Sœur Marie-Ange a vécu sa vie religieuse au sein de la communauté des Petites Sœurs Disciples de l’Agneau. Une communauté fondée en 1985, unique au monde, qui accueille des sœurs porteuses de trisomie 21 afin qu’elles puissent vivre leur vocation contemplative. Dans son ouvrage Choisie pour l’éternité ! Marie-Ange et les petites sœurs Disciples de l’Agneau (ed. Artège), Raphaëlle Simon dresse un portrait lumineux de la religieuse.
Marie-Ange naît en 1967, à une époque où la trisomie 21 est tout juste connue, vécue comme une tare, voire une honte, et sans accompagnement aucun de la société. D’une façon providentielle, elle rejoint la communauté des Petites Sœurs Disciples de l’Agneau à ses débuts en 1987. Elle y restera jusqu’à sa mort en 2020, au terme d’une vie consacrée ayant marqué durablement son entourage.
Les petites sœurs se rappellent la simplicité, la douceur, la joie de vivre de Marie-Ange, et ses "bons mots" inspirés de l’Esprit saint, comme "Vis tranquille !" ou encore "Je suis religieuse pour l’éternité !". Elles aiment à se remémorer les bons moments passés ensemble, et les habitudes de Marie-Ange, comme celle de copier à la main des pans entiers des Evangiles, une manière pour elle de s’imprégner de la parole de Dieu.
Elle saura aimer mieux que nous.
Si Marie-Ange a pu vivre sa vocation dans de bonnes conditions matérielles, spirituelles et fraternelles, c’est grâce à un entourage ouvert d’esprit et pionnier pour vivre et même préfigurer "l’Evangile de la vie" prôné par le pape Jean-Paul II dans son encyclique parue en 1995. Le pape y affirme la valeur et l’inviolabilité de chaque vie humaine, inscrite dès son origine dans "le plan de Dieu".
Un entourage bienveillant
L’entourage de Marie-Ange a été bienveillant, mais aussi courageux et même pionnier. Profondément chrétienne, sa famille est néanmoins ébranlée par l’annonce de la trisomie 21 de la petite dernière, et se replie un temps sur elle-même.
Les parents de Marie-Ange sont heureusement mis en relation avec le Professeur Jérôme Lejeune qui saura répondre à leurs angoisses et leur redonner l’espérance, notamment par cette heureuse prophétie : "Elle saura aimer mieux que nous". Ils comprennent dès lors que leur fille n’a pas "quelque chose en moins", mais "un talent propre, une note unique à jouer dans la partition de la vie". L’épreuve n’en est pas moins lourde, mais elle est désormais transfigurée par une espérance chrétienne, dont ils savent bien qu’elle ne déçoit jamais.
Une communauté spéciale
Mère Line, fondatrice et prieure de la communauté des Petites Sœurs Disciples de l’Agneau, a su, telle une pionnière, se laisser guider par l’Esprit saint en constatant un besoin. En 1984 en effet, Line Rondelot rencontre une jeune fille porteuse de trisomie 21, Véronique, qui a tenté une première entrée chez des religieuses pour y vivre sa vocation, mais sans succès. Line perçoit chez elle un appel authentique à la vie religieuse. Elle se sent appelée à réaliser sa vocation au service "des petits, des humbles", en donnant toute sa place aux personnes trisomiques au sein d’une communauté spéciale. De fait, Line Rondelot ira jusqu’à proposer au Vatican une règle de vie communautaire adaptée au handicap de la trisomie 21.
Enfin, n’oublions pas une personnalité des plus discrètes mais sans laquelle la communauté n’aurait peut-être jamais vu le jour : le père Henri Bissonnier (1911-2004), chercheur et professeur de psychopédagogie, qui toute sa vie, témoigna que les personnes porteuses d’un handicap mental sont "capables de relations, de progrès, d’autonomie, d’intelligence de cœur et d’une vie spirituelle". Il l’affirmait haut et fort : "Dans le domaine de la vie spirituelle, la notion de handicap n’a pas lieu d’être."
Maintenant que Marie-Ange est partie au Ciel, les petites Sœurs prient leur sœur d’intercéder pour obtenir des vocations religieuses de sœurs valides, afin de pérenniser la communauté.
Une leçon pour notre temps
Le qualificatif de "belle" n’est jamais usité dans notre société pour une personne trisomique. Pourtant, à la lecture de la vie de sœur Marie-Ange, c’est celui qui vient promptement à l’esprit : elle est "toute belle", intérieurement et extérieurement. Sa sainteté vécue dans la joie d’avoir suivi et aimé le Christ a pour ainsi dire effacé les marques de son handicap.
Oui, Dieu aime les personnes handicapées mentales, il les libère par la puissance de son Amour, et il les invite tout autant que les personnes valides à la sainteté. "Dieu ne regarde pas comme les hommes : les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur" (1Sam 16, 7).
L’exemple de Petite Sœur Marie-Ange nous rappelle au contraire le mystère insondable de Dieu dont la préférence va aux "tout petits".
Le témoignage lumineux de Sœur Marie-Ange nous invite à résister à la violence de notre temps qui continue à refuser aux personnes trisomiques le droit de vivre, ou encore "le droit d'être un homme", selon la belle expression de la philosophe Jeanne Hersch.
L’exemple de Petite Sœur Marie-Ange et de sa communauté nous rappelle au contraire le mystère insondable de Dieu dont la préférence va aux "tout petits". Ainsi le rapporte la Bible : "Si quelqu’un est tout petit, qu’il vienne à moi !" (Proverbes 9,4) ou encore "Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits" (Mt 11, 25).
Pratique
Aliénor Strentz est docteur en ethnologie, formatrice pour adultes, et fondatrice du blog "Chrétiens heureux".