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Est-il possible de réformer en profondeur une famille monastique dont le fondateur, Pierre-Marie Delfieux (1934-2013), a été accusé d’abus de conscience et de pouvoir ? Les Fraternités monastiques et apostoliques de Jérusalem, cette communauté nouvelle de "moines et des moniales au cœur des villes" fondée dans les années 1970 et très connue pour la beauté de ses offices liturgiques, y croient. Ses responsables souhaitent aujourd’hui être dans la transparence totale en publiant notamment la "Lettre d'information "Discernement & réforme". Datée du 28 février 2023, celle-ci détaille tous les aspects du processus de discernement au sein de la communauté, et les principaux axes des réformes à engager.
En effet, après l’ouverture successive de deux cellules d’écoute des victimes, la communauté avait reçu en 2021 la visite apostolique de deux enquêteurs envoyés par le Vatican : le dominicain Bruno Cadoré et la sœur auxiliatrice Emmanuelle Maupomé.
Les dysfonctionnements reconnus
Les constatations de ces derniers, communiquées à la communauté en mai 2022 et publiées sous forme de verbatims dans le document, pointent plusieurs problèmes. Notamment des maladies diagnostiquées chez le grand nombre de sœurs et frères rencontrés. Comme fatigue, épisodes de dépression ou de "burn-out", mais aussi le "sentiment amer d’avoir été trop peu écoutés et respectés comme personnes, voire malmenés".
Il est également question de la manière dont le fondateur avait conduit la fondation de la communauté. "Nous avons pu avoir le sentiment qu’à certains moments, le succès de sa fondation passait avant le bien des personnes. Certains se sont parfois sentis utilisés, voire instrumentalisés… et ont été mis en danger humain et spirituel", observent-ils.
Le chemin de la réforme réussie au sein de la communauté semble possible, selon les assistants apostoliques.
Les dysfonctionnements concernent aussi l’autorité qui semble s’exercer sur un mode très abbatial, mais avec la faible pratique des "règles de sagesse et d’équilibre du gouvernement, comme le principe de subsidiarité ou celui de l’exercice de vrais contre-pouvoirs". Enfin, le dominicain Bruno Cadoré et la sœur Emmanuelle Maupomé évoquent l’absence de "processus de décision et d’action" ainsi que celle de "politique de formation qui va de pair avec l’absence de réflexion globale sur la place des études de théologie et la forme qu’elles doivent prendre pour s’intégrer dans la vie religieuse de chacun".
Néanmoins, le chemin de la réforme réussie au sein de la communauté semble, selon eux, possible. D’ailleurs, les deux religieux accompagnent aujourd’hui les fraternités dans ce processus "en tant qu'assistants apostoliques". Ils interviennent aux côtés de Jean-Christophe Calmon, prieur général des frères, et de Rosalba Bulzaga, prieure générale des sœurs.
Une volonté de transparence
"Honte, amertume, tristesse, colère et désarroi" devant les "souffrances psychologiques inacceptables, endurées par des sœurs ou des frères encore proches". C’est par ces mots que l’équipe de communication de la communauté (constituée de deux frères, deux sœurs et d’un laïc) commence cette Lettre en reconnaissant les dysfonctionnements pointés du doigt. Elle souhaite ainsi s’engager dans un "processus de discernement et de réforme avec l’aide des deux assistants apostoliques" en toute transparence. A commencer par le compte-rendu de l’avancée des chantiers entamés à l’issue de l’assemblée de travail qui a eu lieu au mois d’août 2022 à Magdala, l’un des centres spirituels de la communauté, situé en Sologne.
Les quatre axes de réforme demandés par Rome
Suite à la lettre du 30 mars 2022 adressée aux Fraternités de Jérusalem par le Siège apostolique, voici les quatre axes qui doivent accompagner le processus de discernement et de réforme de la communauté : "mieux exprimer le charisme propre à la communauté ; retravailler les textes canoniques (c’est-à-dire les constitutions de la communauté) ; poursuivre l’élaboration d’un programme de formation permanente à la lumière du charisme et enfin organiser une assemblée générale afin de prendre les décisions nécessaires pour mettre en œuvre ce processus de réforme", selon le document publié.
Les neuf chantiers entamés
En réponse à ces directives, du 22 au 26 août, les membres de la Fraternité se sont réunis à Magdala où a eu lieu une assemblée de travail en présence des deux assistants apostoliques. Au terme de ces cinq journées, plusieurs chantiers à engager ont émergé. Parmi eux, ceux du rythme de vie, du rapport au travail, de la gouvernance, de la communion entre frères et sœurs, de la formation, de la liturgie, de l’histoire de la communauté.
C’est à Pâques de cette année que chaque chantier devra remettre un point d’étape de ses travaux aux assistants apostoliques et aux conseils généraux.
Ces chantiers sont confiés à des équipes de petite taille : trois frères d’un côté, trois sœurs de l’autre. Dans le cadre de leur travail, ils peuvent faire appel à différents frères et sœurs de la communauté ou à des laïcs ou à des experts extérieurs dont certains ont été nommés par les assistants apostoliques. Pour chaque chantier, un comité conduit le travail de réflexion et de propositions, à partir d’une feuille de route.
C’est à Pâques de cette année que chaque chantier devra remettre un point d’étape de ses travaux aux assistants apostoliques et aux conseils généraux. Enfin, en août 2023, une nouvelle assemblée est prévue, réunissant séparément toutes les sœurs de leur côté, et tous les frères de leur coté, rassemblant ensuite tous les frères et sœurs réunis. Une étape essentielle de la suite du travail pour l’année suivante.
Contacté par Aleteia, le frère Grégoire, responsable de la communication des Fraternités de Jérusalem, n’a pas souhaité commenter le déroulement des chantiers en cours. "À, ce stade du processus, la communauté préfère ne pas communiquer davantage. Je vous invite dans quelques mois : nous espérons alors pouvoir rendre compte de résultats tangibles", a-t-il écrit dans un message adressé à la rédaction.