Une des premières allusions à la dévotion aux "cinq plaies" du Christ remonte à un passage de la première lettre de saint Pierre apôtre : "Lui-même a porté nos péchés, dans son corps, sur le bois, afin que, morts à nos péchés, nous vivions pour la justice. Par ses blessures, nous sommes guéris." (1P2, 24). Au XIIe siècle, cette dévotion se répand parmi les chrétiens, notamment sous l’impulsion de saint Bernard de Clairvaux : "Où donc notre fragilité peut-elle trouver repos et sécurité, sinon dans les plaies du Sauveur ?", interroge-t-il au début de son Commentaire au Cantique des Cantiques.
A la fin du XIXe siècle, le Christ apparaît à une religieuse visitandine, sœur Marie-Marthe Chambon, et la charge de développer la dévotion aux cinq plaies : "J’accorderai tout ce que l’on me demandera par l’invocation aux saintes plaies. Il faut en répandre la dévotion. Vous obtiendrez tout, parce que c’est le mérite de mon sang qui est d’un prix infini. Avec mes plaies et mon Cœur divin, vous pouvez tout obtenir", lui confie-t-il.
Une dévotion chère au pape François, qu’il a évoquée à plusieurs reprises, soulignant que la vénération des plaies du Christ permet de goûter à l'amour miséricordieux de Dieu. Lors de l’Angélus du 18 mars 2018, il a invité les fidèles à "entrer dans les plaies du Christ jusqu’à son cœur" en récitant notamment un Notre Père pour chacune des plaies. Car "nous avons été guéris dans ses plaies", rappelle-t-il. Pour bénéficier des dons divins, le chrétien doit, comme l’apôtre Thomas, "toucher les plaies du Christ". Ce n’est pas pour rien que le Seigneur a choisi de conserver ses plaies après sa résurrection. Elles sont le signe de sa victoire sur le péché. "Les plaies de Jésus sont un trésor : c’est de là que sort la miséricorde", assure le Pape. Par elles, le Christ intercède pour nous auprès du Père.
Bien plus que cinq plaies
La dévotion traditionnelle fait état de "cinq plaies" : celles des deux mains et des deux pieds engendrées par les clous lors de la crucifixion, et celle du flanc droit provoquée par le coup de lance du centurion romain. "Mais ce ne sont pas les seules plaies, loin de là", souligne Mgr Dominique Le Tourneau dans son dernier ouvrage Les blessures du Christ (Artège). "C’est tout le corps de notre Seigneur qui est comme une seule plaie, de la tête aux pieds, ses os sont à nu."
Selon les révélations de sainte Brigitte de Suède, Jésus aurait reçu "en son corps" durant sa Passion pas moins de 5.480 coups. Le corps entier du Christ n’est que blessures. "Un retable de douleurs", comme le décrit Mgr Le Tourneau. En effet, chronologiquement, avant les blessures liées à la crucifixion, il y a celles infligées par la flagellation et la couronne d’épines, mais aussi celles générées par le portement de la croix qui a meurtri l'épaule du Christ.
L'épaule meurtrie du Christ
Si les évangiles ne mentionnent pas explicitement la plaie de Jésus à l'épaule, elles laissent néanmoins supposer combien la croix était lourde à porter. Les chutes de Jésus, qui ponctuent aujourd'hui le chemin de croix, relèvent de la tradition, mais le fait d'appeler en renfort Simon de Cyrène laisse deviner le poids insoutenable de l'objet du supplice :
"Les cahots du chemin rugueux et les trois chutes brutales du Seigneur ont entaillé sa chair, peut-être jusqu’à mettre la clavicule à nu", invite à réaliser Mgr Le Tourneau. Au fur et à mesure de ses pas, la croix entame de plus en plus l’épaule de Jésus. "Chaque pas est un choc qui déchire un peu plus l’épaule du Christ. Le bois est mal équarri. À quoi servirait-il de la fignoler, si c’est une poutre tout juste bonne à porter un malandrin ! Des échardes viennent aiguillonner encore plus la douleur".
Une douleur inouïe. Le Christ lui-même, dans une réponse inspirée à saint Bernard de Clairvaux qui lui demandait dans sa prière quelle avait été sa pire souffrance, affirme : "J’eus, en portant la croix, une plaie profonde qui m’a occasionné plus de douleur que les autres et qui n’est pas connue des hommes. Mais révèle-la aux fidèles chrétiens et sache que quelque grâce qui me sera demandée en vertu de cette plaie leur sera accordée. Et à tous ceux qui, par amour pour elle, m’honoreront, je pardonnerai les péchés véniels et ne me souviendrai plus des mortels." (Annales de Clairvaux)
Huit siècles plus tard, saint Padre Pio de Pietrelcina, qui portait les stigmates, a reconnu que c’était celui de la plaie à l’épaule, "que personne ne connaît et qui n’a jamais été soigné", qui était le plus douloureux.
Prière de saint Bernard à la plaie de l'épaule
Voici la prière composée par Bernard de Clairvaux afin de propager la dévotion à la plaie formée à l'épaule du Christ, que nous pouvons faire nôtre en ce premier jour de la Semaine sainte :
"Très aimé Seigneur,
Très doux Agneau de Dieu,
Moi pauvre pécheur,
J’adore et vénère la très sainte plaie que vous avez reçue à l’épaule en portant au Calvaire la très lourde croix qui laissa découverts trois os saints, occasionnant une immense douleur.Je vous supplie, en vertu des mérites de ladite plaie, d’avoir pitié de moi, en me pardonnant de tous mes péchés mortels ou véniels, en m’assistant à l’heure de ma mort et en me conduisant dans votre heureux Royaume. Amen."
Pratique