Pour qu'Aleteia poursuive sa mission, faites un don déductible à 66% de votre impôt sur le revenu. Ainsi l'avenir d'Aleteia deviendra aussi la vôtre.
*don déductible de l'impôt sur le revenu
Lorsque Paul Verlaine retourne au catholicisme après bien des errances, il retrouve naturellement Celle qui est reconnue et honorée comme le Trône de la Sagesse, justement dans son recueil Sagesse en 1881 : "C'est par Elle que j'ai voulu de ces chagrins, / C'est pour Elle que j'ai mon cœur dans les Cinq Plaies, / Et tous ces bons efforts vers les croix et les claies, / Comme je l'invoquais, Elle en ceignit mes reins. / Je ne veux plus penser qu'à ma mère Marie, / Siège, de la Sagesse et source des pardons, / Mère de France aussi, de qui nous attendons / Inébranlablement l'honneur de la patrie " (Je ne veux plus aimer que ma mère Marie). Il se met dans les pas de la tradition qui s’incline devant Celle qui, n’étant point la Sagesse, porte la Sagesse. Sedes Sapientiæ est une des invocations des litanies mariales de Lorette. Ainsi la Sagesse est-elle offerte au monde par la Mère.
Le trône de la Sagesse
Benoît XVI précisait que la Sainte Vierge fut la première à contempler "l’humanité du Verbe incarné, l’humanité de la divine Sagesse, qu’elle a portée dans son sein. Dans l’Enfant Jésus, avec lequel elle entretenait d’infinis et silencieux dialogues, elle reconnaissait le visage humain de Dieu, de sorte que la Sagesse mystérieuse du Fils s’est imprimée dans l’esprit et le cœur de la Mère. C’est pourquoi Marie est devenue le “Trône de la Sagesse”" (Discours, 14 décembre 2006). Marie est donc le tabernacle de la Sagesse et Elle accueille aussi le don de sagesse insufflé par le Saint-Esprit aux disciples du Christ. Un souffle identique habite l’Acathiste du Ve siècle attribué à Romanos le Mélode :
"Réjouis-toi Trône de la sagesse éternelle
Réjouis-toi Écrin du dessein bienveillant de Dieu
Réjouis-toi tu conduis les philosophes aux limites de leur sagesse
Réjouis-toi tu mènes les savants aux frontières du raisonnement
Réjouis-toi devant qui les esprits subtils deviennent hésitants
Réjouis-toi devant qui les littérateurs perdent leurs mots
Réjouis-toi devant qui se défont
les raisonnements les plus serrés. "
Les Saintes Écritures ne parlent pas directement du Trône de la Sagesse, mais elles invoquent souvent le trône de Dieu, et bien sûr le trône de David. Notre Seigneur règne sur les deux, porté par sa Mère. Saint Pierre Damien, lisant le Livre des Proverbes, reconnaîtra Marie dans ce verset : "La Sagesse a bâti sa maison, elle a taillé ses sept colonnes" (IX, 1). Saint Bernard de Clairvaux sera bien sûr le chantre admirable qui appliquera à la Sainte Vierge les titres de Domus divinæ Sapientiæ ("Demeure de la Sagesse divine") et de Sedes Sapientiæ. Marie sera reconnue comme "la première cause participante, la plus haute collaboratrice" de son Fils (De præconio).
L’avis des saints
Cette vocation de siège de la Sagesse est ensuite soulignée par bien des théologiens et des saints. Saint Louis-Marie Grignon de Montfort écrira : "Il ne s’est trouvé que Marie qui, par la sublimité de sa vertu, a atteint jusqu’au trône de sa divinité et a mérité ce bienfait infini. Elle est devenue la Mère, la Maîtresse et le Trône de la divine Sagesse" (L’Amour de la Sagesse éternelle).
D’où le grand nombre de peintures et de sculptures représentant la Très Sainte Vierge trônant et portant, assis sur ses genoux, l’Enfant Jésus. Les Vierges noires, comme celle de Chartres, de Rocamadour, de Lorette, sont des représentations de cette tradition. Pour reprendre les mots de sainte Hildegarde, Marie est la Sagesse, la Sophia, "connaissant les voies de Dieu". La Mère, comme Sagesse, est l’Épouse du Christ et la Mère de l’Église. Bien des artistes religieux la représenteront couronnée et nimbée, abritant sous son manteau de miséricorde les sept vertus.
