Le chagrin est un état moralement douloureux, un déplaisir qui s’installe à la suite d’un événement fâcheux. On le ressent comme une émotion, une mauvaise humeur, qui engendre un sentiment de déception, de tristesse. Etre chagrin, c’est être très passivement morose, triste. Le contraire du chagrin est gaité, plaisir, ravissement. Il s’agit d’une forme aggravée de la tristesse. Passif, il se loge souvent subrepticement dans la partie concupiscible de notre âme. Ainsi subi, le chagrin peut être entretenu et devenir le spleen cher aux romantiques. Il vient d’une déception, d’une souffrance, d’une perte, d’un deuil, bien connu des veufs. Il s’accompagne de culpabilité, de perte d’espoir, de colère.
Que faire d’un tel état ? Comment dominer cette émotion qui semble irrésistible ? S’il s’agit d’un mal extérieur, d’une situation nouvelle qui s’impose à nous, le courage d’affronter le réel et l’espérance seront bienvenus. Jésus affronte la mort de son ami Lazare en allant au-devant de l’épreuve. A Gethsémani, son âme est dans un chagrin profond pour l’abandon de ses amis et l’échec de son projet. Il plonge tout entier dans la piété filiale qui ne le quittera pas jusqu’à la joie de Pâques. S’il s’agit d’un effet normal de la conscience de son péché, le repentir fait son œuvre pour une plus grande liberté, comme pour Pierre après son reniement.
S’il s’agit d’un chagrin à tendance narcissique, se détourner de soi, et se donner aux autres donnera une joie nouvelle. Au- delà de toutes les misères de l’âme, vivre dans la louange, s’ouvrir à une liturgie joyeuse et pratiquer la gratitude construisent en nous la vertu de joie. « On nous croit tristes, et nous sommes toujours joyeux » (1 Co 6, 10). La joie vient du Seigneur comme fruit de l’Esprit Saint. « Soyez toujours dans la joie, priez sans relâche, rendez grâce en toute circonstance » (1 Th 5, 16-18). Encore faut-il pratiquer la joie pour qu’elle advienne.