C’est un personnage de l’Histoire de France qui méritait bien un film. Son film. C’est désormais chose faite avec Vaincre ou mourir, dans les salles ce 25 janvier : le chef vendéen François Athanase Charette de La Contrie dit "Charette", revit sous les traits d’Hugo Becker dans cet étonnant film historique. L’acteur de Baron Noir, Gossip Girl, ou encore Au service de la France incarne cette fois le général royaliste, ancien officier de marine, tiré de son château en 1793 par les paysans révoltés contre la levée en masse pour combattre à leur tête les républicains. Il devient bientôt général de l’Armée catholique et royale du Bas-Poitou, se battant farouchement jusqu’à sa capture et son exécution.
Ambitieux, le premier long-métrage du Puy du Fou l’est par l’ampleur de la reconstitution historique. La Vendée, ravagée par les colonnes infernales, offre un décor remarquable : "Un très beau souvenir", dit à ce sujet Hugo Becker que Aleteia a rencontré. Il se rappelle les "décors naturels" où étaient réunis "des centaines de figurants" ainsi que la préparation qu’exige un tel personnage qui, rappelle-t-il "n’abdiquait jamais l’honneur d’être une cible" : "Il refusait de se cacher […] Ce sont des personnages fascinants pour un acteur, pleins de passions, d’idéalisme, de folie également."
Aleteia : Saviez-vous qui était Charette avant de jouer dans ce film ?
Hugo Becker : Pas du tout. Ce qui est surprenant et passionnant dans notre métier, c’est qu’on découvre souvent des histoires. Celle de Charette est assez méconnue, bien qu’elle ait été remise au programme scolaire récemment. Il est toujours intéressant d’avoir différents points de vue sur un récit pour développer un esprit critique. J’ai été touché par l’histoire tout de suite. Si on pense à Quatrevingt-treize et à Victor Hugo par exemple, on se rend compte qu’il y a beaucoup d’auteurs, beaucoup de gens, qui se sont intéressés à cette période parce qu’elle est très riche, bien plus forte que bien des fictions. Je trouvais très intéressant de s’inspirer d’une partie de l’Histoire de France, comme le font les Américains. Que l’on empare ainsi d’un sujet historique français, a fortiori méconnu, c’est ce qui m’a poussé à entrer dans cette aventure. Je me suis rendu compte de l’ampleur de cette histoire en Vendée, à quel point les gens étaient touchés par le sujet. Nous, les acteurs, nous sommes un peu comme des avocats. On s’empare d’une cause ou d’un personnage qui nous touche et qu’on a envie de défendre. C’était le cas ici.
C'est une responsabilité de ne pas raconter n’importe quoi, de faire honneur à un personnage important pour beaucoup.
Quel souvenir gardez-vous du personnage de Charette ?
Si je dois garder un souvenir, ce serait sa devise, suffisamment forte pour qu’on puisse s’en rappeler : "Combattu souvent, battu parfois, abattu jamais." Charette est un personnage vecteur d’espoir, de détermination, de volonté, de passion, et évidemment de panache. Il arborait avec fierté son panache blanc, cette plume qu’on met sur son chapeau et qu’on porte pendant la bataille. Il disait qu’un officier n’abdique jamais l’honneur d’être une cible. Il refusait de se cacher. Il n’avait absolument pas peur de faire face à l’ennemi. Ce sont des personnages fascinants pour un acteur, pleins de passions, d’idéalisme, de folie également, souvent en proie à des dilemmes. Je savais que, probablement, j’allais devoir beaucoup travailler mais que j’allais aussi prendre beaucoup de plaisir lors de l’interprétation. C’est une chance, c’est vraiment une chance. Et une responsabilité aussi : responsabilité de ne pas raconter n’importe quoi, de faire honneur à un personnage important pour beaucoup. J’ai essayé de faire ça au mieux.
Comment vous êtes-vous préparé pour le rôle ?
Comme beaucoup d’acteurs, on a, je crois, chacun notre petite cuisine interne, on aime bien faire notre partie du travail de notre côté, se préparer physiquement et mentalement afin de s’approprier notre version du personnage. J’ai eu la grande chance de discuter avec Vincent Mottez, historien et scénariste, ainsi qu’avec Paul Mignot. Avec les figurants également, qui étaient des centaines et qui nous ont raconté comment eux voyaient les choses ; mais aussi les cascadeurs et les cavaliers du Puy du Fou… Tous ces gens-là vous apportent beaucoup sur le personnage, plus que si l’on avait lu uniquement des livres. J’ai lu, évidemment, sur Charette. On est obligé de se renseigner quand on joue un tel personnage. La partie théorique est intéressante, mais pas suffisante. Très vite, un personnage, c’est un costume qu’on enfile. J’ai eu la chance de m’entraîner pendant un mois et demi, d’apprendre à combattre, à bien monter à cheval. C’est la meilleure partie de mon travail. J’avais appris l’équitation pour Diane de Poitiers. Là, j’ai pu me perfectionner et faire l’ensemble des cascades du film. Se préparer pour un personnage qui maîtrise l’art de la guerre, oblige, forcément, à se mettre à ce niveau-là. On ne se réveille pas de la même façon quand on a des entraînements le matin.
La guerre nous apprend à devenir ce qu’on est pas, c'est ce que je retiens de ce film.
Est-ce qu’il y a eu un déclic pendant le tournage, un moment où vous vous êtes dit : « Je suis Charette » ?
Souvent, ce sont les scènes de discours qui me parlent, qui déclenchent quelque chose en moi. Dans Baron Noir, une scène de discours m’avait beaucoup marqué. Ce sont des scènes qu’on va beaucoup répéter, beaucoup écouter. J’enregistre, je les écoute en boucle, je m’endors avec. Je l’écoute le matin quand je me réveille. On l’écoute de plein de façons différentes, avec différentes intentions de jeu. Au bout d’un moment, ce sont des mots qui font partie de vous. Ce sont dans ces mots-là, souvent, que se cachent beaucoup de facettes du personnage.
Il y avait énormément de figurants, des gens qui connaissaient cette histoire et qui, donc, vous portaient. Les gens avec qui vous travaillez sont extrêmement importants. Ils vous aident à faire quelque chose de bien, on ne fait jamais rien de bien tout seul. On est dans des décors naturels, avec suffisamment de figurants pour vraiment croire à ce qu’on est en train de faire nous-mêmes.
Après avoir joué dans ce film, quel regard portez-vous sur les guerres de Vendée ?
Ce qui est intéressant, c’est le regard que les gens vont porter après avoir vu le film. Je ne porte certainement pas de regard manichéen. Le film est juste là-dessus, à travers le personnage de Travot, l’opposant de Charette, un personnage noble. Charette lui aussi commet des exactions, sombre parfois dans la folie. Il y a une phrase de ce film qui dit : "La guerre nous apprend à devenir ce qu’on n'est pas." Je crois que c’est cela que je retiens. Ce film donne l’énergie de combattre pour une cause, quelle qu’elle soit. L’histoire en elle-même est aussi un prétexte pour le spectateur, l’occasion d’identifier ses propres combats. On se dit : "Qu’est-ce qu’il aurait fait, lui ? Jusqu’où il serait allé, jusqu’où il se serait battu ?"