Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, a célébré ce dimanche 13 novembre à 10h30, une messe en l’église Saint-Louis-Marie en Brocéliande, à Montfort-sur-Meu, près de Rennes. Un moment important de communion pour les fidèles de la commune, après la mise en examen et l'incarcération à Paris du curé de la paroisse, le père Yannick Poligné, pour viol aggravé sur un mineur et usage de stupéfiants. Les habits liturgiques étaient de couleurs violets, symbole de la pénitence, de l’attente et le deuil. "Aujourd’hui, nous pleurons parce que l’un de ces plus petits, un mineur de plus de 15 ans a été abusé violemment", a-t-il déclaré dans son homélie. "Au cœur de notre prière et de notre rassemblement, Jésus tourne notre regard vers ce mineur, bien que nous ne le connaissons pas." Voici le texte en intégralité :
Chers amis,
Dans ce passage de l’Évangile qui vient d’être proclamé (Matthieu 25, 31-40), Jésus nous interpelle. Il fait une déclaration solennelle en s’exprimant ainsi : "Amen, je vous le dis." Par ce mot, il attire notre attention sur le noyau de son enseignement : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. »
Aujourd’hui, nous pleurons parce que l’un de ces plus petits, un mineur de plus de 15 ans a été abusé violemment. Au cœur de notre prière et de notre rassemblement, Jésus tourne notre regard vers ce mineur, bien que nous ne le connaissons pas. Il a été blessé dans sa chair et dans son âme. Selon notre foi chrétienne, Jésus est crucifié en lui, comme Jésus est crucifié dans toutes les victimes d’abus sexuels.
Ici, ensemble, aussi bien en raison de notre foi en Dieu qu’en raison de notre conscience de la dignité de tout être humain, nous nous sentons tous obligés de lutter avec détermination contre ce fléau des abus sexuels, en particulier ceux commis sur des mineurs qui en demeurent blessés à vie.
Le pape François a engagé une lutte qu’il nous invite à mener ensemble : "Considérant l’avenir, rien ne doit être négligé pour promouvoir une culture capable non seulement de faire en sorte que de telles situations ne se reproduisent pas mais encore que celles-ci ne puissent trouver de terrains propices pour être dissimulées et perpétuées. La douleur des victimes et de leurs familles est aussi notre douleur ; pour cette raison, il est urgent de réaffirmer une fois encore notre engagement pour garantir la protection des mineurs et des adultes vulnérables." (Lettre au Peuple de Dieu, 20 août 2018)
Pour cela un énorme travail de prévention a été entrepris dans notre Église en France. Pour qu’il porte tout son fruit, il est nécessaire de changer les mentalités et de modifier les habitudes afin de bannir tout « cléricalisme » selon le mot du pape François. "Le cléricalisme, favorisé par les prêtres eux-mêmes ou par les laïcs, engendre une scission dans le corps ecclésial qui encourage et aide à perpétuer beaucoup des maux que nous dénonçons aujourd’hui. Dire non aux abus, c’est dire non, de façon catégorique, à toute forme de cléricalisme." (Lettre au Peuple de Dieu, 20 août 2018)
Une culture de la bienveillance dans la vérité
Vivre dans la vérité les uns avec les autres, avec les services mutuels que nous nous rendons, dans le respect de la vocation de chacun, voilà l’antidote du cléricalisme. Le pape François parle de "culture". Saint Paul nous décrit cette culture que nous devons instaurer entre nous : "Puisque vous avez été choisis par Dieu, que vous êtes sanctifiés, aimés par lui, revêtez-vous de tendresse et de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience. Supportez-vous les uns les autres, et pardonnez-vous mutuellement si vous avez des reproches à vous faire. Le Seigneur vous a pardonnés : faites de même. Par-dessus tout cela, ayez l’amour, qui est le lien le plus parfait." (Épître aux Colossiens 3,12-14)
Je sais que vous aspirez à vivre de cette culture. Je l’ai souvent remarqué lors de mes venues dans votre Paroisse. Ces paroles de saint Paul sont un encouragement pour toute votre communauté paroissiale. Relisez-les souvent. Vous pouvez y puiser lumière et force pour avancer ensemble, pour continuer votre route. Je serai toujours à vos côtés pour vivre cette fraternité tissée dans la bienveillance, la bonté, la compassion, la douceur, la patience et l’humilité.
À l’inverse, le cléricalisme, c’est de l’orgueil qui s’attribue des qualités particulières en raison de la fonction ; c’est aussi de la raideur, souvent cachée par un sourire, en raison de certitudes qui empêchent l’écoute des autres avec leurs interrogations ou leurs inquiétudes. Mais avec la culture décrite par saint Paul, ce cléricalisme disparaît et laisse place à la vraie fraternité car elle est une fraternité évangélique qui permet de porter ensemble les épreuves des uns ou des autres. Elle est une fraternité entre personnes tout à la fois habitées de bienveillance et conscientes de leurs fragilités.
Confiance
Pour continuer d’avancer vers cette fraternité, votre communauté paroissiale peut se tourner vers le "Seigneur de miséricorde", comme nous y invite le Livre de la Sagesse (9, 9-11.13-18). En effet, nous l’expérimentons aisément, nos "réflexions sont incertaines" et "nos pensées, instables". C’est pourquoi, nous avons tous besoin, le prêtre avec vous et vous avec le prêtre, de recevoir la "Sagesse" qui vient du "Seigneur de miséricorde", de recevoir "l’Esprit Saint" qui vient "d’en-haut".
Il est beau de prier les uns pour les autres, de se rassembler pour discerner ensemble quels sont les "sentiers droits" sur lesquels l’Esprit de Dieu nous conduit car il est lumière sur nos routes. Mais comment recevoir cette lumière sinon en nous écoutant les uns les autres avec nos fragilités humblement reconnues, en écoutant ensemble la Parole de Dieu, en se recevant comme des frères et sœurs au milieu desquels vit le prêtre comme un frère, sans s’isoler ni s’extraire de la vie de la Communauté chrétienne.
Peut-être en raison d’une maladie, votre curé s’est isolé et s’est extrait de la Communauté dont il était le pasteur. Le drame est arrivé. Votre Paroisse est secouée. Puisse le père Yannick Poligné, comme cela est arrivé à Jacques Fesch en prison, être touché au fond de sa cellule par la puissante et douce lumière du Christ, et se convertir radicalement pour devenir un "homme nouveau". Nous le confions au "Seigneur de Miséricorde".
Permettez-moi de vous redire le mot de Jésus qui s’approche de la barque secouée par des bourrasques qui lui sont contraires : "Confiance, c’est moi, n’ayez pas peur !" (Mc 6,50) Pour finir, permettez-moi aussi de vous redire le souhait de saint Paul que nous avons entendu tout à l’heure : "Et que, dans vos cœurs, règne la paix du Christ à laquelle vous avez été appelés." (Épitre aux Colossiens 3,15)