Octobre dernier, un jeune prêtre travaillant à la Curie traverse les jardins du Vatican pour retrouver ses bureaux, non loin de la place Saint-Pierre. Profitant de l'occasion, il décide de faire un petit crochet par la grotte de Lourdes, cette reproduction grandeur nature au Vatican de la cavité rocheuse où la Vierge est apparue à la petite Bernadette, en 1858. Devant la grotte, le prêtre se recueille, dépose le fardeau de sa journée à la Madone, puis conclut sa prière. Mais alors qu'il se retourne pour redescendre de la colline du Vatican, il découvre, ahuri, le pontife émérite arriver lui aussi vers la grotte, poussé dans son fauteuil par les laïques consacrées qui s'occupent de lui depuis sa renonciation en 2013. "J'étais tétanisé, bouleversé d’émotion. Je n'ai pas bougé, j'ai simplement fait un signe de la main", confie-t-il, encore habité par cette vision.
On le devine de loin, assis sur un banc, tache blanche qui contraste avec le vert des buissons et des arbres
Jusqu'au bout donc, le pape émérite se sera rendu jusqu'à cette grotte, située à quelques centaines de mètres en amont du monastère Mater Ecclesiae, où il résidait. Dans son ouvrage Il Monastero, le vaticaniste Massimo Franco raconte ces expéditions furtives d'un pape qui s'était résolu à une vie retirée du monde. "On le devine de loin, assis sur un banc, tache blanche qui contraste avec le vert des buissons et des arbres : une silhouette maigre, protégée même en été par un coupe-vent sans manches aussi blanc que sa soutane. Le réflexe immédiat serait de reculer, pour ne pas déranger, comme on le ferait si l’on surprenait un animal rare et menacé, qui ne sortirait que rarement de son terrier et ne quitterait jamais son abri", écrit-il dans un ouvrage qui paraîtra prochainement en français aux éditions Artège.
Le 28 décembre dernier, lorsque le pape François a alerté le monde sur l'état de santé de son prédécesseur "gravement malade", certains se sont immédiatement souvenus de ce lien profond qu'entretenait Joseph Ratzinger avec la Vierge de Lourdes. Ils se sont précipités à la grotte vaticane. "Accueillons l'invitation du pape François et rendons nos cœurs pèlerins à la grotte de Lourdes dans les jardins du Vatican", tweetait ainsi le cardinal Sandri, préfet émérite de la congrégation pour les Églises orientales. "Depuis des années, ce lieu accueille les pas et les supplications du pape Benoît XVI. Maintenant, Marie veille sur le chemin qu'il parcourt en ces heures. L'Orient est proche de lui !", ajoutait celui qui a été créé cardinal par Benoît XVI.
Très proche de sainte Bernadette
Le pontife allemand avait été le deuxième pape à se rendre à Lourdes, après Jean Paul II. En 2008, il avait rejoint la cité pyrénéenne à l'occasion du 150e anniversaire des apparitions.
Au micro de France Bleu, Mgr Perrier, évêque de Lourdes de 1998 à 2012, s'est souvenu de ce passage dans la ville mariale où le pontife avait célébré la messe devant 150.000 personnes. "Il est resté très longtemps en prière pendant l'adoration eucharistique. Une prière tout à fait silencieuse, pas du tout conventionnelle. Ensuite, il avait dit un texte. Et puis il avait à nouveau prié longuement. Cela montrait que c'était un homme d'intériorité et véritablement un homme de prière", a confié l'évêque émérite.
"Le jour de la fête de Sainte Bernadette est en même temps le jour de ma naissance. De ce fait, déjà, je me sens très proche (...) de cette petite fille jeune, pure, humble", avait expliqué Benoît XVI à des journalistes lors de ce déplacement en France. Un clin d'œil du calendrier qui n'est pas sans en rappeler un autre : le jour durant lequel Benoît XVI a annoncé au monde sa volonté de renoncer à sa charge papale n'était autre que le 11 février 2013, le jour où l’Église fête Notre-Dame de Lourdes...