"Il y a quelques mois, j’ai ressenti le besoin de faire une pause. Je travaillais alors dans une boîte de conseil, passant mes semaines à courir d’un aéroport à l’autre, d’une ville à l’autre, pour voir les clients dans toute l’Europe. Je n’étais plus disponible ni pour ma famille ni pour moi-même", confie à Aleteia Pierre, 42 ans, père de trois garçons en bas âge. C’était une course perpétuelle, avec des enjeux professionnels qui, au lieu de se réduire, semblaient grandir en permanence. Le stress m’étouffait, il était devenu indispensable que je prenne du recul”, explique le quadragénaire qui a choisi le monastère du Bec-Hellouin, pour faire une halte dans le silence. "Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu". C’est cette citation de l’évangile de saint Marc (Mc 6, 31) lue sur le site de l’abbaye qui l’a convaincu.
Pour Pierre, l’expérience a été comme un électrochoc : "Le silence, le calme, la beauté des lieux et de la nature autour, la prière et les lectures, j’avais le sentiment de revenir aux sources. Cela m’a permis de faire le tri dans ma vie entre ce qui est essentiel et ce qui ne l’est pas. Et surtout, de me reconnecter réellement à Dieu. Ne pas parler permet d’être attentif à sa présence comme d’être plus disponible au prochain".
En quête du silence et du sens
Comme Pierre, de plus en plus de personnes, étouffées par le rythme de vie trop assourdissant, sont en quête de tranquillité. Certaines tentent des retraites spirituelles en silence dans les monastères, d'autres des cures de silence. Comment expliquer cette quête ? Est-ce la marque d’une époque plus incertaine ou un effet de mode ? "Pas seulement. Il y a vraiment une démarche de recherche de sens", affirme à Aleteia Véronique Durand, co-auteur du livre Ils ont fait une retraite spirituelle paru aux Éditions de La Martinière. Pour elle, l’expérience de la vie monastique offre la possibilité de renouer avec la simplicité. Elle permet des temps de silence, de prière et de contemplation, souvent favorisés par le calme et la beauté des lieux. "Je suis resté quelques jours à partager la vie des moines, en compagnie d’autres retraitants comme moi. Nous étions en silence presque tout le temps. J’aimais suivre le rythme des offices, écouter le grégorien, partager les repas au réfectoire avec les frères…", explique ainsi de son côté Pierre.
Faire silence, c’est un peu comme remettre les compteurs à zéro. C’est se retrouver soi-même, retrouver son souffle, ses joies et ses peurs, ses rages et son enthousiasme.
Une telle quête est probablement au carrefour de plusieurs recherches – équilibre intérieur, recherche de soi, recherche d’un vrai repos de l’âme. C’est aussi la nécessité de quelques mises à l’écart : paroles oiseuses, saturations des sens, bombardement d’informations… Les raisons qui poussent à chercher le silence sont sans doute nombreuses. Chacun suit son chemin et à chacun d’accueillir le sien tel qu’il est.
"Paradoxalement, faire silence, c’est un peu comme remettre les compteurs à zéro et retrouver ses amis, leurs voix, leurs inflexions. C’est aussi se retrouver soi-même, retrouver son souffle, ses joies et ses peurs, ses rages et son enthousiasme. Faire silence c’est peut-être cela aussi : quitter la parole pour retrouver la voix", explique à Aleteia le frère Rémi Chéno, auteur de l'ouvrage Les voies du silence (Cerf).
Le silence, la voix de Dieu
Certes, le silence peut faire peur : peur de se retrouver insignifiant, superficiel, vide, inconséquent… Bien sûr, le silence est une mise à nu, une prise de risque. "Mais dans la relation amicale ou amoureuse, les moments suspendus entre deux paroles, ces silences survenus sans qu’on les prévoit, ne sont-ils pas les moments les plus intenses, les plus forts, ceux qui forgent la relation ?", se demande le frère Rémi Chéno. Le silence, c’est "l’arrivée de quelque chose d’autre, poursuit-il, qui remplit le cœur et peut faire monter les larmes aux yeux".
Paradoxalement, le silence n’est pas l’expérience d’une absence… mais plutôt celle d’une présence.
Faire l’expérience du silence, c’est finalement découvrir qu’il n’est pas pesant, ni lourd ni effrayant. Il est même étrangement… plein ! Car le silence n’est pas l’expérience d’une absence… mais plutôt celle d’une présence. "Ce silence est la voix même de Dieu, comme celle sur la montagne de l’Horeb qu’Élie a reconnue. La Bible parle de la "voix d’un silence ténu". C’est exactement cela. Du moment où on réalise que ce silence est la voix même de Dieu, alors on peut goûter ce silence, aimer ce silence, le savourer", conclut le frère Rémi.
Au commencement de la prière se trouve le silence.
Les saints semblent avoir cette intuition qu’ils affirment sans le moindre doute : "Dieu est ami du silence. Nous avons soif de trouver Dieu, mais il ne se laisse découvrir, ni dans le bruit ni dans l’agitation", répétait Mère Térésa. Selon elle, "au commencement de la prière se trouve le silence." Quant à saint Jean de la Croix, faire silence est pour lui la condition essentielle de se connecter à Dieu : "Impose même ton silence à ma prière, pour qu’elle soit pur élan vers Toi."
Trois exercices pour apprivoiser le silence
Faire une halte spirituelle dans une communauté monastique, comme s’accorder de longs moments de recueillement, n’est pas toujours facile. Trouver, en revanche, des petites pauses pour faire silence au quotidien est à la portée de tous. Il ne s’agit pas d’explorer des méthodes très sophistiquées. Dans un premier temps, il s’agit d’abord de faire l’expérience d’une paix, d’une sérénité, d’un calme intérieur qui ouvre la poitrine et qui déploie la respiration. Pour débuter, voici trois exemples d’exercice.
1Planifier une petite balade
Pensez à programmer dans la journée une balade ou une petite marche au retour du bureau. Essayez de marcher lentement, et d’observer chaque détail en écoutant tout ce qui se passe autour. Le bruit ne cessera pas. Mais vous ne vous laisserez pas troubler par lui. Il faut juste le laisser cohabiter avec votre descente dans le silence qui ouvre à la contemplation… Paradoxalement, il est possible d’être à la fois dans le bruit (intérieur et extérieur) et dans le silence (intérieur).
2PRENDRE UN REPAS EN SILENCE
À la place du déjeuner à la cantine avec vos collègues, prenez votre repas en silence et invitez Dieu à se mettre à votre table. Pourquoi pas en écoutant un livre audio sur un saint qui vous inspire, ou un podcast avec le témoignage d’une personne dont la foi vous touche particulièrement ? C’est une manière simple de se rendre sensible à la présence de Dieu.
3SE METTRE A L'ECART UN INSTANT
Avant une réunion importante ou un rendez-vous, essayez de vous mettre à l’écart un instant afin de prendre le souffle, puis de vous connecter à Dieu pour savoir Le voir ensuite dans l’autre. Ces quelques minutes de silence, pourront vous aider d’être à l'écoute de Dieu comme de vous-même, de votre conjoint, de vos enfants ou… de vos clients.
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