Tout naturellement, les Pères se tournèrent vers le Livre de la Sagesse pour y découvrir des textes pouvant se référer à la Très Sainte Vierge, ce qui conduisit le pape saint Pie X à affirmer dans une Lettre apostolique : "Ce qui est dit de la Sagesse divine pénétrant les esprits des hommes peut à juste titre s’appliquer aussi au culte envers la Vierge : “Tous les biens ensemble me sont venus avec elle” (7, 11)" (Ad omnium instaurationem, 21 novembre 1904).
Un véritable feu d’artifice entoure ainsi Marie par la plume et l’inspiration des hommes de Dieu répondant à la dévotion universelle des fidèles. Saint Augustin précise : "Nous reconnaissons la Sagesse de Dieu, verbe coéternel du Père, se construisant une maison dans le sein virginal" (De Civitate Dei, 17, 20). La Sagesse devient une gemme, une parure mariale, comme lorsqu’Adam de Saint-Victor compare la Vierge à un vase ciselé par la main de la Sagesse, ou qu’Amédée de Lausanne note qu’au cou de Marie est suspendue la Sagesse.
Marie, "Philosophie des chrétiens"
Cette union entre la Vierge et la Sagesse invita à établir une comparaison moins connue mais tout aussi marquante : celle entre Marie et la philosophie. Au XIIIe siècle, grand siècle de l’essor de la philosophie chrétienne, le père abbé Oddon de Battle parlera de la Très Sainte Vierge comme de la "Philosophie des chrétiens" :
"L’on appelle philosophie la poursuite de la sagesse ou l’amour de la sagesse. Marie est donc appelée la Philosophie des chrétiens parce que quiconque veut trouver la sagesse doit tourner tout son amour et son zèle vers Marie. Mais la vraie Sagesse est le Christ qui est appelé Sagesse et pouvoir de Dieu. Il est, au sens strict et véritable, la Sagesse des chrétiens, car en dehors de lui il n’existe pas de Sagesse pour un chrétien. Celui qui veut avoir la Sagesse doit se concentrer sur Marie. Par Marie nous arrivons au Christ, de même qu’au Fils par sa Mère, par la Mère de la Merci à la Merci elle-même" (Sermon).
Cette idée fut reprise notamment par Jean Paul II dans la belle encyclique Fides et Ratio, lorsqu’il cite le Pseudo-Épiphane nommant Marie "la table intellectuelle de la foi" (Homélie en l’honneur de Sainte Marie Mère de Dieu) :
"Sa vie même est une parabole […]. On peut entrevoir une harmonie profonde ente la vocation de la bienheureuse Vierge et celle de la philosophie authentique. De même que la Vierge fut appelée à offrir toute son humanité et toute sa féminité afin que le Verbe de Dieu puisse prendre chair et se faire l’un de nous, de même la philosophie est appelée à exercer son œuvre rationnelle et critique afin que la théologie soit une intelligence féconde et efficace de la foi. Et comme Marie, dans l’assentiment donné à l’annonce de Gabriel, ne perdit rien de son humanité et de sa liberté authentique, ainsi la pensée philosophique, en recevant l’appel qui lui vient de la vérité de l’Évangile, ne perd rien de son autonomie, mais se voit portée dans toute sa recherche à son plus haut accomplissement" (n. 108).
Sous le signe de la raison
Toute habitée par la science de Dieu, la Vierge Marie est non seulement le premier Docteur de l’Église, mais surtout l’inspiration qui permet une communion entre philosophie et théologie, comme Elle est aussi la source de tant de créativité artistique, poétique, liturgique. Le mois de Marie n’est pas uniquement sous le signe de la floraison, il est aussi sous le signe de la raison qui s’incline devant le mystère tout en utilisant toutes ses ressources pour l’exprimer et pour le goûter. Nous pouvons nous appuyer sans crainte et sans timidité sur ce Trône de la Sagesse pour grandir dans l’intelligence et dans la foi.