"La prière personnelle ? Je ne sais pas m’y prendre", avoue Agnès, lilloise de 37 ans, mère de deux garçons en bas âge. Pourtant, elle participe régulièrement à des veillées de prière. Membre d’un groupe paroissial qui s’occupe des personnes en situation de précarité, elle a l’habitude d’organiser des temps de recueillement ou de se joindre aux autres pour prier. Seulement, elle est toujours beaucoup plus à l’aise pour chanter ou faire un partage de lecture d’évangile, que pour prier seule. "J’ai du mal à prier seule, que ça soit le matin en me levant, le soir avant d’aller me coucher ou pendant les veillées où il y a des temps consacrés à la prière individuelle. C’est difficile pour moi, j’ai l’impression que je ne sais pas le faire. Toutes mes tentatives me semblent scolaires, alors que je sens que la prière doit être un temps réellement passé avec Dieu", confie-t-elle à Aleteia.
Comme Agnès nombreux sont ceux qui ressentent une difficulté avec la prière personnelle. Comment faire le premier pas ? Comment savourer enfin le goût de la prière personnelle ? Par quoi commencer ? Et, en fait, quel est le lieu de la prière : l’âme, l’esprit ou le cœur ? Où se situe la rencontre personnelle avec Dieu ?
Le cœur, le lieu de la prière
Selon le Catéchisme de l’Eglise catholique, "c’est tout l’homme qui prie mais pour désigner le lieu d’où jaillit la prière, les Ecritures parlent parfois de l’âme ou de l’esprit, le plus souvent du cœur (plus de 1000 fois). C’est le cœur qui prie". (2562)
Mais, ici, il faut faire l’attention. Car oui, c’est le cœur qui est le lieu de la prière, mais "dans le langage de la Bible qui est celui de Jésus, le "cœur" ne désigne pas le lieu du sentiment. Il est le centre de la personne", explique le frère carme Dominique Sterckx, auteur de L’oraison, petit guide pratique (Editions Emmanuel). C’est "notre centre caché, insaisissable pour notre raison et par autrui, seul l’Esprit de Dieu peut le sonder et le connaître", précise le Catéchisme. Ce cœur a d’ailleurs plusieurs fonctions : il est à la fois celui de la décision, de la vérité, de la rencontre et enfin le lieu de l’Alliance :
"Le lieu de la décision, au plus profond de nos tendances psychiques ; le lieu de la vérité, là où nous choisissons la vie ou la mort ; le lieu de la rencontre, puisque, à l’image de Dieu, nous vivons en relation : il est le lieu de l’Alliance". (Le Catéchisme de l'Eglise catholique)
Comment descendre dans son cœur ?
Mais concrètement, comment aborder la prière personnelle quand ce sont les pensées vagabondes qui dominent l’esprit ? S’il est naturel d’être envahi par les pensées, la prière ne peut être seulement une activité de l’esprit, parce qu’elle est surtout une rencontre. "Une véritable rencontre entre personnes ne se fait pas avec des pensées pieuses, ou on récite le Notre Père sans pour autant s’adresser au Père. Il faut entendre cette plainte de Jésus :
"Ce peuple m’honore des lèvres mais son cœur est loin de moi » (Mc 7,6)
La prière ne se ramène pas non plus au sentiment, même si celui-ci est bon. "On peut éprouver des sentiments forts envers quelqu’un (sympathie ou antipathie) sans pour autant entrer en relation avec lui", explique le frère Dominique Sterckx. Pratiquement, il est bon de se demander : Est-ce que je prie au niveau de mes pensées ou à celui de mon cœur ?
Les anciens moines sont formels : " Faites descendre la prière dans vos cœurs"
Les anciens moines sont formels : "Faites descendre la prière dans vos cœurs", insiste Dominique Sterckx. S’il ne s’agit pas d’un mouvement spontané, il est possible de l’apprendre. Certes, il faut parfois du courage, pour aller au plus intime de soi. Si ce chemin est difficile, aride parfois, la prière gagne alors en profondeur et en vérité. Pour y arriver, il n’y a pas de méthode précise, parce qu’une rencontre n’entre pas dans le cadre d’un moyen efficace qui conduit toujours au résultat. L’important est la manière dont on aborde l’autre : Êtes-vous attentif à l'autre, ou bien centré sur votre propre personne, dans vos pensées, enfermé dans le souci de vous-même ?
Dire simplement : "Seigneur, tu es là, avec moi"
Il est alors essentiel de veiller à l’entrée dans la prière, qui ne se fait pas en un instant. Elle demande parfois trois, cinq ou dix minutes, pour quitter le niveau cérébral et descendre à celui du "cœur". Pour y arriver, le premier pas est de prendre conscience de Celui à qui on s’adresse, et de sa présence. "Que ce soit le Christ, le Père, l’Esprit Saint, ou Dieu sans précision, il est présent, tout proche, comme il nous le révèle en sa Parole", précise le frère carme. Descendre la prière dans son cœur, c’est entrer en contact par un acte de foi et non pas en cherchant à "sentir sa présence". On peut lui dire simplement, mais avec attention : "Seigneur, tu es là, avec moi".