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Mamans, vous ne faites pas “rien”, vous faites de l’éternel

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Jeanne Larghero - publié le 03/06/22
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Font-elles "rien", les mamans qui s’épuisent inlassablement dans les tâches invisibles et répétées de leur maternité ? Non, explique la philosophe Jeanne Larghero, elles transmettent le meilleur de la tendresse et de la sagesse dont dépend l’avenir de l’humanité.

À toutes celles qui se sont levées trois fois cette nuit pour allaiter, changer des couches, et moucher du bébé, à toutes celles qui aujourd’hui déplieront-coinceront-replieront-recoinceront douze fois la même poussette​, à toutes celles qui ce soir feront l’avion avec la petite cuiller de purée tout en préparant les biberons pour cette nuit : non ! vous ne faites pas « rien » de vos journées ! Honnêtement, laquelle d’entre nous ne s’est jamais écroulée le soir en gémissant : « Aujourd’hui, j’ai encore rien fait de ma journée » ?

Perpétuellement recommencer

Il faut dire que Simone de Beauvoir n’a pas fait beaucoup pour la condition des femmes avec enfant en affirmant que leur rôle est passif, en soutenant que le quotidien d’une mère ne relève pas de l’activité mais de la simple « fonction naturelle »​. Pourquoi selon elle ? Parce qu’elles nourrissent et qu’il faudra perpétuellement recommencer, parce qu’elles rangent et lavent ce qui sera à nouveau dérangé et sali, parce que tout ce qu’elles font est voué à être​ détruit. Il n’en reste… rien. Les hommes à l’inverse auraient une vie remplie d’activités, de créations positives : ils ont tout le temps d’écrire, de construire, de produire des choses qui durent. En faisant, ils se réalisent. Et c’est tout de même​ plus exaltant que l’opération « allaiter-moucher-changer ». Cette analyse totalement horizontale prive le travail des femmes de tout sens, et dissuade au passage les pères désireux et capables de s’investir : peut-on s’en contenter ?

Non seulement vous construisez votre avenir, mais vous entrez dans une immense aventure qui dépasse le monde visible.

Évidemment, si vous êtes une optimiste née, vous adopterez une pensée guillerette et positive : incroyable, j’ai fait toutes ces passionnantes années d’études d’ingénieur et on m’avait caché l’existence du judicieux tuyau à aspirer les trous de nez ? Mais peut-être que la version déprimée l’emportera : je passe du plan stratégique marketing du futur Airbus au mode d’emploi du mouche-bébé, à quel moment ai-je perdu le contrôle de ma vie ?

L’avenir entre vos mains

Alors disons-le, et redisons-le, à toutes les femmes qui peinent à voir le sens de leur maternité : vous ne faites pas « rien ». Vous faites même plus que du « durable ». Vous faites de l’éternel. Non seulement vous construisez votre avenir, mais vous entrez dans une immense aventure qui dépasse le monde visible. Les cuillers de purée en chantant vroum-vroum et en visant bien la bouche, les petits lacets un peu — mais pas trop serrés, tous vos gestes maternants et nourriciers, construisent les futurs adultes qui auront appris de vous la patience, l’imagination, la fantaisie, la persévérance, l’humilité, la détermination, le courage, l’intelligence des situations, toutes qualités dont le monde a besoin pour être habitable. C’est donc bien votre avenir et le nôtre que vous portez entre vos mains. 

Et plus encore, toutes les femmes qui jour après jour, nuit après nuit, sans tambour ni trompette font ce qu’elles ont à faire, c’est-à-dire s’occuper de leur enfant, infusent au monde une vertu sans laquelle il s’écroulerait sur lui-même : la foi. On sait que ce qu’on fait à du sens, même​​ si certains jours la fatigue nous le rend plus obscur. On sait que les sourires, les câlins, la toute petite tête posée sur le sein à quatre heures du matin font entrer dans le monde le lait de la tendresse humaine ; invisiblement nous reconstituons les réserves de tendresse dont notre humanité a besoin. On ne le voit pas, mais on sait que cette tendresse donnée rejaillira pour d’autres comme une grâce, cela s’appelle la foi. Et tout ceci n’est pas rien.

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