S’il est un temps liturgique qui a été modifié au moment de la réforme liturgique qui a suivi Vatican II, c’est bien l’Avent. Depuis lors, les quatre semaines qui préparent la fête de la Nativité sont construites de telle sorte que les lectures et les thèmes proposés permettent d’entrer dans un triple mouvement. Car l’adventus, l’avènement qui a donné son nom à ce début d’année liturgique est bien à la fois celui de Jésus il y a quelque deux mille ans, son retour dans la gloire et le temps présent, tension permanente entre présence du Seigneur et désir de plénitude.
Pour rendre cela, la liturgie de l’Avent est organisée en deux temps. Jusqu’au 16 décembre, quelle que soit d’ailleurs la date où nous commençons, nous vivons dans l’attente, certes, mais celle du Jour du Seigneur, quand "il viendra de nouveau, revêtu de sa gloire, afin que nous possédions dans la pleine lumière les biens qu’[il] nous [a] promis" (1ère préface). On pourrait parler d’Avent eschatologique.
Le Seigneur nous laisse ce temps de liberté, qui nous permet de nous convertir pour le suivre résolument.
Oui, depuis que Jésus est monté au ciel, nous vivons certes dans le temps de la grâce, promis à la vie éternelle par le Christ lui-même venu nous ouvrir le chemin. Mais le Seigneur nous laisse ce temps de liberté, qui nous permet de nous convertir pour le suivre résolument. L’attitude spirituelle de ce premier temps est assurément de creuser en nous le désir de Dieu, d’être uni à lui à jamais.
À cette fin, nous lisons à longueur de premières lectures, et à l’Office des Lectures, le livre d’Isaïe. Parmi les grands prophètes de l’Ancien Testament, Isaïe est, effectivement, celui qui a la plus vive conscience de l’histoire et de la place que Dieu y tient. Tout au long de ses oracles, dans les vicissitudes les plus variées qu’ont à subir ses coreligionnaires, le prophète saisit que Dieu est le maître des événements. Sa main conduit les hommes, il veut les sauver. Seulement, il le fera à travers du petit et du dérisoire.
Ce qui conduit au "deuxième" Avent, qu’on appellera historique ou messianique. Du 17 au 24 décembre, nous préparons plus directement la naissance du Sauveur. En relisant, tout au long des jours qui précèdent Noël, les grandes prophéties messianiques (la vierge qui enfante chez Isaïe, la venue du Bien-Aimé du Cantique des cantiques, la promesse de Dieu à David de lui donner un successeur qui rendra stable sa royauté, le retour d’Élie par Malachie…), nous faisons mémoire et nous actualisons le désir du peuple de Dieu d’être sauvé, ici et maintenant.
Un temps eschatologique et messianique
Par les évangiles surtout, cette neuvaine est une longue méditation sur le mystère de l’Incarnation, qui commence avec la généalogie de Jésus dans saint Matthieu et l’annonce à Joseph, pour continuer avec tout le premier chapitre de Luc. Dieu a comme répondu à l’attente de l’homme et prépare, pour bientôt, la venue du Messie tant attendu : nous entrons "déjà dans le mystère de Noël" (2ème préface). Annonciation à Zacharie le 19, à Marie le 20, Visitation le 21, Magnificat le 22, Naissance de Jean-Baptiste le 23 et Benedictus le 24 qui est comme performatif : "Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, qui visite et rachète son peuple." Nous voilà prêts – l’est-on jamais ? – pour accueillir le Nouveau-né dans sa mangeoire.
Entre ces deux temps, eschatologique et messianique, celui du Sauveur qui vient, et celui du Sauveur attendu et venu en notre chair, qui occupent les lectures des deux dimanches extrêmes, une figure incontournable de l’Avent : Jean-Baptiste. Il est comme le pivot qui occupe une place importante les 2ème et 3ème dimanches. Il est le lien entre les prophéties et leur réalisation, l’Ancien et le Nouveau Testament. Il est celui qui attend, mais qui vit en même temps en présence du Christ. C’est lui, le Précurseur, qui nous invite à la conversion, à préparer nos chemins pour que le Sauveur parvienne jusqu’à nous. C’est lui, le prophète, qui désigne l’Agneau. Oui, vraiment, le Royaume de Dieu s’est approché de nous.