Lycéen, Marek Balwas était le roi du disco. Impossible pour lui d’imaginer une semaine sans aller au moins une fois en boîte de nuit jusqu’au petit matin. Pourtant, c’est précisément à cette époque-là que l’idée de devenir prêtre lui passe pour la première fois par la tête. Quelque temps plus tard, en juillet 1985, Marek part au monastère de Lichen (centre ouest de la Pologne), pour gagner un peu d’argent en travaillant sur un chantier. Il y croise un groupe de personnes handicapées qui suit une retraite spirituelle d’été. "Ils étaient pris en charge par des prêtres et des laïcs. En les regardant, je me suis dit que j'aimerais moi aussi prendre soin des malades de cette manière, mais qu'il faudrait pour cela que je devienne prêtre. C'est alors que la première idée de vocation sacerdotale m'est venue à l’esprit", confie-t-il à Aleteia.
Le déclic spirituel
Six ans plus tard, Marek entre au séminaire. Au début de l'année académique, un de ses collègues lui propose de participer à des rencontres avec les personnes handicapées. Le jeune séminariste accepte sans hésiter. "Nos rendez-vous mensuels commençaient par l'Eucharistie, puis nous passions simplement du bon temps ensemble : les bien-portants et les malades. L’été suivant, je suis parti avec tout le groupe faire une retraite. Il y avait 25 personnes en fauteuil roulant et de nombreux bénévoles. Nous étions avec les malades, jour et nuit. Il fallait les habiller, laver, emmener aux repas, nourrir, faire des promenades, descendre les escaliers, prier…, mais aussi parler de la vie, de la souffrance et de la mort. C'étaient de beaux moments, j’étais heureux d’être utile. Mes petits problèmes n’avaient plus d’importance", reprend le père Marek qui, en même temps, a le cœur brisé en voyant ses amis malades souffrir. "J’avais du mal à concevoir comment Dieu permet-il tant de souffrance, de douleur et de tristesse. La réponse m'a été donnée par eux-mêmes : ils appréciaient chaque moment de la vie, chaque geste de gentillesse envers eux. Ce sont eux qui m’ont appris à prier, à avoir confiance en Dieu", reconnaît-il.
L'accident
Marek est ordonné prêtre en 1998. Puis arrive un jour tragique de février 2003. Le jeune prêtre se fracture la colonne vertébrale dans un terrible accident de voiture. Quand il apprend à l’hôpital qu’il ne marchera plus, paradoxalement, il n’est pas très choqué. Peut-être, précisément, parce qu’il avait déjà été en contact avec des personnes en fauteuil roulant. "Je me suis dit : c'est dur, mais apparemment c'est fait pour. Dieu a un plan pour moi dans tout ça. Lequel ? Ne me le demandez pas car je ne le connais pas encore", poursuit-il.
Je remercie Dieu de m'avoir laissé des mains et une tête qui fonctionnent : je peux célébrer l'Eucharistie, je peux administrer les sacrements, je peux prêcher.
En revanche, il se souvient de l'une des premières choses qu’il s’est dite à ce moment-là : "Je dois remercier Dieu de m'avoir laissé des mains et une tête qui fonctionnent, la chose la plus importante pour le sacerdoce. Je peux célébrer l'Eucharistie, je peux administrer les sacrements, je peux prêcher. Et comme je l'ai récemment appris des jeunes lors d'une retraite que j'animais "on ne peut pas se sauver avec ses pieds, mais seulement avec son cœur !", confie t-il.
C'est exactement ça. Le père Marek se rend compte de plus en plus que les jambes ne sont pas la chose la plus importante dans la vie. La chose la plus importante, c’est un "cœur plein de confiance dans le plan de salut de Dieu pour chacun de nous", écrit-il sur son blog, même s’il y a des "moments de rupture, de rébellion, de douleur".
Cela fait plus de cinq ans que le père Marek vit avec son handicap. Si la médecine progresse et qu’il est possible qu’un jour il se remette debout, pour l'instant, il apprend à vivre dans un fauteuil roulant. "Le matin, je suis réveillé par une crampe dans tous mes muscles. Bien que je ne puisse sentir qu'un cinquième de mon corps, cette tension musculaire matinale provoque une douleur intense... Ensuite, je crains d'ouvrir les yeux par peur de constater que tout est authentique par rapport à la veille. Lorsque je les ouvre finalement, je me jette dans les bras du Seigneur. Je le remercie pour un jour de plus de vie qu'il me donne, mais parfois, quand j’ai très mal, je pense au moment où je serai dans la Maison du Père...", confie-t-il.
Le sens du handicap
Le simple fait de sortir du lit n'est pas facile, car tous les muscles se contractent et doivent être maîtrisés, avant de pouvoir s’installer avec mille précautions et en toute sécurité dans un fauteuil roulant. Après ce combat et après le petit-déjeuner, le père Marek passe un peu de temps devant l'ordinateur, sa fenêtre sur le monde. Plus tard dans la journée, il célèbre l'Eucharistie avec d’autres prêtres. "C’est là où je puise la force de surmonter mes difficultés. Ensuite, nous déjeunons ensemble. Différentes personnes viennent me rendre visite : des amis, des jeunes, des prêtres ; pour parler, pour rire ensemble, pour recevoir des conseils spirituels et souvent pour se confesser", reprend-il.
Le père Marek doit consacrer également une heure par jour à la rééducation, pour maintenir sa santé afin qu'elle ne se détériore pas et qu’elle permette "autant que possible de devenir plus indépendant." Le soir, c’est le moment de lecture, de contemplation, de prière avant d’aller se coucher pour recommencer son combat le lendemain. Grâce à l’aide du curé de la paroisse, le père Marek participe à la vie de la communauté. Il célèbre l'Eucharistie, confesse et anime des retraites de l'Avent et du Carême dans le diocèse. Il organise aussi des retraites et des pèlerinages pour des personnes handicapées. Les foules de jeunes le suivent partout.
Malgré la souffrance, la tristesse, peut-être parfois le chagrin, je souris et je n'abandonne pas, car je sais que Dieu voit le sens de ma souffrance.
Dans la prière, le père Marek se tient devant Dieu tel qu'il est, sans faux-semblant, souvent les larmes aux yeux. "Dieu seul sait la douleur et la souffrance que j'éprouve en ouvrant les yeux le matin et en attendant le moment béni où la journée se termine. Cependant, malgré la souffrance, la tristesse, peut-être parfois le chagrin, je souris. Je n'abandonne pas, car je sais que Dieu voit le sens de ma souffrance. Peu à peu, je découvre ce sens, même si je le vois encore de façon un peu vague comme dans un miroir", confie-t-il dans un témoignage partagé lors d'une de ses retraites.
Le père Marek croit qu'un jour viendra où il comprendra tout. "Si ce n'est pas dans cette vie, alors ça sera dans la prochaine", conclut-il.