Le pontife argentin n’a pas attendu la publication de Praedicate Evangelium pour modifier une partie de la structure de la Curie. Par petites touches, il avait ainsi déjà lancé de grandes transformations, comme la création en 2016 d’un « super-dicastère » pour le Service du développement intégral, fruit de la fusion de quatre entités curiales. Ces changements d’ampleur ont été formellement intégrés dans la constitution.
Dans cette première infographie – qui rappelle la Curie avant l’arrivée de Praedicate Evangelium -, toutes les entités affublées d’un astérisque sont issues de réformes menées par François depuis son arrivée sur le trône de Pierre.
La structure de la Curie héritée de Pastor Bonus accordait une place prédominante à la Secrétairerie d’État. Depuis le début de son pontificat, le pape François a pris soin de décharger ce puissant organe de sa gestion des affaires économiques des la Curie. De même, avec Praedicate Evangelium, la Secrétairerie d’État ne s’occupe plus de la gestion du personnel de la Curie, cette compétence étant désormais assumée par le Secrétariat pour l’économie.
Comme le montre la deuxième infographie, la Secrétairerie d’État ne se situe plus désormais au-dessus des dicastères mais doit jouer un rôle de coordination entre eux.
En uniformisant le nom d’un certain nombre d’entités, les rédacteurs de la nouvelle constitution ont cherché à clarifier l’organigramme de la Curie. Ainsi, il n’existe plus de « congrégations » ou de « conseils pontificaux » mais uniquement des « dicastères ».
Un unique dicastère de l’Évangélisation fait son apparition et est désormais directement présidé par le pape. Par ailleurs, l’Aumônerie apostolique devient un dicastère, celui de la Charité.
Si les 16 dicastères sont juridiquement paritaires, les trois premiers – Évangélisation, Doctrine de la foi, Charité – ont une importance toute particulière, a expliqué l’un des artisans de Praedicate Evangelium, le cardinal Marcello Semeraro.
L’état actuel des forces en présence à la tête de la Curie
Dans les prochaines semaines, le pape François doit procéder à de nouvelles nominations pour actualiser le nouvel organigramme de la Curie. Si certains verront probablement leur poste confirmé, d’autres, les plus âgés notamment, devraient en théorie quitter leurs fonctions.
Mais dans la pratique, tout reste possible puisque le pape François vient de confirmer le cardinal Michael Czerny, 75 ans, à son poste de préfet du dicastère pour le Service du développement humain intégral qu’il occupait ad interim depuis le départ du cardinal Turkson en décembre.
En attendant les autres nominations – ou confirmations – à venir, l’agence I.MEDIA a listé l’ensemble des personnes qui se trouvent actuellement à la tête d’un des 53 organes de la Curie (Cf la dernière infographie qui indique les noms, âges et nationalités de ces responsables). Cette compilation des données permet de tirer quelques enseignements sur l’état actuel des forces de la Curie.
Alors qu’un responsable religieux à la Curie doit normalement prendre sa retraite avant 75 ans, il s’avère que plus d’un quart des personnes se trouvant à la tête d’entités curiales ont dépassé cet âge limite. Par ailleurs, la moitié des responsables ont plus de 70 ans.
Les données récoltées permettent aussi de mettre en lumière le fait que près de la moitié des responsables d’une entité curiale sont en poste depuis plus de cinq ans, et près d’un sur cinq depuis plus de dix ans.
La nouvelle constitution rappelle le principe du quinquenium qui prévoit que tous les dirigeants de la Curie soient nommés pour des mandats de cinq ans, renouvelables une seule fois. La généralisation du quinquenium à tous les employés de la Curie – sauf les laïcs – doit permettre d’éviter le carriérisme au sein de la Curie et la création de “centres de pouvoir” aux mains des mêmes personnes.
Le Saint-Siège n’a pour l’instant pas donné d’indication sur ce qu’il adviendra des personnes actuellement en poste depuis plus de cinq ans. À titre d’exemple, le cardinal Leonardo Sandri, préfet de la Congrégation pour les Églises orientales est en poste depuis 2007, soit 14 ans. Il a aujourd’hui 78 ans.
L’autre élément qui apparaît à l’étude des données est le fait qu’aucune femme n’est à la tête d’un organe de la Curie. En outre, seuls 15% des responsables sont des laïcs. Toutefois, une des grandes institutions liées au Saint-Siège – mais ne faisant pas partie de la Curie – est dirigée par une femme. Il s’agit de Barbara Jatta, directrice des Musées du Vatican depuis 2017.
La nouvelle constitution Praedicate Evangelium prévoit que tous les postes de gouvernance de la Curie romaine sont désormais ouverts aux laïcs, hommes et femmes.
Autre enseignement : neuf ans après l’élection du pontife argentin sur le trône de Pierre, la Curie reste encore européenne et très italienne. Ainsi, 79 % des responsables viennent d’Europe, et près de la moitié des entités curiales sont dirigées par un Italien. Arrivent ensuite – loin derrière – l’Espagne (8%), la France et les États-Unis (6%).
Actuellement, il n’y a plus d’Africain au poste de préfet. Un seul cardinal du continent africain est à la tête d’un organe de la Curie : le cardinal ghanéen Peter Turkson, récemment nommé chancelier des académies pontificales des sciences et des sciences sociales.