Cotignac, Vézelay, Montligeon, Rocamadour… En ce premier week-end de juillet, ils ont été plus de 15.000 à marcher en direction de ces sanctuaires. Des pères de famille qui mettent tout de côté pour faire ce pèlerinage entre hommes. Ils confient à Aleteia ce qu’ils gardent de précieux dans leur bagage au retour.
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Prendre du recul le temps d’un week-end, prier, se ressourcer, trouver du réconfort, échanger avec d’autres hommes sur des sujets propres à tout père de famille, confier ses fragilités, ses doutes et ses peurs à Dieu. Se mettre en Sa présence dans un mouvement propice à l’intériorité. En route vers Cotignac, le plus ancien pèlerinage des pères, mais aussi Vézelay, Mont Saint-Michel, Montligeon et d’autres sanctuaires. Ils confient à Aleteia ce qui les a poussé à prendre la route et surtout ce qu’ils gardent de précieux dans leur bagage au retour.
Porté par des hommes laïcs depuis plus de 40 ans, sous des modes d’organisation informels et ralliant différents sites magnifiques en France, le pèlerinage des pères de famille est une occasion unique de rendre grâce pour de nombreux pères. Il offre aussi la possibilité de se ressourcer et de partager les fardeaux de ceux qui arrivent épuisés et éprouvés par les tourments de la vie, les soucis, la maladie ou le deuil d’un proche. Une telle pause permet de se régénérer pour repartir plus fort, plus paisible, plus joyeux et plus confiant dans l’amour inconditionnel de Dieu. Elle rend aussi plus disponible à soi-même. Il faut le reconnaître : les occasions sont rares pour un père de famille de s’octroyer une pause centrée sur l’intériorité, dans le marathon de la vie quotidienne, les préoccupations professionnelles et les engagements familiaux.
Franck Deulin : Baptisé adulte, je rentre chez moi avec le sentiment d’avoir trouvé ma place au sein de l’Eglise et au sein de la communauté.
Une radicalité qui s’impose à Franck Deulin, 43 ans, père de quatre enfants, entrepreneur dans l’immobilier et bouillant d’énergie. Au départ, il ne se sentait pas vraiment légitime pour faire ce pèlerinage. Baptisé à l’âge de 35 ans, Franck, plutôt de nature solitaire, se considère comme "pas encore bien enraciné dans sa foi de nouveau converti". Il n’avait même pas eu cette idée de faire une halte spirituelle en groupe. Mais c’est en sortant d’une messe en semaine, dans sa paroisse de Ville d’Avray, qu’il a croisé un jour son voisin. "Je n’étais pas étonné de le voir. En revanche, lui, il a été frappé de me croiser là…", explique-t-il amusé.
Voisins, pères de famille et pèlerins
Finalement en discutant de leur dévotion commune à saint Joseph, le voisin de Franck, qui porte le même prénom, lui lance l’invitation à le rejoindre sur le pèlerinage de Montligeon. "C’est ainsi que le week-end dernier, je me suis retrouvé à marcher avec un groupe d’une vingtaine hommes, qu’on appelle un chapitre. Je n’avais pas d’attente particulière, juste l’envie de faire confiance au Seigneur, et aussi à Franck !", confie t-il avec émotion.
Comblé par cette expérience, il lui est difficile de dire en quelques mots ses impressions. "Se donner un temps sous l’angle de la prière et de Dieu a été pour moi très ressourçant spirituellement, mais aussi humainement. Il y a quelque chose de magnifique dans la marche même. On ne se regarde pas, on marche en regardant vers la même direction. C’est peut-être ce mouvement qui permet de faire tomber les a priori, de montrer des visages masculins vulnérables. C’était une magnifique expérience. Je rentre chez moi avec le sentiment d’avoir trouvé ma place au sein de l’Église et au sein de la communauté. Pour moi, qui a été baptisé adulte, cette grâce que j’ai reçue au cours du pèlerinage de la part de Jésus m’a émerveillé. Lui qui est là, qui est toujours là à nous attendre…", conclut-il.
Un lieu où se crée une force et une fraternité
Son voisin, celui qui l’a invité à prendre la route ensemble, est veuf. Agé de 58 ans, père de trois enfants déjà grands et chef d’entreprise, Franck Bouvattier a d’abord suivi le chemin de Vézelay en 2011. "Après un diner chez des amis, où deux hommes avaient parlé de leur pèlerinage avec enthousiasme, je me suis dit en les écoutant que cela valait la peine de tenter l’expérience. Mais entre temps, je l’avais un peu oublié. Et c’est ma femme qui, à l’époque, m’a rappelé mon envie de faire le pèlerinage des pères de famille", précise-t-il. Ce sera chose faite quelques mois plus tard. L’année suivante Franck a l’idée, avec ses deux amis Guillaume et Gabriel, d’un pèlerinage moins éloigné de Paris. Le sanctuaire de Montligeon semble être la destination idéale.
