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L’époque médiévale et la Renaissance furent riches d’une représentation de la scène de la Visitation particulièrement émouvante par la force de son évocation. La Très Sainte Vierge et sa cousine Élisabeth n’y font pas que se rencontrer et s’étreindre. En leur sein, les deux enfants tout auréolés de lumière s’adressent l’un à l’autre, ceci correspondant à la parole évangélique de la mère de saint Jean-Baptiste s’écriant, après le salut de la Vierge Marie : "Dès que la voix de votre salutation est venue à mes oreilles, l’enfant a tressailli de joie dans mon sein" (Lc 1, 44). Nos aïeux dans la foi imaginèrent naturellement une sacrée conversation entre les deux enfants bénis de Dieu se formant dans le ventre de leurs mères. Ils se connurent ainsi avant même de voir le jour.
Ce qui est le plus sacré en ce monde
La Visitation devint ainsi la preuve par excellence de l’existence de la vie humaine alors qu’elle est encore invisible pour les yeux et pour la connaissance humaine. Si les conseils artistiques du concile de Trente mirent un terme à ce type de représentation iconographique, ils n’eurent pas, évidemment, comme but de remettre en question la sacralité de la vie humaine avant la naissance au monde. La conception signe bien la réalité de cette vie, et nul homme n’a le pouvoir d’y attenter, sauf à faire œuvre démoniaque, l’ennemi de la vie créée par Dieu.
Lorsque nos générations insouciantes, fières de leurs prouesses scientifiques et de leurs manipulations en tout genre, se casseront le nez devant la Porte étroite se dressant devant elles, immense et close, elles y découvriront une inscription très ancienne : "MANÉ, THÉCEL, PHARÈS", la même qui provoqua la terreur, puis la mort, du roi Baltassar de Babylone lorsqu’il utilisa pour son festin les vases sacrés du temple de Jérusalem pris comme butin par son père Nabuchodonosor (Dn 5, 1-31).
Contemplons ces deux Enfants qui tressaillent dans le cœur de leurs mères. Par le premier, le salut fut annoncé à notre monde, par le second, le salut est entré dans le monde.
Le jeune Daniel fut le seul capable d’interpréter les signes mystérieux tracés par une main isolée sur le mur en face du roi déjà pris d’ébriété : Dieu avait compté les jours du règne royal, le royaume serait envahi et divisé entre les Perses et les Mèdes, et ce roi indigne avait été pesé et jugé trop faible. Telle est la destinée de tous ceux qui font mine de ne pas se soucier des commandements intangibles de Dieu et de ce qui est le plus sacré en ce monde.
Une rage qui ne sort pas du cœur de l’homme
Il est révélateur de constater les réactions quasi unanimes à la décision récente de la Cour suprême des États-Unis d’Amérique au sujet de l’arrêt Roe v. Wade de 1973 ouvrant la porte à la légalisation fédérale de l’avortement. Invoquant le principe de liberté si chère à la Constitution américaine, les juges ont décidé de revenir sur cet arrêt contraire aux principes constitutionnels, remettant à chaque État la responsabilité d’accepter ou non l’avortement, suivant en ceci une démarche identique à celle regardant l’achat et le port d’armes. Les "démocraties occidentales" se sont toutes dressées, comme un seul bloc, contre la Cour suprême américaine, avec une rage qui ne sort pas du cœur de l’homme mais de l’enfer lui-même, signe, s’il en était encore besoin, que cette question cruciale de l’avortement est bien la fine pointe du combat en ce monde des forces du Mal.
Il suffit d’entendre ou de lire les déclarations, faites sans délai, des politiques de notre pays pour comprendre ce qui est vraiment en jeu. Le président de la République a aussitôt "twitté" : "L’avortement est un droit fondamental pour toutes les femmes. Il faut le protéger. J’exprime ma solidarité avec les femmes dont les libertés sont aujourd’hui remises en cause par la Cour suprême des États-Unis d’Amérique." Le Premier ministre, Élisabeth Borne, a emboîté le pas en faisant un bond supplémentaire : "Pour toutes les femmes, pour les droits de l’homme, nous devons graver cet acquis (l’avortement) dans le marbre."
