Un grand-père et même arrière-grand-père qui avait, comme Moïse à cent vingt ans, l’œil encore vif, « ni sa vigueur épuisée », demandait récemment à ses petits-enfants, déjà grands, vingt-cinq à trente ans, quel était l’événement qui les avait (pour l’instant) le plus marqués dans leur vie ? De tous ces baptisés, aucun n’a dit : « La Résurrection ! », et c’est dommage en ce jour de Pâques. Ils ont dit le Covid. J’ai posé la question à des amis, sur la place devant l’église. On s’est accordé sur deux événements à égalité : l’attentat contre les Tours jumelles de New-York le 11 septembre 2001. La scène était si effroyable et tellement improbable ! Qui aurait pensé que deux avions percutant le haut de ces tours provoqueraient leur effondrement ? L’autre onde de choc pour notre génération d’Européens américanisés fut la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989, différemment bouleversant.
On a dans l’Histoire, des événements peut-être encore plus retentissants : les deux destructions du Temple de Jérusalem, la première en moins 587 par les Babyloniens, du second en 70 de notre ère, à laquelle ont assisté les premiers chrétiens. Ils se sont souvenus des avertissements de Jésus à ceux qui admiraient le Temple : « Des jours viendront où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit » (Lc 21, 6). Ces paroles ouvrent dans l’évangile le discours apocalyptique où Jésus annonce son retour dans la Gloire : « Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous aurez la force d’échapper à tout ce qui doit arriver, et de vous tenir debout devant le Fils de l’homme » (Lc 21, 36).
Comment se fait-il alors que la Résurrection du Christ ne nous apparaisse pas pour ce qu’elle est, bien plus que l’événement le plus important de l’Histoire : l’événement qui donne son sens à l’Histoire, un événement toujours actuel et que nous rendons présent à chaque messe ?
La chute du Temple fut un traumatisme dont on n’a pas idée, d’autant que pour le premier elle fut suivie de l’Exil, tandis que depuis le second dure une épreuve plus terrible : le silence de Dieu. Plus aucun prophète n’a parlé depuis de la part de Dieu, ce qui pour nous chrétiens est logique puisque la Révélation s’est accomplie en Jésus-Christ : il est, par sa Résurrection et son Ascension à la Droite du Père, la plénitude de la Révélation.
Comment se fait-il alors que la Résurrection du Christ ne nous apparaisse pas pour ce qu’elle est, bien plus que l’événement le plus important de l’Histoire : l’événement qui donne son sens à l’Histoire, un événement toujours actuel et que nous rendons présent à chaque messe ? Il est vraiment ressuscité ! La Résurrection permet de répondre aux trois questions de l’humanité sur son identité, son origine et sa destination : Qui sommes-nous ? D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Ce jour de Pâques y répond de façon autrement plus sûre que le tableau de Paul Gauguin qui porte à peu près ce nom mais dont l’ordre est modifié pour correspondre à la sainte Trinité : « D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? » titre Gauguin qui savait que nous venons du Père, que nous sommes frères du Fils en nous laissant conduire par l’Esprit.
La Résurrection du Christ donne sens à l’Histoire : c’est l’événement qui a changé la face du monde en nous révélant le visage d’amour de Dieu, mais c’est la rencontre du Christ qui donne son sens à notre vie.
Qui sommes-nous ? Les Enfants de Dieu, enfants d’adoption pour ceux qui croient que Jésus Christ est le Fils de Dieu, l’auteur de la Vie, de notre création et de notre Salut. D’où venons-nous ? Des ténèbres du mensonge, pour ceux qui ont vu la lumière, à l’image en ce jour de Pâques de sainte Marie-Madeleine que Jésus avait délivrée de ses démons. Où allons-nous ? A la Maison du Père, dont le Christ est la Porte et le Chemin. Les portes du Royaume sont ouvertes par la Résurrection et l’Ascension du Christ, qui en a confié les clés à son Eglise, les clés de la rémission des péchés.
La rencontre du Christ
La Résurrection du Christ donne sens à l’Histoire : c’est l’événement qui a changé la face du monde en nous révélant le visage d’amour de Dieu, mais c’est la rencontre du Christ qui donne son sens à notre vie. C’est lui Jésus que ses disciples viennent chercher au tombeau ; c’est lui Jésus Vivant et ressuscité qui se manifeste à eux, portant les traces glorieuses de sa Passion. Notre relation au Christ est le feu de notre cœur, le feu de l’amour de Dieu, qui brûle en nous comme le Buisson ardent, sans consumer. « Venez, vous tous qui avez soif, venez, voici de l’eau ! Même si vous n’avez pas d’argent, venez acheter et consommer, venez acheter du vin et du lait sans argent, sans rien payer » (Is 55, 1). « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos » (Mt 11, 28).
Je suis la lumière du monde, dit Jésus. « Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison » (Mt 5, 15). Nous étions perdus. Le Christ est venu nous révéler en notre chair qui nous étions, quelle est notre humanité, quel est le sens de notre vie : vivre de l’amour de Dieu en sa divine, éternelle et très Sainte Trinité. Chaque fois que nous traçons sur nous le signe de la Croix, brûle en nous ce cri d’amour : il est Ressuscité ! Pour que nous vivions du feu de l’amour de Dieu !