que les médecins eux-mêmes ne l’ont pas encore trouvée".
Être présent pour l’autre dans l’épreuve de la solitude
Lorsqu’un couple fait face à l’infertilité, souvent, ses relations amicales s’en trouvent également chamboulées. Il ne faut pourtant pas non plus les priver de la joie des naissances. "C’est toujours compliqué d’apprendre une naissance dans son entourage lorsqu’on n’a pas cette chance, constate Mathilde. Mais c’est encore plus difficile de l’apprendre au bout de cinq mois parce que son amie n’a pas osé nous le dire par peur de nous blesser".
"J’apprécie toujours la délicatesse de celles qui prennent le temps de me l’annoncer en amont, le temps que j’intègre la nouvelle pour pouvoir ensuite me réjouir avec elles, et sincèrement, le moment venu. De la même manière que l’infertilité ne doit pas être un tabou, il ne faut pas non plus que le sujet de la fertilité de nos amis en devienne un. Il ne faut pas que le tabou entraîne la honte, et j’aimerais vraiment qu’on puisse libérer la parole sur ce sujet".
Il ne faut pas non plus en faire un sujet exclusivement féminin : "Les hommes sont souvent les grands oubliés de la question", rappelle Mathilde. "Nous les femmes, nous vivons cette attente dans notre chair, en suivant nos cycles, nous savons ce qui se passe ou ne se passe pas chaque mois en nous. Les hommes, eux, sont impuissants à comprendre ce qui se déroule dans notre corps, alors que chaque mois revient l’espoir. Ils vivent cette attente de manière extérieure, sans aucune prise sur ce que nous vivons de l’intérieur : ils souffrent tout autant que leurs femmes chaque mois lorsque l’espoir est déçu et il faut aussi être présent pour eux".