Au début du XVIIe siècle, la place située devant la basilique Saint-Pierre n’a aucune unité, elle n’est même pas pavée. L’essentiel des efforts artistiques et architecturaux ont porté jusqu’à présent sur la construction de la basilique en elle-même, et sur sa décoration intérieure. Pour parachever l’œuvre, le pape Alexandre VII souhaite aménager et mettre en valeur cet espace, qui peut être considéré comme un immense parvis. La place actuelle est ainsi commandée en 1656 au grand architecte baroque Gian Lorenzo Bernini, dit le Bernin. Onze années sont nécessaires pour l’édification de ce superbe ensemble architectural.
De nombreuses contraintes sont imposées au Bernin. Il doit bien sûr respecter les bâtiments existants et ne pas masquer les fenêtres des appartements pontificaux ; il doit aussi prévoir une imposante esplanade pour recevoir les foules ; il doit enfin prévoir un passage à couvert pour les processions. Brillant architecte et urbaniste, le Bernin est fidèle à sa conception baroque de l’art et il agit presque en décorateur de théâtre. Il sait associer le détail et le grandiose, ménager des surprises visuelles au cœur de perspectives rigoureusement organisées, tout en utilisant un vocabulaire architectural très classique.
Adoucir la largeur monumentale de la basilique
La première partie de la place, qui part de la façade de la basilique, est en plan trapézoïdal inversé, ce qui adoucit la largeur monumentale du bâtiment basilical. Le second espace, de forme elliptique, est délimité par deux hémicycles, composés chacun d’une quadruple colonnade. Ces colonnades forment trois voies de circulation couvertes, sur une largeur totale de 17 mètres. L’effet de surprise et de théâtralité cher au mouvement baroque est bien là : partant de la basilique, la colonnade s’écarte soudain comme deux bras accueillant la foule. Expliquant la signification allégorique qu’il souhaite donner à la place, le Bernin écrit :
Puisque l’église de saint Pierre est la mère de toutes les autres, elle devait avoir un portique révélant sa volonté de recevoir à bras ouverts, maternellement, les catholiques pour les confirmer dans leur foi, les hérétiques pour les ramener dans l’Église et les infidèles pour les éclairer dans la vraie foi.
Les colonnades de chaque côté forment les deux bras d’un corps idéal ayant pour tête la coupole de la basilique. 284 colonnes et 88 piliers composent cet ensemble architectural monumental à la symbolique puissante, et en parfaite harmonie avec le message d’accueil de l’Église. L’horizontalité monumentale de la place met en valeur la verticalité de la basilique, qui figure la présence de Dieu sur terre. Dans le même temps, les deux grands bras ouverts symbolisés par les colonnades invitent la foule des fidèles à avancer avec confiance vers Dieu.
Un arc triomphal qui ne verra pas le jour
Le Bernin aurait souhaité fermer entièrement la place par une troisième série de colonne ou un arc triomphal afin de ménager encore plus l’émerveillement du pèlerin qui arrive sur la place au sortir des ruelles du quartier du Borgo. Cependant, la mort du pape Alexandre VII marque le coup d’arrêt de ce projet. Le percement de la via della Conciliazione, dans les années 1930, rallonge encore la perspective et accroît la monumentalité de l’ensemble, tout en faisant disparaître l’effet de surprise cher au baroque.
La place Saint-Pierre est probablement la plus monumentale mais aussi la plus harmonieuse des réalisations urbanistiques et architecturales baroques. Quatre siècles plus tard, elle remplit toujours son office en émerveillement les visiteurs et en appelant le peuple de Dieu à se réunir au pied de son berger.