Certains dénoncent une volonté "d’effacer le christianisme", d’autres un "lent génocide" des chrétiens. Lui y voit inlassablement une terre de mission et d’évangélisation. Mgr Matthew Man-Oso Ndagoso, 62 ans, est archevêque au Nigeria, plus précisément à Kaduna, dans le nord-ouest du pays. Cet État du Nigeria est tristement connu pour les nombreux enlèvements de prêtres et attaques d’églises qui y sont perpétrées. Plus de cinquante paroisses du diocèse de Kaduna "sont gravement touchées", raconte l’archevêque sobrement lors d’une conférence de presse donnée par l’Aide à l’Église en détresse (AED) ce mercredi 23 novembre.
"Les prêtres ne peuvent plus rester dans leur presbytère pour assurer la pastorale nécessaire à la population car ils sont devenus des cibles importantes". "Au cours des quatre dernières années, huit de nos prêtres, un grand nombre de nos catéchistes et un nombre incalculable de fidèles laïcs ont été enlevés", glisse-t-il. "Parmi les prêtres kidnappés, quatre ont été libérés, trois ont été tués et deux sont toujours en captivité, l’un d’eux ayant passé presque quatre ans comme otage." Et de reprendre, simplement : "Il m’est difficile de vous dire combien de prêtres sont actuellement portés disparus. J’ai appelé hier mon évêché pour savoir et l’on m’a répondu qu’on était sans nouvelle de deux autres prêtres."
Au Nigeria, nous témoignons par nos vies, avec nos vies.
Un quotidien douloureux, difficile et menaçant. Mais pour lequel Mgr Matthew Man-Oso Ndagoso a décidé de ne pas baisser les bras, loin de là. Car oui, la réalité est dure : plus de 7.600 chrétiens auraient été tués au Nigeria et 5.200 autres enlevés entre janvier 2021 et juin 2022, révèle le dernier rapport de l’Aide à l’Eglise en détresse (AED) sur les chrétiens persécutés. L’année 2021 a également été marquée par des attaques contre plus de 400 églises ou institutions chrétiennes. Le pays tout entier est actuellement confronté à de graves problèmes de sécurité comme il n’en a jamais connu dans son histoire, pas même lors de la guerre civile. "L’émergence de groupes terroristes comme Boko Haram et l’Etat islamique de la province d’Afrique de l’Ouest (ISWAP) en 2009, puis les conflits entre éleveurs et agriculteurs, le banditisme, et les enlèvements avec demandes de rançon sont les principales causes d’insécurité dans le Nord, les régions du nord-ouest et du centre-ouest étant les principaux théâtres de conflit", résume Mgr Matthew Man-Oso. Et l’État de Kaduna en est l’épicentre.
Son discours se fait tranchant lorsqu’il évoque le gouvernement nigérian qui porte une lourde part de responsabilité dans l’insécurité et la violence qui ravagent le pays. Un certain nombre de facteurs, y compris l’insatisfaction politique et la pauvreté due à l’incapacité de vivre de l’élevage, "ont poussé les membres de la communauté des éleveurs peuls à des activités criminelles pour subvenir à leurs besoins", reprend-t-il. Mais ces épreuves et ces difficultés n’entachent en rien sa mission de pasteur. "Nous croyons que chaque être humain a été créé à l’image du Christ", reprend-t-il. "Et c’est ce dont nous témoignons chaque jour, à chaque instant, en dépit des épreuves". Oui, les chrétiens ont un rôle central à jouer dans la société nigériane. Un rôle "de dialogue, de pardon et de témoin".
Se plongeant dans ses souvenirs, il raconte avec une émotion maîtrisée le témoignage d’un de ses séminaristes kidnappés. "Il n’a cessé de témoigner même s’il savait sa vie menacée", résume-t-il. "Au Nigeria, nous témoignons par nos vies, avec nos vies." Mais, surtout, avec la force de l’Esprit saint. Après sa résurrection, le Christ a envoyé l’Esprit aux apôtres pour qu’ils aient la force de témoigner. "C’est pareil pour nous : le Christ nous envoie la force de son Esprit et il l’emporte largement sur celle des terroristes."
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