Les habitants du territoire de Canaan comptent parmi les occupants les plus anciens de la Terre promise avant l’arrivée des Israélites. Leur origine et leur territoire sont d’ailleurs bien déterminés par la Bible, précisément au livre de la Genèse (Gn 10, 15-19) :
Canaan engendra Sidon, son premier-né, et Heth, puis le Jébuséen, l’Amorite, le Guirgashite, le Hivvite, l’Arqite, le Sinite, l’Arvadite, le Semarite, le Hamatite. Les clans des Cananéens se dispersèrent ensuite et le territoire cananéen s’étendit de Sidon vers Guérar jusqu’à Gaza, vers Sodome et Gomorrhe, Adma et Seboïm jusqu’à Lèsha.
Ce peuple d’origine sémitique semble s’être installé en ces régions depuis le IIIe millénaire, au carrefour de régions allant de l’Asie vers l’Égypte, sans oublier l’accès à la mer méditerranée. Leur vaste territoire s’étendait de Sidon, nous dit la Genèse, jusqu’au sud de la mer Morte, jusqu’à Gaza et des terres de Phénicie et de Palestine, de Hamat jusqu’à Arvad. Les Cananéens ne constituaient pas, cependant, une nation unie, mais une multitude de cités-États aux populations éclectiques. L’expression "Cananéen" deviendra plus tard synonyme de Phénicien et de Sidonien, ces dénominations renvoyant le plus souvent à celle de marchands.
Au contact du paganisme
Cependant, cet espace stratégique par sa position allait vite attirer la convoitise et l’attention d’envahisseurs venus de toute part. Mais, le territoire des Cananéens allait également et surtout prendre une place déterminante dans le récit biblique avec la promesse divine de l’Alliance conclue avec Abraham, promesse que nous relate la Genèse (Gn 15, 18) :
Ce jour-là, le Seigneur conclut une alliance avec Abram en ces termes : "À ta descendance je donne le pays que voici, depuis le Torrent d’Égypte jusqu’au Grand Fleuve, l’Euphrate, soit le pays des Qénites, des Qenizzites, des Qadmonites, des Hittites, des Perizzites, des Refaïtes, des Amorites, des Cananéens, des Guirgashites et des Jébuséens."
Cette installation des Hébreux notamment en pays cananéen ne se réalisera cependant pas sans heurts. Les Cananéens honoraient en effet une multitude de dieux dont les noms surgiront dans la Bible comme symboles de leur impiété : le terrible Baal sans oublier Dagon, Chamach… Les Écritures ne cesseront de dénoncer les méfaits de ces croyances conduisant à des sacrifices humains des plus cruels ; pratiques qui leur vaudra d’être ridiculisés par le prophète Élie avant l’extermination de leurs prêtres (1R 18, 40) :
Élie leur dit alors : "Saisissez les prophètes de Baal : que pas un seul ne s’échappe !" Ils les saisirent. Élie les fit descendre au ravin du Qishone, et là il les égorgea.
Ce paganisme influencera grandement les Hébreux longtemps encore après que ces derniers se soient installés en Terre promise, les pratiques magiques et autres cultes des idoles seront en effet récurrents au sein de la nouvelle religion monothéiste. Des cultes païens qui appelleront la colère de Dieu et dont la Bible se fera l’écho à maintes reprises…
Le déroutant épisode de la Cananéenne…
Cet épisode relaté notamment par les Évangiles de Matthieu et de Marc est bien connu et rapporte le cas d’une Cananéenne, une habitante précisément de Phénicie, qui demanda à Jésus de guérir sa fille, cette femme ayant eu bruit de sa réputation de thaumaturge. La jeune femme s’approche alors de Jésus et lui crie : "Prends pitié de moi, Seigneur, fils de David ! Ma fille est tourmentée par un démon." Mais Jésus reste étrangement silencieux sans lui répondre… Ses disciples lui dirent alors : "Renvoie-la, car elle nous poursuit de ses cris !" Mais, contre toute attente, Jésus prononça ces mots toujours difficiles à comprendre : "Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël." Est-ce à dire que Jésus refuserait sa miséricorde à une étrangère ? Une Cananéenne qui n’appartiendrait pas au peuple élu ?
Derrière cette apparente sévérité se cache, en fait, une mise à l’épreuve de la demanderesse puisque Jésus ajoute à son encontre : "Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens." La Cananéenne ne se découragea cependant pas pour autant et lui dit : "Oui, Seigneur ; mais justement, les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres." Alors, Jésus constatant la force de la foi de la jeune Cananéenne lui répondit enfin (Mt 15, 22-28) : "Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux !" Et, à l’heure même, sa fille fut guérie."
Cette belle leçon de confiance et d’abandon d’une païenne en la foi du Dieu unique n’a pu que forcer l’admiration de ses contemporains, de la même manière qu’elle continue à nous impressionner encore de nos jours à la lecture de cet épisode biblique de la Cananéenne, certes surprenant, mais ô combien évocateur...