Et enfin, toujours avec une rapidité déconcertante, la présidente du groupe LREM à l’Assemblée nationale, Aurore Bergé, a annoncé que sa famille politique déposait aussitôt une proposition de loi constitutionnelle pour que l’avortement ne puisse pas connaître en France le sort américain. Par ailleurs, il est nécessaire de noter que toutes les autres tendances politiques ont suivi le même chemin, sans exception. Ce qui est désormais gravé dans la pierre ne sont plus les commandements divins mais les lois immorales et mortifères de nos régimes et de nos pouvoirs.
Les avertissements de l’Église
Évidemment, l’Église, fille de la Visitation, ne peut que réagir, comme elle l’a fait par la voix de l’Académie pontificale pour la Vie, prenant le contrepied de l’hystérie collective. Il est dommage cependant que, dans notre pays, ce soit encore le silence autour de cette révolution copernicienne. Dommage aussi que, depuis tant de décennies, nous n’ayons pas été bien actifs pour mettre en place des structures permettant d’aider les femmes en détresse à garder leur enfant. Cela existe bien sûr, initiatives de certaines "nouvelles communautés" ou associations, mais le soutien officiel n’est pas toujours très visible, contrairement à la position épiscopale dans d’autres pays.
Comme d’habitude, ce sont les États les plus riches, les plus saturés de plaisirs et de droits multiples, qui enragent et qui trépignent, tandis que des pays pauvres ou muselés ne suivent pas le mouvement. La liberté de tuer des innocents ne peut être inscrite dans le marbre sans répercussion tragique pour les peuples qui l’appelleraient de leurs vœux. Notre sort risque bien d’être celui de Baltassar et de son empire, pourtant le plus puissant de son époque. L’Église, dans son enseignement continu et dans sa tradition sans coupure, ne cesse de nous avertir, de nous guider, mais nous avons choisi l’aveuglement et la surdité.
Les points non négociables relevés par Benoît XVI sont méprisés et foulés au pied. La moindre remise en cause de lois injustes est maintenant crime de lèse-majesté. Tous les justes qui, dans l’Église, n’ont cessé de se battre depuis tant de décennies pour sauver la sacralité de la vie humaine, sont les témoins contemporains de la vérité de l’Évangile. Cette décision de la Cour suprême américaine, provoquant tant de violence et de haine, est le signe que la politique des hommes n’est pas éternelle, même s’ils s’empressent de fixer dans l’airain les lois qu’ils regardent comme immortelles. Elle nous secoue aussi de notre torpeur et de notre fatalisme nous conduisant à regarder tant de causes comme perdues.
Les deux Enfants de la Visitation
Nous devons nous souvenir de la Visitation qui n’est pas seulement la rencontre entre deux saintes femmes mais aussi et surtout le face à face mystérieux entre le Sauveur du monde et son Précurseur. La vie ne commence point à la naissance et personne n’a le droit de toucher à ce qui est sacré. Les problèmes humains se résolvent normalement autrement que par la mort de l’innocent. Dieu, régulièrement et patiemment, nous envoie des avertissements. Refusant de les recevoir et de changer nos comportements, il sera bien tard de se lamenter devant l’inscription, gravée cette fois dans le marbre, sur la Porte étroite soigneusement fermée à double tour.
Accueillons le moindre signe de conversion en ce monde comme une grâce insigne. Même si la majorité décide de demeurer emmurée dans sa solitude et dans son orgueil, puisons notre force dans ce qui est juste et vrai, sans souci des critiques et des attaques. Contemplons ces deux Enfants qui tressaillent dans le cœur de leurs mères. Par le premier, le salut fut annoncé à notre monde, par le second, le salut est entré dans le monde. Aucun royaume, aucun pouvoir politique, aucune assemblée, aucune constitution ne peut résister : tous seront pesés et jugés insuffisants.