Les alentours, Guillaume les connaît comme sa poche, depuis sa maison de famille située à moins de 30 kilomètres. Les trois amis dessinent alors un parcours qui permet des haltes chez des amis de Guillaume, jusqu’au sanctuaire. "Déjà installée sur place, la communauté Saint Martin nous y attendait les bras grands ouverts", se souvient Franck. Depuis, il n’a pas manqué une seule édition. "Cette année était la onzième. À chaque fois, nous avons la joie de nous retrouver avec les pèlerins des années passées, et de faire aussi la rencontre de nouveaux venus, pour partager des moments très forts entre nous, il se crée une fraternité d’une force incroyable".
Franck Bouvattier : J’ai marché six années en tant qu’époux et six années en tant que veuf. Le pèlerinage est devenu pour moi non seulement une respiration, mais une profonde nécessité.
Et puis, il y a la beauté des paysages, et des haltes chez des habitants généreux qui récompensent les pèlerins de leurs efforts. Louis, 58 ans, bientôt 32 ans de mariage et deux enfants, est très sensible à l'esthétique des temps et des lieux qui, pour lui, renforcent la spiritualité du pèlerinage. Pour ce nouveau venu sur les chemins de Montligeon, la grâce opère dès les premiers kilomètres : "Les heures de marche, la fatigue, les pieds qui souffrent, les nuits à dormir à la dure, alors que j'en avais perdu l’habitude, tout cela disparaît aux étapes chaque soir" commente t-il. En effet, l'hospitalité que réservent les hôtes au pèlerins ne se limite pas seulement à prêter leur jardin pour les tentes. Ils préparent souvent aux pèlerins des accueils gourmands, pour des moments de joie et de partage exceptionnels. "Enfin, il y a Guillaume, qui invente des nouveaux parcours à chaque fois, pour notre bonheur à tous, même si parfois j’ai l’impression qu’il rallonge un peu la distance réelle des étapes, rien que pour le plaisir de nous faire découvrir sa si belle région", rajoute Louis, un peu amusé.
"Je ne pourrais pas rater une seule édition. J’ai fait six années en tant qu’époux et cinq années en tant que veuf. Le pèlerinage est devenu pour moi non seulement une respiration, mais aussi une profonde nécessité. Il compte beaucoup dans ma vie", reconnaît Franck Bouvattier, très heureux d’avoir réussi à faire venir cette année le jeune Franck Deulin. "Il fallait juste oser lui proposer. Oui, finalement, il est essentiel de ne pas avoir peur, de ne pas reculer, mais d’oser", conclut-il.
Tous en sont témoins. La marche appelle les confidences, les échanges profonds sans jugements et sans faux-semblants, favorisés par des temps forts de prière, et de fraternité. "Ici on prie, on pleure et on rigole", s’émerveille Bertrand de Kerangat, 45 ans, père de cinq enfants, militaire, fidèle pèlerin et co-organisateur depuis sept ans du chemin de Cotignac, qui a rassemblé cette année 1.760 participants.
C’est par le dépouillement de la première journée que commencent alors trois jours pour soi, pour Dieu, pour les autres.
Pour lui, c’est la première journée qui est essentielle : "C’est le jour du dépouillement symbolisé par la marche sous la chaleur et dans un environnement inconnu. C’est précisément par ce dépouillement que commencent alors trois jours pour soi, pour Dieu, pour les autres", explique-t-il.
Lors des échanges avec d’autres pères de famille, des liens d’amitié se tissent. "C’est l’une des deux dimensions de notre marche : un lien et un moment fraternel. On partage des choses dures parfois, et cela nous rend soudés les uns aux autres. D’ailleurs, cette année, pour le dernier jour, nous avons aménagé un espace vide autour du sanctuaire. Il y avait un silence saisissant qui a rendu les pèlerins apaisés. Les visages de tous ces hommes étaient fatigués, mais paisibles, vraiment sereins. C’était très frappant", poursuit-il.
Marcher vers un haut lieu de la chrétienté peut être aussi l’occasion de rendre grâce pour tout ce qui est arrivé de bon, de beau et de bien pendant l’année. En se remémorant le pèlerinage des pères, Gildas, 42 ans, père de quatre enfants et contrôleur de gestion, s’exclame : "Quelle richesse de pouvoir prendre du recul sur ma vie d’homme, de mari et de père de famille ! Ces jours de dépouillement permettent de redonner du sens à ce que je vis au quotidien, de rendre grâce pour les belles choses reçues et de remettre au Seigneur les difficultés dans la confiance."
Tous ces compagnons de marche, nourris intérieurement, humainement et spirituellement, viennent de rentrer chez eux avec quelques trésors dans leurs bagages. Ils sont désormais moins seuls, plus joyeux et plus confiants pour grandir toujours plus. Et ils se le sont tous promis : rendez-vous l’année prochaine !