Nous fêterons bientôt la Toussaint. À cette occasion nous aurons un œil rivé vers le Ciel, vers ces hommes et ces femmes qui nous ont précédés dans l’intimité du Christ et sont des exemples inspirants. La revue Ombres & Lumière a consacré le dossier de son prochain numéro au sujet "handicap et sainteté : des chemins cachés". Peu de personnes handicapées ont été élevées sur les autels jusqu’à présent ; on pense à saint Hervé, breton né aveugle, à sainte Germaine de Pibrac, née avec une main atrophiée. Ou à d’autres saints qui ont croisé la fragilité sur leur chemin de vie, comme Jean Paul II, atteint de Parkinson, ou saint Louis Martin, le père de Thérèse, qui finit sa vie dans la démence, avec des périodes d’internement. Mais on les compte sur les doigts de la main.
Tous appelés à la sainteté
N'y aurait-il pas des figures cachées parmi les personnes handicapées, qui mériteraient de recevoir le sceau de l’Église ? Il est notable d’observer qu’aucune personne porteuse d’un handicap mental n’a jamais été béatifiée ou canonisée. Il faut dire qu’avant Vatican II, l’Église privilégiait des prêtres, religieux et consacrés, des fondateurs d’ordre ou des missionnaires. Il faudra la constitution Lumen gentium pour rappeler "l’appel universel à la sainteté", adressé aux clercs comme aux laïcs, et même aux enfants. Il faudra aussi une révision de l’hagiographie pour sortir d’une vision de la sainteté comme perfection. Comme le dit le père François-Marie Lethel, carme et consulteur à la cause des saints à Rome, "les saints ont comme tout le monde des défauts, des zones d’ombre". Parfois réduits à des statues, les saints sont souvent trempés à la "pâte humaine". Simplement, ils ont vécu leurs grâces et leurs pesanteurs dans l’intimité profonde avec le Christ, en union avec Lui.
Sur cette page encore à écrire, deux figures récentes se détachent et laissent à penser que les choses pourraient évoluer prochainement. Il s’agit d’abord d’une religieuse, petite sœur Marie-Ange (1967-2017), trisomique 21, membre de la communauté des sœurs disciples de l’Agneau, dont la journaliste Raphaëlle Simon dresse le portrait dans le livre Choisie pour l’éternité (Artège). Devenue religieuse dans cette congrégation qui accueille majoritairement des femmes porteuses d’un handicap mental, Marie-Ange a vécu une authentique vocation, au service de ses sœurs et de la prière quotidienne. Elle a témoigné tout au long de sa vie d’une joie profonde, et, dans ses dernières années, de courage dans l’épreuve de la maladie.
Un chemin privilégié
Autre figure morte en odeur de sainteté : Claire-Émérentienne Fichefeux (1986-2014), jeune femme trisomique également, qui a fait l’objet d’un documentaire récent sur KTO ("Claire-Aime ou la joie de vivre !"). Abandonnée peu après sa naissance, elle fut adoptée dans une famille nombreuse et aimante. Elle trouva un travail dans le milieu ordinaire, tout en vivant une grande proximité avec le Christ. Sa vie témoigne d’une progression spirituelle constante, avec des étapes comme l’acceptation de son handicap et de ses contraintes ou son entrée dans la communauté de l’Emmanuel, où elle reçut la mission d’intercéder pour les prêtres. Elle laisse dans son sillage le souvenir d’une joie surnaturelle, et d’une grande ardeur missionnaire.
Non, la fragilité n’est pas incompatible avec la sainteté. Elle peut même être un chemin de croissance spirituelle privilégié.
Non, la fragilité n’est pas incompatible avec la sainteté. Elle peut même être un chemin de croissance spirituelle privilégié. En béatifiant une personne handicapée, l’Église donnerait davantage de sens à l’appel universel à la sainteté, et à une vision de la sainteté vraiment proche des Béatitudes.