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Quelques semaines après les propos pour le moins abruptes de Roselyne Bachelot sur le devenir des églises du XIXe siècle, la vague d’émotion et d’indignations d’une partie de nos concitoyens s’est retirée. Ces mots de l’ancienne ministre de la Culture vont-ils mourir dans l’indifférence générale ou provoquer un sursaut collectif salutaire pour nos églises ? Oui, ces propos m’ont surpris, puis heurté et blessé. Ils ont blessé de nombreux croyants et également des non-croyants. Non pas parce que l’ancienne ministre exprimait un jugement, discutable, sur le "pas grand intérêt" de ces églises ; elle en a le droit. Mais parce que de ce jugement découlait une conclusion envisagée, suggérée par la journaliste qui l’interviewait et non contredite, dans laquelle le terme "raser" (ces églises), brutal en lui-même, était ressenti comme une violence, pour le moins un manque de considération et de respect, voire un mépris, vis-à-vis des fidèles attachés à ces églises, situées souvent en milieu rural. Ces fidèles ne font pas reposer leur foi sur l’âge des pierres mais sur le mystère qu’elles abritent.
Les églises ont une âme
Une personnalité politique se doit de respecter les croyances et sensibilités de chaque citoyen. Il semble que Roselyne Bachelot ait oublié cette règle d’or. Sans doute, l’expression "pas grand intérêt" est-elle comprise dans son esprit au sens architectural et patrimonial. N’a-t-elle pas pris conscience que les églises ne sont pas qu’un patrimoine de pierres, à classer dans les rubriques technocratiques "À conserver" ou "À ne pas conserver" ?
Chaque visiteur ou personne qui rentre dans une église peut être saisi par ce lieu hors du monde qui appelle à la spiritualité et l’intériorité.
Lieux de prière, elles demeurent les seuls espaces de silence, de paix, de méditation et de ressourcement dans un monde de la vitesse, de bruits, d’incertitudes, de crispations, de conflits, parfois de désespérances. Elles sont des lieux de mémoire des gens de toutes conditions qui les ont construites et qui s’y sont recueillis. Mais notre monde matérialiste ne veut pas savoir d’où il vient tant il a peur d’être confronté au mystère de ses origines. Chaque visiteur ou personne qui rentre dans une église peut être saisi par ce lieu hors du monde qui appelle à la spiritualité et l’intériorité. Nous savons, nous, que les églises ont une âme. Nous n’avons pas trouvé dans la proposition de Mme Bachelot le "supplément d’âme" qui aurait pu être la marque de son respect vis-à-vis des fidèles de ces églises déjà condamnées sans procès.
Les chrétiens devant leurs responsabilités
Mais tout n’est pas perdu. Nous pouvons donner crédit à l’ex ministre sur un point : ses propos ont le mérite de nous placer, nous, Église de France et catholiques, devant nos responsabilités. Depuis presque un siècle, alors que les signaux alertaient sur les mouvements de population, la déchristianisation de la France, l’abandon d’églises, les clercs, mais aussi les laïcs, ont négligé ce patrimoine cultuel. Nul ne conteste, encore moins les croyants, la complexité, l’ampleur et le coût financier de ce chantier à la fois spirituel et patrimonial, constitué de milliers de chantiers locaux. Ce défi peut et doit être relevé par les hommes et les femmes de bonne volonté, plus ou moins nombreux ici ou là, qui décident de conserver ces lieux marqueurs de notre civilisation. Les paroles, dans doute oubliées, d’une rare clairvoyance, prononcées par le futur pape Benoît XVI, en 1969 sur une radio bavaroise doivent nous soutenir dans ce combat : "Tout semblera perdu, mais au bon moment l’Église renaîtra… La renaissance sera l’œuvre d’un petit reste, apparemment insignifiant mais indomptable…"
Des initiatives locales concrètes
Préfigurant ce "petit reste", plusieurs groupes et associations s’engagent dans la recherche et la mise en œuvre de solutions autres que le choix entre la destruction ou la vente, par une approche spirituelle et cultuelle : Églises Ouvertes, Chapelles chantantes en Bretagne, week-ends Mission Prière Service, Journées paysannes… et bien d’autres.
Parmi celles-ci, l’association Priants des Campagnes s’engage, par petits groupes, pour que la prière résonne à nouveau dans nos églises de village, faisant sienne la belle expression de Charles Wright lorsqu’il évoque les priants : "Sans l’oxygène de leurs prières, la planète succomberait à l’asphyxie" (Le chemin des estives, J’ai lu, 2022). Même si elle veut ainsi d’abord exprimer que "c’est la prière qui sauvera les pierres", cette association préconise aussi des initiatives locales concrètes : création d’association de sauvegarde pour chaque église, nomination de diacres pour animer les prières ; dans nos églises rurales : concerts, conférences, projections de films à thème, collecte de denrées pour personnes dans le besoin… et en appelle à tous pour alimenter un fonds de dotation destiné à aider les municipalités. La meilleure réponse à Roselyne Bachelot n’est-elle pas, par de tels engagements pour nos églises, de manifester et de témoigner ouvertement de notre foi, de notre espérance et de l’exercice de la charité ?