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"Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole" (Lc 1, 38). La réponse de Marie à l’ange Gabriel venu lui annoncer que d’elle naîtra le fils de Dieu est sans appel. A la volonté du Seigneur, Marie répond par le "fiat", ce oui entier et sans retour. Mais avait-elle vraiment le choix ? ""Dieu a envoyé son Fils" (Ga 4, 4), mais pour lui "façonner un corps" (cf. He 10, 5) il a voulu la libre coopération d’une créature. Pour cela, de toute éternité, Dieu a choisi, pour être la Mère de Son Fils, une fille d’Israël, une jeune juive de Nazareth en Galilée", explique le Catéchisme de l’Église catholique (CEC §488). Ainsi, Marie était prédestinée à devenir la Mère du Sauveur. Cette prédestination, c'est-à-dire le fait d’avoir été, littéralement, "réservée par avance" l’a-t-elle pour autant privée de sa liberté ?
C’est ce qu’éclaire le dogme de l’Immaculée Conception, proclamé en 1854 par le pape Pie IX dans sa bulle Ineffabilis Deus : "La bienheureuse Vierge Marie a été, au premier instant de sa conception, par une grâce et une faveur singulière du Dieu Tout-Puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ Sauveur du genre humain, préservée intacte de toute souillure du péché originel".
Ainsi préservée du péché, qui a pour conséquence la rupture du lien qui unit l’homme à Dieu, Marie, dès le sein maternel, est toute entière tournée vers le Seigneur et offerte à Sa volonté. Ainsi, de même qu’Eve a librement consenti au péché lors de la tentation du jardin d’Eden, Marie a librement consenti à la volonté de Dieu lors de l’Annonciation. "Le Père des miséricordes a voulu que l’Incarnation fût précédée par une acceptation de la part de cette Mère prédestinée, en sorte que, une femme ayant contribué à l’œuvre de mort, de même une femme contribuât aussi à la vie", souligne encore le CEC (§488).
"Je suis la servante du Seigneur"
L’attitude foncière de l’Ancilla Domini (servante du Seigneur) traverse tous les moments de sa relation à Jésus, de la joie à la croix. Elle seule est aussi Regina Caelis : c’est par l’acceptation totale et sans mesure de la volonté divine que Marie embrasse le projet de Dieu. C’est en partie ce que justifie Gertrud von Le Fort dans Die ewige Frau [La femme éternelle] qui examine le rôle symbolique de la femme : "Partout où il y a don de soi, on voit rayonner le mystère de la femme éternelle". Aussi, "à l’annonce qu’elle enfantera "le Fils du Très Haut" sans connaître d’homme, par la vertu de l’Esprit Saint (cf. Lc 1, 28-37), Marie a répondu par "l’obéissance de la foi" (Rm 1, 5), certaine que "rien n’est impossible à Dieu" : "Je suis la servante du Seigneur ; qu’il m’advienne selon ta parole" (Lc 1, 37-38). Ainsi, donnant à la parole de Dieu son consentement, Marie devint Mère de Jésus et, épousant à plein cœur, sans que nul péché la retienne, la volonté divine de salut, se livra elle-même intégralement à la personne et à l’œuvre de son Fils, pour servir, dans sa dépendance et avec lui, par la grâce de Dieu, au mystère de la Rédemption (cf. LG 56)" (CEC §492).
Le "fiat" marial, un "oui" parfait adressé à Dieu
Le "fiat" de Marie n’est autre que le "oui" parfait, signifiant par l’hébreu [אמן], l’Amen de la vérité éprouvée qui est aussi la suture où la faiblesse du genre humain adhère entièrement et mystérieusement à la force divine. Cette acceptation se déploie dans le silence de la Vierge qui "garde tout cela dans son cœur" (Lc 2, 51). Marie procède du Salut divin, et c’est par son "oui" que le Fils de Dieu prend chair. Libérée du péché originel qui asservit et empêche de se donner totalement à Dieu, Marie peut se livrer toute entière à l’invitation du Seigneur pour prendre part, dans sa chair, au mystère du Salut. C’est précisément cette liberté, c'est-à-dire à cette union parfaite au Créateur, qui la rend libre, entièrement libre, d’accepter ou de refuser d’adhérer à Sa Volonté. Et c’est justement parce que Marie est libre qu’elle peut, en conséquence, prononcer son "fiat", car est libre celui qui se donne à Dieu. C’est ce qui justifie le fait qu’elle embrasse totalement et sans retour le projet du Seigneur, jusqu’au pied de la Croix, en offrant elle aussi son fils pour le Salut du monde.