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Par Hugues Lefèvre, envoyé spécial en RDC. L'ambiance est lourde. Dans le jardin du Palais présidentiel de Djouba, sous une chaleur accablante, quelque 200 personnalités attendent que le pape François et les autorités du pays achèvent leurs entretiens. À quelques mètres en effet, le pontife de 86 ans s'est enfermé avec le président Salva Kiir, le dirigeant à la tête du pays depuis sa création en 2011.
Sous sa présidence, le Soudan du Sud a basculé dans une guerre civile, faisant près de 400.000 morts et des milliers de déplacés. Malgré un timide accord de paix obtenu en 2018 et la formation d'un gouvernement d'unité nationale en 2020, le plus jeune pays du monde demeure dans un état de chaos. Près de 4 millions de Sud-soudanais sur 12 millions sont actuellement déplacés et 90% de la population est en situation d'urgence alimentaire.
Une situation d'urgence absolue
De cette situation d'urgence absolue, le Pape a conscience. Il y a près de quatre ans déjà, il avait organisé au Vatican une retraite spirituelle pour les deux rivaux. Le pape François était allé jusqu'à embrasser leurs pieds pour les supplier de faire la paix. Mais le temps a passé sans que le miracle ne se produise.
Alors, le chef de l'Église catholique, avec les chefs des Églises d'Angleterre et d'Ecosse, ont décidé de provoquer à nouveau un sursaut du côté des dirigeants, en organisant cette visite œcuménique inédite dans l'histoire de l'Église.
Dans ce pays dévoré par le tribalisme, l'appartenance ethnique passe bien souvent devant sa foi.
Après sa rencontre avec Salva Kiir, le Pape a retrouvé l'archevêque de Canterbury et le modérateur de l'Église d'Écosse autour des vice-présidents du pays, dont Riek Machar.
De ces échanges, rien n'a filtré. Mais à la sortie, le visage grave du pape argentin pouvait traduire un sentiment d'abattement. Comme un air d'impuissance de voir ces dirigeants pourtant chrétiens incapables de s'entendre. "Dans ce pays dévoré par le tribalisme, l'appartenance ethnique passe bien souvent devant sa foi", confiait un fin connaisseur du dossier.
Premier d'un pape au Soudan du Sud
Assis sur son fauteuil roulant, le Pape a remonté lentement un tapis rouge au côté du président Kiir, chapeau de cowboy noir vissé sur la tête. Dans une ambiance pénible, l'assistance a fini par applaudir le pontife argentin.
Dans son discours - le premier d'un pape au Soudan du Sud -, François a tenté de bousculer les consciences des autorités. "Les générations futures honoreront ou effaceront la mémoire de vos noms en fonction de ce que vous faites maintenant", a-t-il prévenu. "Vos “enfants” et l’histoire elle-même se rappelleront de vous dans la mesure où vous aurez fait du bien à cette population qui vous a été confiée pour la servir". L’avertissement a été lancé. Dans l'assemblée, quelques diplomates invités pour l'occasion doutaient qu'il soit réellement entendu.