Mariée, mère de trois enfants, Stéphanie Combe habite en Bourgogne, près de Chalon-sur-Saône, à la campagne. Journaliste à Famille Chrétienne puis La Vie, elle observe qu’il n’est pas facile pour les parents, même très engagés au niveau de la foi, de prier ensemble pour leurs enfants. Pourtant, elle est convaincue de la puissance de cette prière et en explore tous les bienfaits dans son ouvrage La puissance de la prière des parents (Salvator). Entretien.
Aleteia : Vous parlez de la prière des parents pour leurs enfants, et plus spécifiquement des parents ensemble pour leurs enfants, que dire de cette prière en couple ?
Stéphanie Combe : Je voulais surtout aborder dans mon livre la puissance de la prière commune des parents. Pas seulement de chaque parent qui prie individuellement pour ses enfants. Il y a une force spéciale dans le sacrement de mariage qui donne une puissance particulière à cette prière commune. Même si elle reste très difficile pour plein de raisons.
Alors comment faire pour prier en couple ?
On ne le dit pas assez : la prière est un apprentissage ! Dès la préparation au mariage, la prière en couple devrait être mise en valeur. La prière en général ne bénéficie déjà pas de beaucoup de place dans nos emplois du temps surchargés, c’est largement vrai aussi pour la prière en couple.
Mon premier conseil est d’élargir les façons de prier : le couple peut se retrouver enfermé si, pour l’un, point de salut en dehors du chapelet, pour l’autre, seule la louange est une prière accessible. Le couple est invité à ouvrir les possibilités, élargir les manières de répondre à Dieu. Comme avec les langages de l’amour de Gary Chapman qui montrent qu’il y a plusieurs manières de montrer son amour en couple, il y a plusieurs manières de parler à Dieu et lui témoigner notre amour.
La prière est un apprentissage, ce qui veut dire que c’est parfois galère et répétitif !
Mon deuxième conseil est de garder en tête que la prière est un apprentissage, ce qui veut dire que c’est parfois galère et répétitif ! J’ai échangé avec un couple rayonnant, qui porte beaucoup de fruits, et ils ont témoigné qu’ils ont mis vingt ans à réussir à prier en couple ! Il ne faut surtout pas se comparer ou croire que les autres font mieux.
D’où mon troisième conseil : commencer petit. Par exemple se donner la main et prier un Notre Père et un Je Vous salue Marie, ensemble, fidèles. Le Pape François parle d’une discipline de prière. Les phrases lancées vers Dieu, comme les oraisons jaculatoires, sont bonnes, mais elles dépendent de nos sentiments. Il faut donner un temps de prière indépendant de nos états d’âme : c’est une décision à prendre. En prenant cette décision à deux, on s’y tient, l’un rappelant à l’autre le rendez-vous pris avec Dieu. Cette persévérance, quelles que soient épreuves de la vie, a une très grande fécondité.
Quels sont les fruits de cette persévérance dans la prière à deux ?
L’unité du couple ! Les époux ne deviendront pas parfaits, on va toujours s’énerver devant l’insolence ou pour un lacet défait mais la prière permet aux époux de se remettre sous regard de Dieu. Cela doit être le but de nos journées : être une louange à Dieu et se souvenir qu’Il est là. Sinon dans tourbillon du quotidien, on l’oublie rapidement. Et les enfants reçoivent le bénéfice de cette unité des parents.
Aux jeunes couples qui ont des nuits hachées, je veux leur dire que la vie est longue, il y a des temps dans la vie, il ne faut pas se décourager. Un jour il y aura des longues nuits reposantes et pas de retards à l’école, ça passe et cela passe assez vite. Cinq, sept ans à l’échelle d’une vie, c’est court. Une mini prière suffit pour commencer.
Pourquoi prier pour ses enfants ?
Avec le baptême, les parents s’engagement à éduquer leurs enfants dans la foi et à garder les commandements de Dieu. Notre amour de Dieu est manifesté dans union à Lui donc dans la prière. La prière est multiforme : la prière répétitive de l’église, la louange spontanée, les oraisons jaculatoires, la lectio divina, tout ceci est un apprentissage. Il y a par exemple des camps de prière ignacienne pour la lectio divina : on commence par appeler l’Esprit car Il prie en nous, en réponse à l’amour du Père, puis on lit la Parole, on imagine le décor, on utilise nos sens, lentement, on répète phrase après phrase. Je souhaite à tout le monde cette expérience magnifique quand, tout à coup, une phrase apparait en 3D, comme un chemin ouvert juste pour nous.
Que peut-on demander pour ses enfants ?
La prière est un échange, donc on dépose tout. Il est bon de commencer par une action de grâce pour ses enfants, même quand il y a du stress et que ça ne va pas. On confie un enfant qui passe son bac, qui a des fréquentations douteuses ou qui est en souffrance. L’action de grâce est un acte de foi, c’est croire que l’Esprit reçu par l’enfant à sa confirmation et son baptême agit en lui indépendamment des parents. Le Seigneur ne laisse pas tomber ses enfants, même si l’enfant a l’air perdu. Cette action de grâce change l’état d’esprit des parents et le regard qu’ils portent sur leur enfant, cela redonne l’espérance. L’enfant sent l’inquiétude de ses parents, et cela crée un poids dont il n’a pas besoin. Au contraire il a besoin de confiance et d’un soutien inconditionnel. Les parents sont uniquement dépositaires, c’est Dieu qui est Père et Mère par excellence.
Parfois les enfants font des choix crucifiant pour les parents, alors les parents deviennent spécialistes ès intercession ! Il faut demander que les enfants aient de bons amis, réussissent leurs examens. Les parents ne peuvent pas ne pas demander ça ! Cela fait partie du quotidien car les parents veulent le meilleur pour leur enfant. Et face à l’épreuve, les parents grandissent : ils ne peuvent pas exonérer leurs enfants des difficultés de la vie, du rejet, de l’exclusion, des mauvaises notes, des humiliations, de la maladie, de la souffrance.
Comment réagir quand les enfants font des choix douteux ?
Si les parents voient que les choix de l’enfant ne sont pas bons pour lui, ils touchent à leur propre impuissance. C’est l’impuissance de Dieu aussi : Dieu, dans sa folie, a voulu que l’homme soit libre, qu’il ait la possibilité de Le refuser. Les parents en sont victimes et font cette expérience : ils ne peuvent pas choisir pour leur enfant, même si le choix n’est pas bon et conduit sur un chemin de mort. Comme Dieu, le parent est alors impuissant et sa souffrance est muette. Les enfants savent en quoi croient leurs parents, ils ne sont pas idiots, et les parents doivent accepter que chaque être est libre. Ils doivent continuer à prier et offrir des sacrifices, comme le jeûne, pour leurs enfants.
Jeûner pour leurs enfants ?
Les catholiques ont souffert du jansénisme et le jeûne et les sacrifices semblent désuets dans notre société moderne qui prône le bien-être et la consommation. Heureusement nos frères protestants nous rappellent l’importance du jeûne et des sacrifices. Cela rend les parents actifs dans leur prière pour leurs enfants. Le roi David est un merveilleux exemple : il prie, il jeûne pour intercéder pour son enfant, et quand la vie de son enfant est reprise par le Seigneur, David ne se désespère pas et reprend le cours de sa vie. Il ne garde pas esprit contristé, au contraire il a une totale confiance en Dieu.
Nos enfants prodigues vont revenir avec un supplément d’âme.
De même, l’enfant peut faire son chemin, les parents doivent s’efforcer de continuer à croire. Cela a une dimension prophétique : le jeune peut revenir de délinquance, de l’addiction, d’une sexualité débridée et il reviendra encore plus fort. Il constatera l’amertume dans ses choix passés et, quand il reviendra, il deviendra témoin et prophète pour les autres. Dieu se sert de tout ! Nos enfants prodigues vont revenir avec un supplément d’âme. Bien sûr, en tant que parent, on ne peut pas souhaiter ces souffrances pour nos enfants, mais il faut avoir confiance en la Miséricorde.
Vous parlez de "prier sans cesse", comment faire dans la vie trépidante d’aujourd’hui ?
La prière, c’est être uni à Dieu. Donc c’est aussi bien être en adoration devant le Saint Sacrement, que s’unir à Dieu quand on repasse, pendant son footing, ou même, très simplement, prendre conscience que Dieu est là avec nous. La société nous pousse loin de nous-même, nous sommes dispersés par les réseaux sociaux, la télévision, alors que Dieu est justement au cœur de nous-même. Avoir conscience de la présence de Dieu, de son regard sur nous, et du fait que tout peut être vécu avec Lui, c’est ça prier sans cesse.
Chaque minute peut être sanctifiée. Il ne faut pas rester sur l’image monacale d’une religieuse en extase dans son église, d’ailleurs les religieux aussi font leur jardin et épluchent les légumes. Prier sans cesse c’est rester en présence de Dieu. On le vit de façon modeste et imparfaite ici-bas, mais c’est un début, et cela unit tous les parents à l’Eglise universelle. Beaucoup de parents vivent les mêmes choses au quotidien, la prière fait entrer dans la communion de l’Eglise, y compris avec les défunts, et cela devient un échange incessant entre Ciel et terre.
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